Emmanuel Macron a-t-il fragilisé notre dissuasion nucléaire ? Nos alliés et l’armée s’interrogent
C’est LE sujet abordé en coulisses hier lors de la rencontre des ministres de la Défense des pays de l’Otan à Bruxelles. Nos alliés s’interrogent : par ses déclarations, Emmanuel Macron aurait-il affaibli notre stratégie de défense commune ? Question relayée par une journaliste britannique lors de la conférence de presse du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg : « La France n’a-t-elle pas sapé la dissuasion de l’Ouest en éliminant de manière unilatérale une réponse nucléaire à la Russie ? »
À l’Elysée, on élude le problème. La réponse tient en trois points :
1. La dissuasion est avant tout un sujet de souveraineté nationale
2. Les circonstances sont un élément d’appréciation
3. Le président est le seul à pouvoir définir la doctrine française.
Il n’y a pas de définition précise de la doctrine nucléaire française, c’est même tout l’enjeu. Un ancien ministre de la Défense rappelle le concept : « ambiguïté stratégique ». Pour dire les choses clairement, nos armes nucléaires pourraient être utilisées au cas où les « intérêts vitaux » de notre pays seraient touchés.
« Intérêts vitaux », formule volontairement floue, martelée neuf fois par Emmanuel Macron lors d’un discours sur la dissuasion nucléaire en 2020 à l’École de guerre. « Le flou est voulu. Tant qu’on ne définit pas nos intérêts vitaux, on a l’avantage », décrypte un membre de l’état-major. Le problème, c’est que depuis mercredi, nos ennemis savent ce qui n’est pas notre intérêt vital. L’Ukraine ne l’est pas, si on suit les déclarations du chef de l’Etat.
« Sur le fond, le président a raison, personne n’imagine qu’on va rayer Moscou de la carte. Mais il en a trop dit. »
Un ancien chef des arméesà franceinfo
C’est donc une faute stratégique de la part d’Emmanuel Macron, dont on ne peut pas encore mesurer les conséquences. D’abord pour l’équilibre militaire de la région : Poutine peut-il exploiter cette faille ? Ensuite pour la crédibilité d’Emmanuel Macron en tant que chef des armées. « C’est l’exemple même d’un chef politique qui ne pèse pas ses mots », s’agace un haut gradé.
Cette inquiétude ne devrait probablement pas s’étaler au grand jour. « Un débat public montrerait notre fragilité », insiste un député d’opposition, membre de la Commission de la Défense, pourtant très remonté. Pas de polémique publique donc, mais des inquiétudes et peut-être une brèche stratégique ouverte par Emmanuel Macron.
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