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Route du rhum : Charles Caudrelier, la victoire d’un modeste

La magie des courses en mer, c’est que rien n’est jamais écrit d’avance. Le plus souvent, c’est le vent et la mer qui déciment sans pitié les scénarios les plus évidents. Parfois, c’est aussi la tenue du bateau, la casse, une tempête ou le moral du marin qui ruinent des mois de préparation.

La Route du rhum 2022 ne fait pas exception. La mer compte un marin de légende de plus, Charles Caudrelier, qui a fait la route en tête depuis les Côtes-d’Armor avec une superbe allure, comme en témoignent ces images tournées quelques heures avant l’arrivée par un avion de reconnaissance au large de la Guadeloupe et un nouveau record détrônant celui détenu par Francis Joyon depuis 2018 (7 jours, 14 heures et 14 minutes).

L’un des premiers bateaux volants

Pourtant, lorsqu’il s’est aligné à Saint-Malo, mercredi 9 novembre, Charles Caudrelier ne jouait pas les vedettes. Et, dans le village départ, sur les pontons de la cité malouine, où près d’un million et demi de personnes ont admiré les 138 bateaux, son nom ne disait pas grand-chose, hormis aux passionnés.

François Gabart (SVR-Lazartigue) et Armel Le Cleac’h, sur Banque populaire, jouissaient de leur statut de favori et accordaient des interviews pour faire savoir à tous qu’ils se sentaient plus forts que jamais. Caudrelier, lui, se faisait discret… Alors que le départ a été reporté de trois jours, il en a même profité pour faire un aller-retour à Lorient afin d’embrasser ses deux enfants, jeunes adolescents.

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À Saint-Malo, le « Chacal » (Le Cleac’h) et le « Petit Prince » (Gabart) montraient leurs superbes bateaux sortis des chantiers il y a quelques mois et, bien que très différents, dessinés par les mêmes architectes de génie, ceux du cabinet VPLP qui ont gagné toutes les Routes du rhum depuis 1990. De son côté, Caudrelier ne faisait guère visiter sa propre monture, plus vieille – son bateau est sorti des chantiers en 2017 –, un maxi-trimaran dessiné par l’architecte Guillaume Verdier, l’un des premiers bateaux volants.

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Avant le départ, Gabart et Le Cleac’h, qui ne s’aiment pas et affichent tous deux un palmarès éblouissant – Gabart a gagné le Vendée Globe 2012, Le Cleac’h celui de 2016 –, annonçaient qu’ils étaient prêts à en découdre comme sur un ring de boxe. Caudrelier, qui fut longtemps le numéro deux de Franck Cammas et n’a pas encore, en solitaire, un palmarès éblouissant – il a tout de même gagné une solitaire du Figaro en 2014 –, racontait sa préparation. Comment il a « appris » à dormir avec l’aide d’un professeur de médecine, le docteur François Duforez, et son travail de concentration avec le champion du monde d’apnée Arnaud Jerald.

Le résultat d’un sans-faute

Tandis que Gabart et Le Cleac’h multipliaient les querelles et les rappels aux règlements en justice, Caudrelier refusait de se mettre en avant dans ce conflit, laissant le soin à son sponsor, le Team Gitana, de prendre position sur le débat qui anime la classe Ultim : le bateau de Gabart est-il conforme ou non ?

Un sujet qui n’est pas définitivement réglé au sein de cette catégorie et que la très belle course de François Gabart – il termine second à quelques heures de Caudrelier – va immanquablement relancer, tant les jalousies et les enjeux financiers sont importants.

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La victoire de Caudrelier, 48 ans, est le résultat d’un sans-faute. Même s’il n’a jamais cessé d’être talonné par François Gabart, celui qui se destinait, jeune homme, à devenir capitaine de la marine marchande a dominé la course de bout en bout.

Sa victoire n’est pourtant pas celle d’un « Petit Chose » de la voile. Caudrelier bénéficie d’un sponsor généreux et ambitieux (3 millions par an hors investissements dans le bateau) et d’une équipe très soudée (25 personnes à l’année), celle du Team Gitana, qui comptait jusqu’à ces derniers mois comme animateur Franck Cammas. Le vainqueur d’innombrables courses, dont la Route du rhum en 2010, et détenteur de plusieurs records du monde a donné des coups de main et des conseils météo, depuis la terre, à son copain Caudrelier — ils ont remporté plusieurs courses en double. Ne reste plus maintenant qu’à trouver un surnom à Charles Caudrelier.


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