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Nucléaire iranien: retour à la case blocage, dans les négociations

Publié le : 13/09/2022 – 18:46

Ces dernières semaines, la relance de l’accord nucléaire de 2015 (JCPOA) semblait à portée de main. Désormais, la perspective s’éloigne, selon plusieurs sources. Le dossier est évoqué cette semaine à Vienne, où se tient le conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cette dernière estime qu’elle ne peut pas garantir que le programme nucléaire de l’Iran est « exclusivement pacifique ».

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C’est un communiqué conjoint de Paris, Berlin et Londres, qui a enterré les spéculations de ces dernières semaines sur la relance de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien : « Malheureusement, l’Iran a choisi de ne pas mettre à profit cette opportunité diplomatique décisive. En lieu et place de cela, il a continué de développer son programme nucléaire bien au-delà de toute justification civile plausible. »

Depuis l’année dernière, d’intenses négociations ont eu lieu à Vienne avec un double objectif : ramener les États-Unis dans l’accord (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPOA) que Donald Trump avait choisi de quitter en 2018 et rétablir les paramètres du compromis : garantie du caractère civil du programme nucléaire de l’Iran en échange de la levée des sanctions. Un défi, dans la mesure où Téhéran a répliqué à la décision de Donald Trump en accélérant ses travaux nucléaires, franchissant ligne rouge après ligne rouge.

« En mars, nous avions un texte viable », note une source diplomatique française familière de cette négociation (directe lorsque l’Iran discute avec la Chine, la Russie, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, indirecte lorsque Téhéran négocie avec les États-Unis). Durant l’été, les dernières sessions ont été consacrées à un document de compromis rédigé par l’Union européenne. La réponse de Téhéran est arrivée le 1er septembre, « un pas en arrière », selon le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken. « Une situation de blocage, une situation critique », s’alarme une source diplomatique française.

►Réécouter : Raphaël Grossi, invité de RFI

De mystérieuses traces d’uranium

Le principal point de blocage apparaît dans le rapport que l’Agence internationale de l’énergie atomique a publié la semaine dernière et dans lequel elle déplore de ne pouvoir garantir que le programme nucléaire de l’Iran est « exclusivement pacifique ». L’AIEA reste sans réponse à propos de trois sites que l’Iran n’a pas déclarés dans son programme nucléaire, mais à proximité desquels ont été retrouvées de mystérieuses traces d’uranium à l’état non naturel. Pour relancer l’accord nucléaire de 2015, Téhéran demande la clôture de ces dossiers suivis par l’AIEA. Inenvisageable pour l’agence, qui appelle la République islamique à se conformer à ses « obligations légales ».

Le blocage se retrouve donc au menu du conseil des gouverneurs de l’AIEA, réuni cette semaine dans la capitale autrichienne. Alors que les Iraniens dénoncent un rapport « sans fondement » et une « politisation » de l’agence qui, selon Téhéran, cèderait aux « pressions d’Israël », nombre d’États n’ont pas l’intention de fermer les yeux sur les inquiétudes exprimées par Rafael Grossi, le directeur de l’AIEA. Il faut « un soutien le plus large possible » à l’AIEA et à son directeur, estime un diplomate français en charge du dossier.

 

Échéances électorales américaine et israélienne

Et ensuite ? Le dossier nucléaire iranien sera discuté ce mois-ci à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Mais le blocage devrait durer au moins jusqu’aux élections américaines de mi-mandat, le 8 novembre prochain.

Le chancelier allemand Olaf Scholz, en recevant le Premier ministre israélien Yair Lapid, a estimé cette semaine qu’une percée ne pourrait avoir lieu « avant longtemps ». À Berlin, le chef du gouvernement israélien a plaidé en faveur d’une « menace crédible » pour faire pression sur l’Iran. Selon nos informations, l’État hébreu demande inlassablement à ses alliés de bâtir une coalition militaire afin d’installer un rapport de force face à Téhéran. Une demande qui rencontre peu d’écho pour l’instant côté occidental.

Un « état du seuil » ?

Sur fond de blocage, l’Iran va-t-il poursuivre ses progrès nucléaires, alors qu’il possède déjà un stock d’uranium enrichi 19 fois supérieur à la limite autorisée par l’accord nucléaire de 2015 ? De quoi alimenter le scénario d’une action militaire préventive d’Israël, autre pays en campagne électorale puisque des législatives y auront lieu le 1er novembre. « Si l’Iran continue à nous tester, il découvrira le bras long et les capacités d’Israël », a récemment lancé le Premier ministre Yaïr Lapid, qui avait soigneusement choisi le décor de sa déclaration, prononcée devant un avion F-35 de l’armée israélienne.

Reste une question qui plane sur l’ensemble du dossier : que veut réellement l’Iran ? La bombe atomique ou devenir un état « du seuil », c’est-à-dire possédant suffisamment de matière, de composants et de compétences pour assembler une arme nucléaire s’il décidait de le faire ? Question ultra-sensible dans la mesure où il n’existe pas de définition absolue de ce fameux « seuil ». « Les Israéliens ne peuvent pas accepter un Iran nucléaire, note un diplomate occidental qui connait bien l’État hébreu, mais peuvent-ils accepter un Iran au seuil ? »


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