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Prêts immobiliers, inflation, dette… Ce que va changer l’augmentation historique des taux directeurs de la BCE

Un décision historique. La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une hausse de ses taux directeurs d’une ampleur inédite (0,75 point), jeudi 8 septembre. Une première pour la gardienne de la monnaie unique qui tente de faire face à une inflation record, à 9,1% sur un an en août dans la zone euro. La BCE, longtemps rétive à une augmentation de ses taux d’intérêt, avait déjà annoncé une hausse surprise de 0,5 point en juillet.

L’objectif de l’institution est de ralentir l’économie pour faire baisser l’inflation, nourrie par l’explosion des prix de l’énergie. Tenue de garantir un taux d’inflation de 2% dans la zone euro, la BCE a longtemps été opposée à une augmentation des taux, craignant que l’économie européenne plonge dans une récession. Alors que signifie concrètement cette décision ? Quel impact aura-t-elle sur les finances des Européens ? Eléments de réponse.

Les taux des prêts immobiliers vont augmenter

C’est l’un des impacts les plus tangibles. En réhaussant ses taux directeurs, la BCE va provoquer une augmentation des taux des prêts immobiliers, ce qui signifie que ceux et celles qui achètent un bien paieront plus cher pour rembourser leur emprunt. « Nous allons aussi observer une augmentation des exigences des banques pour garantir ces prêts, car nous allons faire face à une fragilisation financière accrue de nombreux acteurs », explique à franceinfo Laurence Scialom, professeure d’économie à l’université Paris Nanterre. En France, le taux d’emprunt moyen est déjà passé de 1% en janvier à 1,9% début septembre.

En augmentant ses taux directeurs, la BCE rend l’argent plus cher pour les banques commerciales, qui se fournissent en liquidités auprès de l’institution. Les banques répercutent donc ensuite cette hausse sur leurs clients. Cette augmentation devrait tout de même être maîtrisée en France, souligne l’économiste : « Nous avons de la chance car, d’autres pays, avec un taux variable, vont voir augmenter les mensualités des emprunteurs ayant déjà contracté un prêt, ce qui n’est pas le cas en France. »

L’inflation devrait ralentir…

En augmentant ses taux directeurs, et donc le coût des emprunts, la BCE cherche à ralentir l’économie de la zone euro. « Cela va coûter plus cher d’emprunter, de souscrire à des prêts immobiliers et ça va réduire la demande. Il sera par exemple plus difficile d’emprunter pour une voiture neuve », explique à franceinfo Baptiste Massenot, professeur d’économie à la Toulouse Business School. Le spécialiste estime que la BCE devrait « réussir son pari, car le marché de l’immobilier devrait se casser la figure ». Il entrevoie même une possible « baisse des prix de l’énergie ».

Une analyse qui n’est pas partagée par tous les économistes. « A l’inverse des Etats-Unis, nous n’avons pas de boucle prix-salaire en Europe, s’alarme Laurence Scialom. Il y a par contre une vraie perte de pouvoir d’achat des ménages. On peut se demander si l’augmentation des taux est le bon instrument. On aurait pu choisir de laisser l’inflation élevée, avec des mesures de redistribution ». La situation ne devrait de toute façon pas revenir à la normale immédiatement. La BCE prévoit ainsi 8,3% d’inflation pour 2022, 5,5% en 2023, avant un retour à 2,3% en 2024. 

… avec un risque de récession

C’est la principale inquiétude des gouvernements. En augmentant ses taux et en réduisant la demande, la BCE risque de fortement ralentir la consommation alors que la croissance de la zone euro est déjà faible. C’est ce risque de récession qui avait freiné cette année l’action de l’institution européenne, alors que les autres grandes banques centrales amorçaient un cycle de hausse des taux. Mais, pour Baptiste Massenot, la BCE n’avait pas vraiment le choix : « Elle ne peut pas faire grand-chose face à ce choc d’offre, elle doit choisir entre la peste et le choléra. Soit elle baisse l’inflation, mais avec un risque de récession, soit elle laisse filer l’inflation et le coût de la vie augmente très fortement »

L’euro devrait retrouver de la vigueur face au dollar

Outre l’inflation, la forte baisse de l’euro face au dollar inquiète la BCE. La monnaie unique s’échange actuellement à 0,99 centimes pour un dollar, du jamais-vu depuis plus d’un an. Le problème, « c’est que c’est un canal additionnel de l’inflation, puisque les prix de l’énergie sont facturés en dollars », explique Laurence Scialom. Un euro faible fait gonfler la facture de produits importés, ce qui alimente l’inflation. Son augmentation face au dollar pourrait donc mécaniquement faire ralentir la flambée des prix. 

Les dettes des Etats seront plus chères à rembourser

Les Etats européens vont aussi être touchés par cette hausse. L’emprunt coûtera plus cher aux gouvernements, qui finançaient une grande partie de leurs dépenses avec des sommes empruntées à des taux zéro ou négatif ces dernières années. Des Etats très endettés et jugés vulnérables, comme l’Italie ou la Grèce, pourraient se retrouver en difficulté face à des attaques spéculatives sur leur dette. « La BCE pourrait décider de financer directement ces pays en achetant les obligations qu’ils ont émises. Ce n’est pas vraiment autorisé, mais c’est possible », souligne cependant Baptiste Massenot. Un mécanisme que la BCE était déjà prête à mettre en œuvre en cas de besoin cet été.


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