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Twitter racheté par Elon Musk : ce qui pourrait changer sur le réseau social

« L’oiseau est libéré. » C’est en ces termes, au milieu des publications vantant les atterrissages réussis de ses fusées, qu’Elon Musk a annoncé le rachat du réseau social Twitter, vendredi 28 octobre. Après des mois de rebondissements, le milliardaire à la tête de l’entreprise de voitures électriques Tesla et de la compagnie spatiale Space X a finalisé son achat de la plateforme pour un montant de 44 milliards de dollars (soit à peu près la même somme en euros). Sur ce réseau social dont il est un utilisateur hyperactif, il a aussi publié une vidéo de lui, s’avançant dans le hall de Twitter, un lavabo dans les bras. Sur son compte qui compte plus de 110 millions d’abonnés, il se définit désormais comme « Chief Twit » (jeu de mots signifiant autour des mots « Twitter » et « twit », « crétin » en anglais). 

De quoi Elon Musk espère-t-il libérer Twitter ? Il a d’abord congédié son équipe dirigeante. Le PDG Parag Agrawal, arrivé en novembre 2021, a été limogé, ont rapporté différents médias américains. Elon Musk avait plusieurs fois publiquement critiqué la politique qu’il menait, comme le relate Bloomberg*. Il en irait de même pour la directrice juridique, Vijaya Gadde, considérée en interne comme « l’autorité morale de Twitter », détaille le site Politico*. Musk l’avait pointée du doigt pour avoir restreint une publication du New York Post concernant le fils de Joe Biden en 2020. En pleine campagne électorale, ces éléments avaient été jugés peu crédibles et de nature à influencer l’élection présidentielle par le réseau social. 

« Elon Musk accuse les dirigeants de Twitter d’avoir pratiqué la censure des discours politiques, derrière un paravent de mesures de modération », explique à franceinfo Florence G’Sell, professeure de droit à l’Université de Lorraine. « Il leur reproche de mener une stratégie qui est hostile aux conservateurs », ajoute la titulaire de la chaire digitale de Sciences Po. Maintenant que le milliardaire a les mains libres pour transformer Twitter, beaucoup s’inquiètent de voir disparaître cette politique de modération et craignent une explosion des discours de haine, complotistes et de désinformation. 

Dans un message adressé aux « publicitaires de Twitter » jeudi, l’homme d’affaires s’est voulu rassurantSon ambition consiste à créer « un espace de débat digital commun, où une large diversité d’opinions peut être débattue de manière saine, sans recourir à la violence ». Des limites sont même évoquées : Twitter ne peut évidemment pas devenir un enfer généralisé, où tout pourrait être dit sans aucune conséquence ». 

Mais Elon Musk a plusieurs fois critiqué la politique de modération mise en place par Twitter. Il est notamment favorable au rétablissement du compte de Donald Trump. Twitter avait décidé de suspendre définitivement le compte du président républicain après l’assaut du Capitole par des milliers de ses soutiens. « Nous avons aidé à nourrir les dramatiques événements du 6 janvier, avaient expliqué les employés du réseau social dans un communiqué interne, selon le Washington Post*. Nous devons apprendre de nos erreurs. »

Elon Musk a jugé cette mesure « moralement mauvaise », lors d’une conférence organisée par le Financial Times* en mai 2022. Cette « erreur » a « aliéné une grande partie du pays ». L’ancien président américain s’est d’ailleurs réjoui, vendredi, que le réseau social soit désormais « entre de bonnes mains ».

« Ça va très au-delà de Donald Trump. Est-ce qu’Elon Musk va faire revenir des gens qui sont porteurs de discours complotistes très violents ? »

Françoise G’Sell, professeure de droit à l’université de Lorraine

à franceinfo

« Par liberté d’expression, j’entends celle qui correspond à la loi, avait-il précisé sur Twitter en avril 2022*, je suis contre la censure qui va bien au-delà de la loi ». Se limiter à la législation constituerait un changement de cap pour la plateforme. « Dans le contexte américain, il y a très peu de textes qui restreignent la liberté d’expression, pour des raisons de nature constitutionnelle, rappelle Florence G’Sell. Un certain nombre de propos d’incitation à la haine et à la violence sont considérés comme de simples points de vue. » 

Face à l’afflux de ce type de propos dans ses contenus, Twitter a sévi en mettant en place des dispositions pour contrer les contenus antivaccins, les discours climatosceptiques, la désinformation et les appels à la violence… « Leur politique de modération va bien au-delà de la légalité, y compris par rapport au droit français », note encore la chercheuse. Elon Musk a assuré qu’il respecterait les législations locales. Des dirigeants européens promettent de veiller au grain. Thierry Breton, commissaire de l’UE au marché intérieur, a prévenu ce vendredi : « En Europe, l’oiseau volera selon nos règles. »

Du côté du projet économique, le nouveau propriétaire assume d’ores et déjà vouloir développer la publicité sur Twitter. La plateforme doit devenir la référence en matière d’annonces commerciales, qu’Elon Musk considère comme des « contenus »« Quand elle est bien faite, elle peut vous enchanter, vous divertir et vous informer » a-t-il exposé sur le réseau social. 

Incontournable dans le débat politique et médiatique, Twitter ne possède toutefois « que » quelque 240 millions d’utilisateurs quotidiens, contre un peu moins de 2 milliards pour Facebook. Elon Musk a plusieurs fois exprimé l’idée de transformer le réseau social pour le rendre plus populaire. « Acheter Twitter va servir de catalyseur pour créer X, l’application à tout faire », écrivait-il le 5 octobre

Quel projet se cache derrière cette appellation ? Cette « super-application » pourrait ressembler au réseau social chinois WeChat qui sert à la fois de messagerie, gestionnaire de photos, plateforme d’achats et de pairment. Il compte plus d’un milliard d’utilisateurs. 

*Les liens suivis d’un astérisque renvoient vers des articles en anglais.


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