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TÉMOIGNAGE. Deuil périnatal : « Mon fils n’a vécu que trois heures, mais c’était trois heures pleines » raconte une maman endeuillée

Evelyne Luttringer est repartie les bras vides de la maternité. C’était en 2015. Son petit garçon, Ethan, n’aura vécu que trois heures. A l’occasion de la Semaine de sensibilisation au deuil périnatal, cette mère endeuillée témoigne. Digne et lumineuse.

Un enfant qui perd ses parents est un orphelin. Dans le cas où ce sont des parents qui perdent un enfant, le mot n’existe tout simplement pas. Inconcevable. Pas dans la logique des choses. Et pourtant. Ce cataclysme est survenu dans la vie d’Evelyne Luttringer il y a 7 ans. Elle apprend au cours de sa grossesse que le fils qu’elle attend ne survivra pas longtemps après la naissance.

Dès lors, elle, son mari et leur petite fille se font accompagner par l’association Spama (Soins palliatifs et Accompagnement en Maternité) pour traverser cette épreuve. La pire qui soit sans doute. « Ethan était atteint d’un syndrome charge. On savait qu’il allait décéder entre quelques heures et quelques semaines après la naissance » se souvient la mère de famille. Ce sera finalement trois heures.

Trois heures d’une courte vie. « Nous l’avons accompagné jusqu’au bout. Il est mort dans mes bras. C’était l’un des moments les plus intenses de ma vie. Et je peux dire aujourd’hui que ce n’était pas que triste, c’était juste plein. »

Evelyne Luttringer et sa famille ont été remarquablement accompagnées par l’équipe soignante et par l’association Spama.« On est accompagné, mais c’est impossible de se préparer à vivre cela. Certains m’ont félicitée : Bravo, tu as eu le courage ! Mais non, on n’a pas le courage. On n’a pas le choix. Ça vous tombe dessus, et après, il faut avancer. »

Quantité et qualité

Grâce aux groupes de paroles, Evelyne Luttringer a pris toute la mesure de leur rôle de parent : « Nous avons été vraiment et pleinement avec lui. Dans notre société, on parle beaucoup de quantité de vie. Mais quand est-ce qu’on parle de la qualité de vie ? Mon fils a vécu trois heures dehors, mais c’étaient trois heures pleines, où l’on était avec lui et rien que pour lui. Il ne sait pas que les autres vivent 80 ans. Pour lui, c’était toute sa vie.« 

Elle a fait sienne cette phrase de Françoise Chandernagor : « Les vies minuscules, avec leurs débuts si brefs, leur infime zénith, leur fin rapide, n’ont pas moins de sens que les longs parcours. Il faut seulement se pencher un peu plus pour les voir, et les agrandir pour les raconter.« 

Face à un tel deuil, les phrases maladroites se suivent et se ressemblent. Insupportables.  Evelyne se rappelle ceux qui voulaient la consoler : « ‘T’inquiète pas, tu en auras d’autres !’ Mais cela ne viendrait à l’idée de personne de dire à une veuve : ‘Tu pleures ton mari, mais t’inquiète pas, tu en auras un autre!’ «  

Elle a souvent eu envie de dire : « Laissez-moi vivre le deuil de cet enfant, laissez-moi prendre le temps de traverser ce deuil, et j’irai mieux après. Mais ne me demandez pas d’aller bien tout de suite.« 

Evelyne Luttringer se souvient d’avoir trouvé sur le web les choses à dire ou à ne pas dire pour l’entourage : « Je les ai envoyées à mes proches, en leur disant : ‘Si vous pouvez lire ça, ça m’arrangerait !’ Et cela m’a aidée.« 

Elle confie avoir eu l’impression de couler au fond d’une piscine. Et puis un jour, elle a retrouvé ce qu’il fallait pour donner l’impulsion qui l’a fait remonter à la surface.

Sept ans se sont écoulés. Deux autres enfants sont nés. Aujourd’hui, la mère de famille va bien. « Ma fille me demandait encore hier si j’étais triste quand j’ouvrais la boîte dans laquelle j’ai rassemblé les premiers et derniers souvenirs d’Ethan. Je lui ai répondu que non, plus maintenant.« 

Elle va mieux aussi parce qu’elle s’est engagée dans l’association Spama pour aider, à son tour, les autres parents : « Pouvoir aider d’autres parents, cela a donné un sens à tout ça. » 

Quand on lui demande : « Combien avez-vous d’enfants ? » : « Pendant longtemps, c’était compliqué. Aujourd’hui, je suis assez fière de répondre que j’ai eu cinq grossesses, quatre bébés et trois enfants. » En général, plus personne n’insiste. 

A l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, l’association SPAMA rejoint le mouvement international Baby Loss Awareness Week. Elle propose une action symbolique à toute personne touchée par un deuil périnatal : penser à son bébé décédé trop tôt, en allumant une bougie le 15 octobre à 19 heures, et en la postant en photo sur les réseaux sociaux avec le hashtag #waveoflight


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