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« Mon frère n’était pas un idiot » : au procès du crash du Rio-Paris, la famille d’un des copilotes scandalisée par la défense d’Airbus

C’est un moment très fort qu’a vécu, mardi 29 novembre, le tribunal correctionnel de Paris. Alors que les auditions des parties civiles ont lieu jusqu’à mercredi au procès du crash du vol Rio-Paris, en juin 2009, trois membres d’une des familles de l’équipage ont choisi de se présenter à la barre. Les familles des deux autres pilotes, bien qu’encouragées par leur avocat pour l’une d’entre elles, ont choisi de ne pas témoigner.

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Deux des sœurs et le frère de David Robert, l’un des deux copilotes aux commandes de l’avion lorsque celui-ci s’est abîmé dans l’Atlantique, se sont donc tour à tour livrés à un exercice très difficile. Celui de parler de leur frère et de réhabiliter sa mémoire, mise à mal comme celle des deux autres membres de l’équipage par Airbus. Depuis plus de treize ans, et lors de son interrogatoire, le représentant de l’avionneur l’a répété clairement, Airbus est sur la même défense : « L’accident est dû aux erreurs de pilotage. »

Sarah Robert, la petite dernière de la fratrie de cinq enfants, se lance la première. Qui était David Robert ? Dans un seul souffle, avec cette urgence de raconter enfin qui était son frère, elle lit rapidement son texte. « Il était pétillant, sérieux, sympa… L’aîné de notre fratrie. Il nous ouvrait la voie, il était le premier à avoir un enfant », lit-elle les mains dans les poches, comme tétanisée par ce moment.

David Robert, copilote du vol AF 447, ce frère qui « plaisait beaucoup, un peu élitiste, très fier d’être pilote ». Non sans humour, Sarah rappelle qu’il avait été « le premier de la famille à avoir un portable, à nous ramener tout droit du Japon un Sudoku à un moment où personne ne connaissait ce jeu ». Elle rapporte aussi que « son métier le rendait disponible à des heures où les autres l’étaient moins. Mais il était rarement là à Noël ».

Un portrait complété sur un ton plus posé par Sylvie, la sœur aînée de Sarah : « Tu étais grand et beau mon frangin, tu nous guidais, tu étais vraiment courageux David. » Teddy, le petit frère, se souvient lui de ces « 36 ans de joie » passés à côté de ce frère « modèle », jusqu’à ce 1er juin 2009 et l’appel de leur père. « J’étais à la maison lorsque mon papa m’a appelé pour me prévenir, raconte Teddy. Je me souviens de l’épreuve insoutenable de prévenir mes enfants pour leur dire que leur tonton était mort. » L’épreuve terrible aussi d’être à côté de leur mère, tombée gravement malade quelques mois plus tard, morte de chagrin. Cette maman qui avait eu ces mots après la mort de son fils : « Pilote, ce n’est pas un métier pour une mère. »

Très ému, Teddy raconte sa famille « soudée », mais dont l’équilibre a été définitivement rompu après le crash et la mort de David. Il raconte aussi l’éloignement des uns et des autres au fur et à mesure des années. Et cette double peine. Celle d’avoir perdu un frère et celle d’avoir été « jeté en pâture par les journalistes de l’époque, par les experts sur les plateaux télés ». « J’ai fui pour mieux me reconstruire », rapporte Teddy. Depuis, « nous nous retrouvons chaque année au Père-Lachaise ».

Le petit frère du copilote a un mot pour Air France, au « comportement irréprochable » selon lui depuis 13 ans. Sa sœur Sylvie entame son texte en saluant les magistrats pour leur « admirable professionnalisme ». Nombreux sont en effet les proches des victimes à admirer la façon dont la présidente du tribunal, Sylvie Daunis, conduit les débats depuis huit semaines avec ses deux assesseurs. Des mots aussi sont adressés à l’association Entraide et Solidarité AF447 qui a accueilli en son sein les familles de l’équipage, sans faire de différence avec les familles de passagers.

Seul Airbus subit la colère de la fratrie Robert. Airbus qui depuis treize ans soutient que la seule responsabilité du crash revient à l’équipage. Le frère et les deux sœurs de David Robert, tous les trois, ont le regard tourné vers les magistrats, jamais vers Airbus. « Il n’y avait pas trois pilotes et 225 passagers, il y avait 228 victimes et trois sondes Pitot qui ont givré », lance Teddy à la barre. Le frère du copilote revient sur la vidéo pédagogique diffusée par Airbus lors de son interrogatoire il y a deux semaines, une vidéo « injurieuse et indécente » censée montrer comment éviter un décrochage en cas de givrage des sondes de vitesse en haute altitude. « Pour sauver votre image, vous avez volé l’image que je me faisais de mon frère, mais vous n’avez pas réussi, lance-t-il. Le crash a fait bien plus que 228 victimes. »

La fratrie rappelle aussi l’intervention du PDG de l’avionneur, Guillaume Faury, au début du procès le 10 octobre. « Il a fait la plus mauvaise des com' », raille Sylvie. Pour Sarah, « on nous a expliqué que l’équipage était composé de trois idiots, mais mon frère n’était pas un idiot ». « Quel que soit le jugement, ce procès aura au moins réhabilité notre frère », complète Sylvie. Au moment de conclure, « au lieu de se demander si les pilotes ont tout fait pour éviter le crash », Sylvie préfère « se demander si Airbus a fait correctement son travail pour que le crash soit évité. Ma réponse est non ». Ainsi pour elle, « plus qu’avant ce procès j’ai acquis la certitude que David et les autres pilotes n’y sont pour rien ».


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