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VIDEO. « Complément d’enquête » a découvert qu’en 2018, Didier Raoult a été visé par une procédure disciplinaire… mystérieusement disparue

A Marseille, l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) qu’il a créé, et dirigé jusqu’en juillet 2022, est à la pointe de la recherche sur les maladies infectieuses. Par sa réputation d’excellence, l’IHU Méditerranée Infection attire les meilleurs chercheurs. Pourtant, parmi eux, des voix s’élèvent depuis des années pour dénoncer un laboratoire dysfonctionnel selon eux et des méthodes qu’ils jugent autoritaires.

En mars 2017, douze ingénieurs fustigent le professeur Raoult dans une lettre anonyme envoyée à ses autorités de tutelle. Certains d’entre eux se verraient « rabaissés, humiliés », voire menacés de « mort professionnelle ». Selon un syndicaliste qui témoigne dans « Complément d’enquête », aucun ne serait encore en poste à l’IHU aujourd’hui, car ils auraient payé le prix fort pour avoir « osé trahir Didier Raoult et son équipe dirigeante »

Le directeur de l’IHU a-t-il couvert des faits de harcèlement sexuel ?

Le culte de la personnalité dont le patron de l’institut fait l’objet est parodié au gala des internes en médecine, avec une chanson aux paroles ironiques (« Loué soit le grand Didier / devant son buste prosterne-toi… »). Mais la crise prendra un tour différent lorsque, en octobre de la même année, une étudiante et une chercheuse portent plainte pour harcèlement et agression sexuels contre un directeur d’unité de l’IHU. Auditionné par la police lors de l’enquête, Didier Raoult montrera peu de considération pour la parole des plaignantes, qui rapportent des réflexions sexistes et décrivent une ambiance graveleuse. Aucune sanction ne sera prise contre le chercheur.

Un rapport de janvier 2018 particulièrement sévère

Les accusations sont pourtant suffisamment graves pour que le ministère de la Recherche déclenche une inspection. « Complément d’enquête » a pu se procurer en intégralité un rapport de janvier 2018, dont Le Journal du dimanche a récemment révélé la teneur. On peut notamment y lire que « la personnalité du directeur fascine, et son management est souvent brutal ». Il cite aussi des témoignages de chercheurs : « J’ai dû trafiquer des résultats. » « La vigilance des tutelles sera essentielle », conclut le rapport.

Une procédure disciplinaire qui va faire flop

Ainsi que l’a découvert « Complément d’enquête », suite à ce rapport, une procédure disciplinaire a été lancée par les deux ministres de l’époque, Agnès Buzyn à la Santé et Frédérique Vidal à la Recherche. Les journalistes se sont procuré la lettre de saisine des instances disciplinaires qu’elles ont cosignée. Il y est reproché à Didier Raoult de ne pas avoir alerté le procureur de la République des faits de harcèlement sexuel. Il y est aussi question de « management brutal », de « réelle souffrance au travail ». La procédure n’est pas fréquente, elle ne concerne que deux ou trois cas par an. Elle peut mener jusqu’à la révocation. Mais dans le cas du professeur Raoult, elle va faire un flop…

Interrogée sur les suites de la saisine, l’ancienne ministre de la Recherche Frédérique Vidal « ne [peut] pas [nous] dire quelle a été la décision des instances disciplinaires ». Quant au destinataire, le président de l’instance disciplinaire François Weil, son secrétariat assure n’être au courant de rien. Cette lettre signée par deux ministres aurait-elle pu ne pas être envoyée ? L’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn se refuse à l’imaginer. Y a-t-il eu un raté dans les ministères ? Didier Raoult a-t-il été protégé ? Impossible de le savoir… Malgré les signalements, le professeur ne sera jamais inquiété.

Extrait de « Didier Raoult, le savant flou« , un document à voir dans « Complément d’enquête » le 17 novembre 2022.

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