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Guerre en Ukraine : trois choses à savoir sur l’arsenal de défense anti-aérienne que Kiev cherche à renforcer

« Ce n’est que le début. » L’Ukraine a annoncé, mardi 11 octobre, avoir reçu un système de défense anti-aérienne livré par l’Allemagne. Trois autres sont attendus en 2023. « Une nouvelle ère de la défense aérienne a commencé », s’est enthousiasmé le ministre de la Défense ukrainien, Oleksii Reznikov, rappelant que des livraisons américaines d’un autre modèle étaient également en route vers Kiev.

« La défense anti-aérienne est actuellement la priorité numéro un de notre coopération en matière de défense », avait souligné lundi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Franceinfo décrypte l’enjeu de ces fournitures de matériel.

Un système de pointe livré par l’Allemagne

Le système sol-air Iris-T SLM envoyé par Berlin est capable de protéger une grande ville contre les raids aériens, selon le chancelier allemand, Olaf Scholz. Il officie comme un bouclier à 360°, grâce à une série de missiles pouvant parcourir 40 kilomètres et neutraliser des menaces adverses jusqu’à 20 kilomètres d’altitude. Testé pour la première fois en 2014, « ce système aérien est l’un des plus modernes sur le marché » et représente « le premier système anti-aérien moderne de moyenne portée reçu par les Ukrainiens », souligne le site spécialisé Air-Cosmos.

Un lanceur de missiles Iris-T SL. (DIEHL)

Un lanceur de missiles Iris-T SL. (DIEHL)

Les systèmes de missiles sol-air promis par les Etats-Unis sont, eux, des Nasams. Ces équipements, composés d’un radar, de lanceurs et de missiles, permettent de « repérer, cibler et détruire » des avions, des drones et des missiles de croisière, selon l’un de ses concepteurs, l’entreprise américaine Raytheon. Douze pays possèdent déjà des Nasams, dont l’Espagne et les Pays-Bas. Ces systèmes « protègent Washington [la capitale fédérale américaine] en permanence depuis 2005″, vante l’autre concepteur, le Norvégien Kongsberg. Deux livraisons sont attendues à Kiev dans les prochaines semaines, et six autres à plus long terme.

Un système Nasams de l'armée espagnole est déployé lors d'un exercice commun sur la base de Lielvarde, en Lettonie, le 27 septembre 2022. (MAXPPP)

Un système Nasams de l'armée espagnole est déployé lors d'un exercice commun sur la base de Lielvarde, en Lettonie, le 27 septembre 2022. (MAXPPP)

Une formation de plusieurs mois nécessaire pour maîtriser ces équipements

Les Ukrainiens ont « un besoin urgent » de défense anti-aérienne pour faire face aux bombardements indiscriminés de la Russie, a affirmé le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, mercredi, deux jours après des frappes massives sur plusieurs villes ukrainiennes. Lors de ces bombardements, une trentaine de missiles avaient touché terre et une cinquantaine d’autres avaient pu être interceptés, selon Kiev.

Jusqu’ici, l’Ukraine dépendait d’un arsenal hérité des années soviétiques. « Pour faire face à l’aviation russe durant les premiers mois, cela suffisait largement », analyse pour franceinfo le chercheur Pierre Grasser, spécialiste des questions relatives à la défense russe. Mais après huit mois de conflit, « ce stock est quasiment épuisé ». D’où l’importance de livrer de nouveaux équipements et d’y former l’armée ukrainienne, comme c’est le cas « actuellement en Espagne ».

Une formation de douze semaines est nécessaire pour les Iris-T, selon Nicholas Fiorenza, analyste au centre de recherche britannique privé Janes, qui « ne les voit pas faire la différence avant le printemps prochain ». D’ici là, la pression ne baissera pas sur les industries d’armement occidentales, qui ont longtemps relégué au second plan les défenses anti-aériennes, inutiles dans la lutte contre le terrorisme dans la zone irako-syrienne, en Afghanistan ou encore au Sahel.

L’Ukraine va rester vulnérable dans les airs, malgré une défense étoffée

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la Russie a peu utilisé son aviation. Les lignes ukrainiennes ont été survolées les premières semaines, avec « un certain nombre de frappes », mais aussi « d’importantes pertes » matérielles, rappelle Pierre Grasser. Depuis, les frappes de plus longue portée sont privilégiées. « Il y a clairement un manque de disponibilités dans cette aviation russe, des problèmes de pièces de rechange », estime le général Jean-Paul Paloméros, ancien patron de l’armée de l’air française. Sans compter un manque d’« hommes entraînés », ajoute Pierre Grasser.

Les bombardements de lundi sont toutefois venus rappeler la vulnérabilité de l’Ukraine dans les airs. Les prochaines fournitures d’Iris-T et de Nasams ne suffiront pas. « Les Ukrainiens ont besoin de plus », prévient le patron de l’Otan. « Ils ont besoin de différents types de défense aérienne : à courte portée, à longue portée, des systèmes contre les missiles balistiques, les missiles de croisière, les drones. Différents systèmes pour différentes tâches », détaille Jens Stoltenberg.

Sur le terrain, « les défenses aériennes doivent se superposer et les différents systèmes d’armes se soutenir les uns les autres », confirme Gustav Gressel, expert du Conseil européen des relations internationales. « Il n’y a pas de panacée en termes de systèmes d’armes, dès lors que les cibles ont des vitesses, courses, altitudes et données différentes. » Autrement dit, aucun bouclier antiaérien n’est entièrement étanche, notamment face aux missiles de croisière. Ces systèmes, coûteux et imparfaits, n’en sont pas moins essentiels, ne serait-ce que pour soutenir le moral de la population.


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