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REPORTAGE. Coupe du monde 2022 : au Qatar, le revirement sur la vente d’alcool près des stades saoule déjà certains supporters

L’annonce semble plus dure à encaisser que les quinze heures de vol depuis Sydney. Pire encore que les huit heures de décalage horaire que Steve, Gary et Ruben n’arrivent pas à camoufler sous leurs paupières. « Tu viens d’arriver et tu apprends que tu ne pourras pas boire d’acool aux abords des stades. Ça fait ch… », râlent les trois supporters australiens, soudainement moins motivés pour poursuivre leur séance de selfies le long de la corniche de Doha, vendredi 18 novembre. « On a fait la Russie en 2018, le Brésil en 2014, l’Afrique du Sud en 2010. C’était nickel. A chaque fois, c’était simple et pas cher de boire un verre. Et là, ça va être hyper encadré, hyper limité. »

La nouvelle est tombée vendredi en milieu de journée : les autorités qatarienne et la Fifa sont revenues sur leur décision d’autoriser la vente de bière autour des huit stades accueillant les matchs de la Coupe du monde« A la suite de discussions entre les autorités du pays hôte et la Fifa », il a été décidé de « supprimer les points de vente de bière des périmètres des stades » et de « concentrer la vente de boissons alcoolisées » dans les fan zones et les établissements autorisés, peut-on lire dans un court communiqué de la fédération internationale.

Début septembre, il avait pourtant été confirmé que des stands de bière ouvriraient autour des stades à partir de trois heures et jusqu’à trente minutes avant le début des matchs. Ces débits devaient ensuite rouvrir pendant une heure après le coup de sifflet final.

A deux jours du coup d’envoi de la compétition, ce revirement laisse forcément un goût amer dans la bouche d’une partie des fans. « Ils disent oui, et maintenant ils changent d’avis », s’agace Fernando, supporter équatorien, dont l’équipe ouvre le bal face au Qatar, dimanche 20 novembre. « Là, j’ai l’impression que la Fifa a cédé face au pays. Franchement, on se fait avoir juste avant que ça commence. Cette histoire de bière renforce le sentiment que j’ai : cette Coupe du monde n’aurait vraiment pas dû être organisée ici. »

Une voiturette transporte des packs d'eau sur la corniche de Doha (Qatar), le 18 novembre 2022. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

Une voiturette transporte des packs d'eau sur la corniche de Doha (Qatar), le 18 novembre 2022. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

A 200 m de là, trois supporters argentins longent la Bandar Lehwaila street. Drapeaux ciel et blanc, maillots ciel et blanc et bouteilles d’eau à la main. Déçus ? En colère ? « Même pas »embraye le plus âgé et le plus grand du trio, pas vraiment surpris par ce revirement de dernière minute. « Je suis le premier à prendre des bières pour aller au stade, j’aime ça, je trouve que ça met de l’ambiance. Mais là, je ne suis pas à Buenos Aires, je ne suis pas au Brésil. Je suis au Qatar, je suis dans un pays musulman, je respecte ses règles. »

« Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’autorise à boire dix bières avant le match. »

Un supporter argentin à Doha

à franceinfo

Respecter les règles locales, c’est exactement ce que font depuis de nombreuses années Christian et Régine, rencontrés à la sortie du métro Corniche. « On réside à Doha depuis seize ans », explique ce couple d’Alsaciens. « Et on s’est adaptés à leur facon de vivre. Il y a moins d’alcool qu’en France, c’est certain. Mais regardez, on se porte très bien, non ? On n’en meurt pas », taquine monsieur, ingénieur dans la vie. Madame est plus dubitative et se demande surtout « ce que vont devenir les camions entiers de bières que Budweiser a commandés. Ils vont en faire quoi ? »

Christian et Régine, deux expatriés français au Qatar depuis seize ans, se promènent sur la corniche de Doha, le 18 novembre 2022. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

Christian et Régine, deux expatriés français au Qatar depuis seize ans, se promènent sur la corniche de Doha, le 18 novembre 2022. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

Avachis dans une chaise en plastique sur le Monument Playground, deux médecins qatariens, mobilisés pendant tout le mois de compétition, ne semblent pas mécontents non plus. « On ne va pas le cacher, c’est plutôt une bonne nouvelle pour nous, sourit l’un d’eux en remettant sa chasuble jaune. Ça va éviter les problèmes. On nous a dit qu’il y avait des supporters étrangers qui boivent beaucoup d’habitude. »

Avant de faire demi-tour, le second pose la question : « Boire de l’alcool, ce n’est jamais bien. Vous êtes vraiment obligés d’en boire pour aller voir du foot ? » Croisé dans le métro de Doha mardi, un policier qatarien racontait avoir été formé avec ses collègues pendant près d’un an pour apprendre à gérer une foule, « et tout ce qui va avec », dont « les fans qui ont bu ». Une voiturette passe sur la corniche justement. Un groupe de supporters s’agite. Fausse joie : ce sont des bouteilles d’eau à l’arrière. « Faudra s’y faire », lâche l’un d’entre eux, un brin dépité.


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