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REPORTAGE. Election présidentielle au Brésil : le droit à l’avortement, sujet tabou, s’invite dans la campagne

Chaque jeudi, le pasteur évangélique Carlos Alberto anime une émission qui mêle politique et religion dans un ancien cinéma transformé en studio radio, en périphérie de Rio. Il soupçonne Lula, s’il est élu président dimanche 2 octobre, de vouloir légaliser l’avortement sans le dire. En avril dernier, le leader de la gauche s’est déclaré pour avant de rétropédaler. « C’est de la pure stratégie politique, juge le pasteur Alberto. Il a eu peur de perdre un certain électorat religieux. Les hommes politiques dorment avec un livre de Machiavel sous l’oreiller. »

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Le vote des évangéliques – qui représentent 30% de la population du Brésil – est un enjeu clé de ce scrutin. Le Parti des travailleurs de Lula espère attirer une partie de cet électorat traditionnellement opposé à l’avortement et qui avait massivement voté pour Jair Bolsonaro lors de la présidentielle de 2019. La loi brésilienne interdit l’IVG, sauf en cas de viol, de risque mortel pour la maman ou de malformation congénitale du foetus.

Le président d’extrême droite sortant, à la peine dans les sondages, reste un adversaire résolu de l’avortement. En juin, il avait jugé inadmissible l’IVG légale d’une fillette de onze ans victime d’un viol. Ça va trop loin pour Virginia, mais l’éducatrice sociale pro-Lula n’est pas favorable à une légalisation pour autant : « Ici au Brésil, les femmes font beaucoup d’enfants. »

« Il faut quand même poser des restrictions. Sinon avorter va devenir une mode ».

Virginia, éducatrice pro-Lula

à franceinfo

Cela a été tout sauf une mode ou un caprice pour Darla. Elle avait 19 ans lorsqu’elle est tombée enceinte. Elle a dû s’y prendre à trois reprises pour avorter et a cru mourir : « La femme que j’ai été voir dans la favela faisait une quinzaine d’avortements clandestins par semaine. Elle m’a injecté un liquide dans le vagin qui était très nocif. J’ai failli perdre mon utérus ».

Chaque année, plus de 150 000 femmes sont hospitalisées pour des complications suite à un avortement clandestin, 200 en meurent. Viviane Azevedo, coquette pasteur évangélique de 32 ans, en a connu trois dans son église.

Viviane Azevedo, pasteure progressiste, dans son église dans le quartier de Paciência à Rio. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Viviane Azevedo, pasteure progressiste, dans son église dans le quartier de Paciência à Rio. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Au sein des évangéliques, l’émergence de voix progressistes comme la sienne lui donne de l’espoir : « Ce mouvement est minoritaire, mais il s’est accentué sous Bolsonaro. Beaucoup d’évangéliques l’ont lâché, déçus par sa politique. Aujourd’hui, nombre d’entre eux soutiennent d’ailleurs Lula. »

La foi peut aussi, estime Viviane Azevedo, contribuer à faire tomber le tabou de l’avortement qui emprisonne les corps des femmes brésiliennes.

L’avortement s’invite dans la campagne présidentielle au Brésil – Le reportage de Sandrine Etoa-Andegue

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