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Guerre en Ukraine : « Les gens ont beaucoup moins confiance en Poutine », confient des Russes qui craignent des contre-attaques à la frontière

La guerre en Ukraine est-elle doucement en train de s’étendre côté russe ? De plus en plus de bombardements ou d’attaques de missiles ou de drones sont signalés ces derniers jours sur le territoire russe. Des attaques dont l’ampleur n’a rien à voir avec la pluie de bombes et de missiles que fait tomber la Russie sur l’Ukraine, mais qui génère déjà une forte inquiétude chez de nombreux habitants des régions frontalières. 

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C’est le cas dans la région de Bryansk, à l’ouest de Moscou, à une centaine de kilomètres de l’Ukraine. Une région où les autorités rapportent que plusieurs villages ont été la cible de tirs ou de bombardements à la frontière. À Bryansk même, le principal dépôt pétrolier de la ville s’est enflammé fin avril, peut-être visé par une attaque de drone. Ces derniers jours, le FSB, les services secrets russes, annonçait avoir arrêté un homme portant des explosifs. 

Cet événement était au coeur de toutes les discussions, mais, comme souvent, il est difficile d’en parler ouvertement. Les réponses des habitants sont donc souvent dans le même ton : « Et bien, ça veut dire que le FSB fait du bon travail. Bien joué ! Tout va bien, tout est bien, tout est génial. Nous croyons en notre président, en notre peuple, tout va bien. merci beaucoup ! » D’autres sont plus bavards, comme Valentina, une vendeuse de légumes du marché de Bryansk. « Bien sûr, on regarde la télé et j’ai vu quelque part qu’il y a eu une explosion au marché central, raconte-t-elle. 

« La situation est effrayante, aujourd’hui, j’ai moins de monde. Les gens viennent moins, je pense que tout le monde a peur bien sûr. »

Valentina, vendeuse de légumes

à franceinfo

Depuis quelques semaines, les incidents se multiplient. Dimanche 16 octobre, il y a eu quatre blessés à Belgorod suite à des tirs de missiles. Il y a aussi eu l’opération à l’explosif contre le pont de Kertch, qui mène vers la Crimée, le 8 octobre. Les images ont particulièrement marqué Alexandra, une professeure de Bryansk. « L’explosion du pont de Kertch, par exemple, a eu plus d’impact sur mon anxiété que les explosions qui ont eu lieu dans la région de Bryansk« , explique-t-elle. Elle raconte avoir discuté avec une « vieille dame qui a plus de 80 ans » : « Elle n’enlève plus son soutien-gorge quand elle va au lit. Pour que, si quelque chose arrive, elle puisse mettre ses vêtements rapidement, et ne soit pas complètement nue.« 

Il est très difficile d’affirmer si les Ukrainiens sont à l’origine de ces attaques, ou si elles sont le fait de manipulations du pouvoir russe. Sans surprise, les autorités russes ne sont pas très bavardes sur le sujet : les zones où ces bombardements ont lieu sont même parfois interdites aux journalistes étrangers. Autre difficulté pour répondre à cette question, les Ukrainiens ne revendiquent jamais ces attaques. Ils ne les contestent pas non plus, ils entretiennent un certain flou. 

La semaine dernière, deux Russes, très connus pour piéger en visioconférence des personnalités connues, ont publié une vidéo de Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères. Ils se sont fait passer pour l’ancien ambassadeur américain en Russie et ils lui ont demandé si les Ukrainiens menaient des opérations sur le territoire russe. Voici sa réponse : « Si vous me demandez qui fait exploser quelque chose en Crimée ou à Belgorod, et bien, dans une communication privée, pour autant qu’elle puisse être privée sur Zoom, je vous dirai que oui, c’est nous. » Dmytro Kuleba n’a pas confirmé ou infirmé que c’était bien lui sur cette vidéo. Beaucoup d’experts pensent, en tout cas, que les Ukrainiens mènent des opérations en Russie.

L’impact de ces opérations sur la Russie est incertain. D’un côté, cela peut servir la propagande du pouvoir russe pour dénoncer l’attitude de l’Ukraine. Mais à la fin, cela est surtout un problème pour certains. Artiom, un opposant au pouvoir de la région de Bryansk, estime par exemple que ces opérations finiront par écorner la confiance des russes dans le pouvoir. « Pendant longtemps en Russie, il y a eu un accord entre les autorités et le peuple, selon lequel vous restez en dehors de nos affaires et nous restons en dehors des vôtres. Il s’avère aujourd’hui que ce consensus a été brisé. Ils pensaient que Poutine était le genre d’homme capable de tout régler lui-même et de tout contrôler« , avance-t-il. 

« Les gens ont beaucoup moins confiance en Poutine, si une action militaire commence sur le territoire russe, je ne sais pas comment l’humeur des Russes pourrait changer. »

Artiom

à franceinfo

Désormais, il ne se passe plus une journée sans qu’on apprenne qu’il y a eu une nouvelle attaque, un bombardement ou un sabotage sur le sol russe. Si ce n’est pas encore la guerre, ça commence à y ressembler de plus en plus. 


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