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Pauline Le Mouellic: fondatrice de Graines de Footballeuses, pour un foot accessible aux filles

Pauline n’a que 26 ans, mais vit déjà à mille à l’heure. Passionnée de foot, elle a créé il y a deux ans Graines de Footballeuses, une association qui entend casser les barrières dans le football féminin pour le rendre accessible à toutes les petites filles. Mais plus qu’une simple association, l’organisation est devenue pour Pauline l’engagement de sa vie.

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Dès que Pauline franchit le pas de la porte du bar, elle rayonne déjà de joie de vivre. Ses boucles dorées coupées court sur son crâne sont soigneusement coiffées. La jeune femme est tout sourire, mais elle n’a pas beaucoup de temps, elle qui, à 26 ans, jongle entre son travail dans la communication, ses entraînements de foot hebdomadaires, et surtout, ses responsabilités de présidente de son association, Graines de Footballeuses. « Moi j’agis. Dès que j’ai une idée derrière la tête, il faut absolument que je la fasse », soutient la footballeuse. 

Et des idées, elle en a. En fondant Graines de Footballeuses en novembre 2020, Pauline fait naître un projet ambitieux : celui d’œuvrer pour rendre visible le foot féminin amateur, et donner confiance aux filles qui souhaitent essayer le sport. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour permettre à n’importe quelle jeune footballeuse de se sentir soutenue dans sa pratique. Et j’ai pensé “qu’est-ce que j’aurais aimé, moi, avoir à leur âge” ? C’est de là qu’est né le projet. » Un projet humain, basé sur quatre valeurs : la bienveillance, le respect, le travail et le partage. Et à terme, Pauline l’espère : une initiative pour construire, grâce au foot, la société de demain. 

Une fille dans un monde de garçons 

Malgré son emploi du temps bien chargé, Pauline bouillonne d’énergie. Il faut dire que cette consultante en communication puise en grande partie son endurance dans le football. Et cet amour du sport, la jeune femme l’entretient très tôt. Originaire de Darnétal, dans la banlieue de Rouen, elle passe chaque récréation durant sa primaire avec les autres petits garçons. « J’étais très garçon manqué. Un jour, mes copains m’ont dit : “tu dois faire du foot ! Viens nous voir à un tournoi”. J’y suis allée, je les ai regardés, et j’ai su que je voulais faire ça. » Pauline intègre alors l’équipe à ses sept ans, soutenue par ses parents. 

Elle enchaîne les entraînements et les matchs, parfois contre des collégiens bien plus âgés qu’elle, et à chaque fois, elle est la seule fille sur le terrain. « Je n’ai pas souffert du rejet dans mon équipe, j’ai plutôt souffert du regard des autres et de leurs remarques », raconte-t-elle. Mais la Rouennaise ne se laisse pas marcher dessus et développe une forme de combativité. « J’ai un jeu agressif, je joue milieu défensif. Ce poste me correspond très bien parce que sur le terrain, je n’hésite pas à rentrer dedans, je suis un bulldozer ! », plaisante-t-elle. 

Au fil des années, Pauline s’endurcit, et ce caractère bien trempé, c’est en grande partie au foot qu’elle le doit. « Dès qu’on rencontrait d’autres équipes, on me pointait du doigt et on me renvoyait à ma condition de fille. On me disait : “qu’est-ce que tu fais ici ? Tu n’as pas ta place avec les gars”. » On lui lance aussi des réflexions bien pires, sur son orientation sexuelle. « À 12 ans, tu n’as pas besoin qu’on choisisse à ta place qui tu vas devenir, et c’était quand même violent de calquer sur moi tous ces stéréotypes », assure la jeune femme. 

Par manque de modèle, Pauline finit par raccrocher les crampons à 13 ans. « À cette âge-là, je devais soit arrêter le foot, soit passer en sélection féminine. Sauf que je n’avais aucune idée de ce que c’était qu’être une femme et jouer au foot. Et j’avais peur de l’inconnu. » La footballeuse quitte donc ce sport, et prend un virage à 180 degrés : elle se met au poney. « Je pense que j’ai tellement intériorisé les préjugés qu’on m’a balancés que j’ai préféré me tourner vers un sport exercé en majorité par des femmes. » Mais malgré tout, elle ne reste jamais bien loin des terrains. 

La découverte du foot entre femmes

Après son arrivée à Paris à ses 20 ans, la jeune femme reprend le football de façon informelle avec ses collègues. « Ils m’ont donné ma place. Même si encore une fois, en tant que femme, tu as toujours besoin de prouver que tu es légitime à être ici, beaucoup plus qu’un mec. On ne te donne du crédit qu’à partir du moment où tu montres que tu sais jouer. Moi je suis une teigne, je ne prends pas de pincettes, c’est comme ça que je gagne leur respect », indique-t-elle. 

Sauf qu’un jour, elle aperçoit des filles s’échanger des passes sur le terrain d’à côté. Après quelques recherches sur Facebook pour les retrouver, Pauline fait la découverte d’un monde qui lui était encore inconnu, celui du foot exclusivement féminin. Et cette fois, Pauline n’a à justifier ni sa personnalité, ni ses raisons pour vouloir jouer. 

Un an plus tard, la jeune footballeuse décide d’intégrer un club en compétition, l’ES 16 (l’École des Sports du 16ème arrondissement). « J’ai rencontré mes meilleures amies là-bas, que je considère maintenant comme ma famille, confie-t-elle. C’est ça aussi la magie du football : rassembler des gens totalement différents et leur permettre de nouer des liens incassables. »

Montrer aux jeunes filles qu’elles ne sont pas seules

Le regard pétillant, Pauline raconte la genèse de Graines de Footballeuses. Le déclic se fait quand elle commence à entraîner une équipe de filles de onze ans.« Je me suis rendue compte qu’elles faisaient face aux mêmes problèmes que moi, plus petite, alors qu’on se réjouissait pourtant que le nombre de femmes licenciées avait augmenté », explique-t-elle.  

De cette observation, l’association naît petit à petit. Pauline crée pendant le confinement un compte Instagram qui recense des témoignages de joueuses et partage des photos de clubs féminins de toute la France. « Je voulais inspirer les jeunes filles en leur montrant qu’on est nombreuses, qu’elles ne sont pas seules. » En voyant que le nombre d’abonnés grossit à vue d’œil, la Normande souhaite aller encore plus loin. « Il y a un truc en moi qui fait que j’ai envie d’aider les gens, avance-t-elle. Et si tu veux aider les autres, il n’y a pas de secret : il faut les voir. Il faut les connaître, il faut leur parler, il faut prendre du temps. »

En septembre 2020, Pauline organise un match ponctuel réunissant des jeunes filles de différents clubs, et le succès est immédiat. À partir de là, tout s’accélère. La jeune femme s’entoure de ses amies du foot, qui deviennent bénévoles, et Graines de Footballeuses obtient son statut officiel d’association en novembre. 

Plus qu’une association de foot, un projet pour accompagner les filles

Depuis, Graines de Footballeuses ne fait que s’agrandir, tant les rêves et les ambitions de sa présidente sont vastes. Aujourd’hui, l’équipe d’une quinzaine de bénévoles propose des cours gratuits pour les petites filles de trois à six ans une fois par semaine. « Leur mettre un ballon dans les pieds à cet âge-là permet de précéder l’intériorisation des préjugés. Elles ne sont pas encore dans la cour de récré que tu leur montres déjà qu’elles ont leur place sur un terrain », défend Pauline. 

En plus, l’association a mis en place un programme pour faire découvrir les métiers du sport aux adolescentes. « Graines de Footballeuses c’est du foot, mais ce n’est pas que ça. On met un point d’honneur à accompagner les jeunes filles dans leur vie de femme, à leur montrer qu’elles sont capables de tout faire et qu’elles ont leur place sur tous les terrains. » Les bénévoles organisent également des stages sportifs au cours desquels les jeunes filles peuvent pratiquer, mais à la fin des séances doivent aussi s’entraîner à la prise de parole et doivent chacune élaborer un entraînement de A à Z, pour s’autonomiser et se responsabiliser. 

Pauline croit profondément à l’impact que peuvent avoir ces actions. Elle le voit tous les jours, dans les liens qui se créent avec les fillettes. Et même à son jeune âge, la vingtenaire reste dédiée corps et âme à son combat. « Comment je reste motivée à faire tout ça ? Parce que ces filles qu’on entraîne, ce sont mes petites sœurs. Si on aide une personne, c’est déjà gagné. Et voir les adolescentes qu’on suit depuis deux ans se transformer, prendre confiance, s’affirmer, c’est ça qui me fait continuer », souligne-t-elle avec simplicité. Pleine d’optimisme pour le futur, la jeune femme réfléchit en permanence à étendre l’activité de l’organisation en dehors de Paris, à se faire davantage entendre des pouvoirs publics, à obtenir plus de moyens de la part de partenaires, et surtout, à faire changer les mentalités. 

Cette association est pour elle son plus bel accomplissement, sa plus grande fierté. Et malgré la fatigue, la charge émotionnelle, les sacrifices dans sa vie privée, l’investissement à plein temps pour les jeunes filles, Pauline l’assure : elle ne changerait sa vie pour rien au monde. 


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