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Tensions franco-allemandes : les enjeux de la rencontre Macron-Scholz à Paris

Le chancelier allemand est attendu aujourd’hui à l’Élysée, alors que le couple franco-allemand connaît une crise dont personne ne minimise la gravité.

De notre correspondante à Berlin,

Temps de lecture : 4 min

C’est sur fond de sérieuse brouille franco-allemande qu’Olaf Scholz se rend aujourd’hui à l’Élysée pour rencontrer Emmanuel Macron. Un tête-à-tête improvisé à la dernière minute pour remplacer le conseil des ministres conjoint qui aurait dû avoir lieu ce mercredi à Fontainebleau. L’annulation de celui-ci, à la veille du sommet européen de Bruxelles la semaine dernière, est symptomatique de la crise que traverse ce couple, ciment de l’unité européenne, analysent les spécialistes des relations franco-allemandes à Berlin. Et personne ne songe côté allemand à en minimiser la gravité.

La raison invoquée par la chancellerie pour justifier le report de cette rencontre – cinq ministres allemands avaient déjà booké leurs vacances d’automne – semble surréaliste en ces temps de fortes turbulences. Une excuse ridicule pour masquer une crise grave entre Paris et Berlin. « Une nouvelle spectaculaire, ironise la Süddeutsche Zeitung, le duo franco-allemand est en vacances, alors que la guerre fait rage en Europe. »

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Le quotidien de centre gauche juge l’attitude du gouvernement allemand « irresponsable » : « La guerre en Ukraine fait rage depuis le 24 février. Cela n’a pas pu échapper aux organisateurs de l’emploi du temps des ministres. Les vacances aussi sont inscrites sur le calendrier depuis longtemps, ainsi que la date du sommet européen. Et l’importance du rôle moteur de la France et de l’Allemagne pour le bien du projet européen est connue depuis la création de la communauté du charbon et de l’acier en 1951. Mais les partenaires sont en train de s’éloigner l’un de l’autre. Voilà la vraie raison du report de la réunion de Fontainebleau. »

Le « double wumms » laisse des traces

La crise énergétique est un test pour la relation franco-allemande, reconnaît-on à l’unisson à Berlin. La décision prise par le chancelier allemand sans consulter ses partenaires européens, et en particulier le président français, de débloquer une enveloppe gigantesque de 200 milliards d’euros pour amortir le choc de la hausse des prix de l’énergie pour les ménages et les entreprises allemandes a fait grincer bien des dents à Bruxelles. Un « double wumms », comme l’a baptisée Olaf Scholz en imitant le bruit d’une grosse cylindrée au démarrage, qui a laissé les autres Européens pantois.

Critiqué pour son manque de solidarité et accusé par Emmanuel Macron de provoquer « l’isolation » de l’Allemagne, Olaf Scholz n’a de cesse de répéter que les autres pays européens, la France comprise, ont également pris des mesures nationales pour limiter la casse dans leur propre pays. Il ne manque pas non plus une occasion de rappeler la solidarité de l’Allemagne et l’importance de son engagement financier au budget de l’UE, en particulier lors de la crise du Covid-19.

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Mais les arguments du chancelier sont loin de convaincre tout le monde en Allemagne. C’est le député vert Anton Hofreiter, président de la commission chargée des Affaires européennes au Bundestag, le Parlement allemand, qui a pris les devants. Quelques jours avant le voyage à Paris d’Olaf Scholz, Anton Hofreiter rappelle au chancelier la « responsabilité » qui lui incombe et lui demande de se « réconcilier » avec Emmanuel Macron en arguant que « si le tandem franco-allemand ne fonctionne pas, nous avons un problème pour toute l’Europe ». Critiquant les « hésitations » de la chancellerie qui, dans la crise actuelle, omet de suffisamment consulter les partenaires européens, il en profite pour rappeler que les problèmes ne datent pas d’hier. Angela Merkel n’avait jamais répondu aux propositions d’Emmanuel Macron sur l’Europe. « Nous devons mettre fin à cette mauvaise tradition », exige-t-il.

Vers un nouveau départ ?

Si certains évoquent la différence de caractère entre les deux dirigeants, autant Emmanuel Macron est disert et énergique, autant Olaf Scholz est taiseux et flegmatique, cela ne suffit pas à expliquer le mauvais état de la relation bilatérale aujourd’hui. La guerre en Ukraine est en train de modifier les équilibres en Europe, le rôle de l’Allemagne se retrouvant renforcé. « Avec Macron, note le quotidien Tagesspiegel, l’Allemagne a encore un partenaire qui pense en termes européens. Berlin devrait en profiter. En particulier en raison des sentiments antigermaniques que les populistes d’extrême droite et d’extrême gauche sont en train de propager en France. »

La rencontre d’aujourd’hui sera-t-elle l’occasion d’un nouveau départ ? Entre la hausse considérable des prix de l’énergie, une inflation à 10 % et la récession qui s’annonce, le gouvernement « feu tricolore » (rouge pour les sociaux-démocrates, vert pour les Grünen et jaune pour le petit parti libéral), une constellation aux intérêts divergents, se démène pour stabiliser un pays angoissé. « Personne, aucune famille, aucun retraité, aucun étudiant et aussi aucune entreprise n’a besoin d’avoir peur de ne pas pouvoir faire face aux prix de l’électricité et du gaz », promet pour sa part Olaf Scholz.


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