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Funérailles d’Elizabeth II : pourquoi la liste des invités vire au casse-tête diplomatique

Les délégations officielles affluent vers Londres, dimanche 18 septembre, à la veille des funérailles de la reine Elizabeth II. Pour cet événement historique, 2 000 invités se retrouveront à l’abbaye de Westminster. En amont de cette cérémonie, le roi Charles III tient, dimanche en fin de journée, un grand rendez-vous diplomatique, en présence notamment du président américain, Joe Biden, et d’Emmanuel Macron. A l’occasion de ces derniers hommages rendus à la souveraine détentrice du record du règne le plus long – 70 ans. Londres est momentanément devenu le centre du monde. Un monde aussi fait de tensions, de guerres et de susceptibilités. Franceinfo revient sur les raisons qui font de cet événement un casse-tête diplomatique.

Parce que la Russie s’indigne de ne pas être invitée

Après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, ni la Russie, ni la Biélorussie du dictateur Alexandre Loukachenko, ne seront représentées lors de cette cérémonie historique. « Nous considérons cette tentative britannique d’utiliser la tragédie nationale qui a touché le cœur de millions de personnes dans le monde à des fins géopolitiques pour régler des comptes avec notre pays […] comme profondément immorale« , a déploré dans un communiqué, vendredi, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. « Ceci est particulièrement blasphématoire vis-à-vis de la mémoire d’Elizabeth II », a-t-elle ajouté, qualifiant l’invasion de l’Ukraine de « prétexte » pour ne pas inviter de dirigeant russe.

Selon The Guardian (lien en anglais), le Kremlin n’a particulièrement pas apprécié d’apprendre que même la Corée du Nord avaient reçu une invitation à envoyer un représentant (de l’ambassade, pas un dirigeant nord-coréen).

Mais alors que Londres soutient activement Kiev, fournissant notamment des armes aux forces ukrainiennes, Moscou avait anticipé ce rejet diplomatique, en assurant ne pas avoir l’intention de se déplacer. Et ce, même si Vladimir Poutine recevait son carton d’invitation : « L’option [d’un déplacement du président à Londres] n’est pas envisagée », avait déclaré, dès vendredi, son porte-parole, Dmitri Peskov. 

Marquant de manière symbolique un soutien à Kiev, les autorités britanniques ont invité l’épouse du président ukrainien, Olena Zelenska, a fait savoir le tabloïd The Sun (lien en anglais). 

Parce que la Syrie, la Birmanie, le Venezuela et l’Afghanistan ne sont pas sur la liste    

Ces quatre pays ont été purement et simplement snobés, au même titre que la Russie et la Biélorussie. Et pour cause, il n’existe pas de relations diplomatiques entre le Royaume-Uni et le Venezuela, ni avec la Syrie. La Birmanie, ancienne colonie britannique, est tombée aux mains des militaires après un coup d’état, en février 2021. En août de la même année, l’Afghanistan est tombé sous le contrôle des talibans

D’autres dirigeants, à l’image de ceux du Nicaragua, de l’Iran et de la Corée du Nord n’ont pas été invités non plus. Mais les représentations diplomatique au Royaume-Uni de ces pays a bien reçu leur petit carton, a expliqué The Telegraph (lien en anglais, pour abonnés), mercredi.

Parce que la relation diplomatique avec les représentants chinois est délicate 

Le vice-président chinois Wang Qishan assistera aux funérailles de la reine Elizabeth II, a annoncé, samedi, le ministère des Affaires étrangères chinois. Cette invitation, finalement adressée au représentant spécial du président Xi Jinping, intervient après un affront pour la délégation officielle chinoise envoyée à Londres : jeudi, le président de la Chambre des Communes, Lindsay Hoyle, leur a interdit de pénétrer dans l’enceinte du Parlement, à Westminster Hall, où repose le cercueil de la Reine. La raison invoquée ? Les sanctions prises par la Chine à l’encontre des parlementaires britanniques qui avaient proposé une motion qualifiant de « génocide » le traitement des Ouïghours par Pékin.

Ce couac diplomatique illustre une division entre, d’une part, le Parlement britannique, qui est responsable de l’accès à Westminster Hall, et le gouvernement, qui gère la liste des invités à Westminster Abbaye, à quelques mètres de là, explique Politico (lien en anglais)Wang Qishan assistera donc aux funérailles « à l’invitation du gouvernement britannique », moins dur que les députés dans sa position vis-à-vis de Pékin. Vendredi, Mao Ning, porte-parole de la diplomatie chinoise, avait déclaré que le Royaume-Uni « devrait faire preuve à la fois de courtoisie diplomatique et d’un chaleureux accueil ».

Enfin, au motif qu’il n’existe pas de relations officielles entre Taïwan, île sur laquelle le pouvoir chinois revendique la souveraineté, et le Royaume-Uni, aucun de ses représentants n’a été convié. Cependant, les deux pays entretiennent de « proches relations non-officielles », souligne le South China Morning Post (en anglais). Le journal rapporte que la représentante de la diplomatie taïwanaise à Londres a été « spécialement invitée » à signer le livre de condoléances mis à disposition des dignitaires. 

Parce que la venue du prince saoudien Mohammed Ben Salmane ravive le scandale Kashoggi 

Attendu dès dimanche à Londres, Mohammed Ben Salmane ne devrait pas prendre part à la cérémonie. La présence du prince saoudien à l’occasion de ces funérailles est vivement critiquée par des activistes qui dénoncent le non-respect des droits de l’Homme au sein du royaume saoudien. Ils pointent notamment la responsabilité de l’homme d’Etat dans l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, en 2018. Mis en cause dans des documents déclassifiés de la CIA, le prince nie son implication dans ce meurtre et travaille depuis à redorer son image sur la scène internationale. 

« Le prince ne devrait pas être autorisé à participer à ce deuil, à salir ainsi la mémoire de la reine et à profiter de ce deuil pour s’offrir une légitimité et normaliser sa présence »,  a commenté dans The Guardian (lien en anglais) la compagne du journaliste assassiné, Hatice Cengiz. Au quotidien britannique, elle a assuré espérer que « MBS » soit arrêté pour meurtre une fois sur le sol britannique. 

Sayed Ahmed Alwadaei, un activiste basé à Londres, cité par The Los Angeles Times (lien en anglais), déplore à son tour que des « dictateurs autoritaires utilisent la mort de la reine comme une occasion de redorer leur image, tout en menant des campagnes de plus en plus répressives dans leur pays ». Début août, une Saoudienne de 50 ans a été condamnée à 45 ans de prison pour avoir critiqué le roi et le prince héritier du pays sur Twitter. 


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