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VRAI OU FAKE. Mégabassines dans les Deux-Sèvres : les agriculteurs ont-ils failli à leurs engagements environnementaux, comme l’affirme un député EELV ?

Haro sur les mégabassines. Environ 4 000 personnes se sont mobilisées, samedi 29 octobre, contre la construction à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) d’une immense réserve d’eau artificielle de 720 000 m3, un volume équivalent à 288 piscines olympiques. Le rassemblement s’est soldé par des dizaines de blessés parmi les manifestants et les gendarmes.

Le chantier s’inscrit dans un projet d’installation de près de 16 réservoirs dans le département. Ces bassines doivent subvenir aux besoins en irrigation de l’agriculture et de l’élevage. Pour remplir ces retenues artificielles, il est prévu de pomper les nappes phréatiques durant l’hiver pour réduire les prélèvements d’eau durant les mois d’été et permettre aux agriculteurs de mieux faire face aux épisodes de sécheresse.

Les opposants au projet estiment que ces réservoirs géants ont des conséquences néfastes pour l’environnement. Le collectif Bassines Non Merci dénonce le risque d’assèchement des cours d’eau, d’évaporation accélérée, ou encore de pompage non contrôlé des nappes phréatiques. Les opposants accusent aussi les agriculteurs de ne pas respecter les engagements environnementaux qu’ils ont contractés en contrepartie de leur droit d’accès à l’eau des bassines.

« Ces agriculteurs réunis en coopérative dans les Deux-Sèvres (…) devaient s’engager à interdire les pesticides, à sortir d’un certain nombre de cultures destructrices. Aucun engagement n’a été tenu, nous sommes dans une supercherie », a ainsi déclaré le député EELV du Val-d’Oise Aurélien Taché, mercredi 2 novembre, sur Public Sénat.

Les agriculteurs ont-ils réellement failli à leurs obligations ? Un protocole d’accord, signé en 2018 par la préfecture, les chambres d’agricultures, les collectivités locales et les associations de défense de l’environnement, leur impose de tenir un certain nombre d’engagements environnementaux.

Ceux-ci peuvent prendre plusieurs formes. « La conversion à l’agriculture biologique, l’utilisation de technique de désherbage mécanique, l’augmentation de la rotation de la culture, la diversification des plantations, la réduction de l’utilisation des pesticides », énumère François Pétorin, administrateur de la Coop de l’Eau 79, une société privée qui gère l’infrastructure des réservoirs.

Pour les associations de protection de l’environnement, le bilan est jusqu’à présent contrasté. Pour les pesticides, le constat est sans appel. Lors de la mise en place de la première retenue artificielle à Mauzé-sur-le-Mignon, « aucun exploitant n’a pris l’engagement de réduire les pesticides, alors que ce dossier aurait dû servir d’exemple », soupire Patrick Picaud, président de l’association Nature Environnement 17. Or, l’engagement global fixé pour l’ensemble des exploitants participant au projet, consistait en une diminution de 50% de l’utilisation des pesticides.

Dans un bilan présenté le 9 février 2022 (document PDF), la préfecture des Deux-Sèvres relève une diminution de 10% de l’usage des pesticides sur la première phase du projet. Une baisse due à la conversion au bio d’un seul exploitant, « aucun des agriculteurs conventionnels n’ayant pris l’engagement de réduire les pesticides », souligne Michel Buntz, président du Collectif de citoyens pour le respect de l’environnement sur leur territoire Val-du-Mignon (CCRET).

Pour le porte-parole du collectif Bassines Non Merci, Jean-Jacques Guillet, ces maigres résultats s’expliquent par la nature du protocole qui n’a « pas de valeur juridique » et par les engagements qui ne sont « pas très contraignants ». Le texte permet à un exploitant de choisir entre diminuer dans un délai de cinq ans son usage de produits phytosanitaires et réaliser « des corridors écologiques dans les zones prioritaires » (par exemple, avec des zones de jachères fleuries). Selon Michel Buntz, il est « impossible » d’atteindre un objectif de 50% de réduction d’utilisation de pesticides de cette seconde manière, car « les surfaces de corridors sont très réduites au regard des surfaces cultivées ».

D’autres prises d’engagement semblent en revanche s’être traduites par des résultats plus tangibles. La préfecture annonce dans son bilan de février que l’objectif de plantation de haies a été dépassé, avec près de 18 km plantés, soit plus du double de la longueur initiale envisagée. « On ne peut rien tirer » de ces chiffres, juge toutefois Patrick Picaud, président de Nature Environnement 17. Pour lui, l’efficacité écologique de ces haies ne peut être évaluée qu’au regard de la taille des parcelles aménagées, qui n’est « pas connue », faute de « transparence ».

En l’absence de données précises, il reste difficile de mesurer la réalisation des objectifs environnementaux. « Le protocole prévoit la mise en place d’un observatoire chargé de suivre tous les ans les engagements, mais notamment cause du Covid-19, il n’est pas encore opérationnel », souligne François-Marie Pellerin, vice-président de la Coordination pour la défense du Marais poitevin, une association signataire du protocole. Plusieurs associations, dont le CCRET, ont quitté les instances de gouvernance du projet, dénonçant un manque de transparence et de garanties sur les engagements écologiques.

« On est d’accord pour dire que le projet ne va pas assez vite, et donc forcément les engagements environnementaux non plus », reconnaît François Pétorin. « Mais aujourd’hui seule une réserve sur 16 a été construite. » Les engagements « vont se réaliser au fur à mesure de l’avancement du projet », se défend l’administrateur de la Coop de l’Eau 79.


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