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Petit manuel de survie en cas de coupure de courant

Matignon l’a annoncé, les préfets ont reçu début décembre la circulaire de rigueur, c’est officiel. Les foyers français pourraient subir des coupures de courant cet hiver, afin d’éviter un black-out catastrophique.

Elles interviendraient probablement lors d’un épisode d’anticyclone sibérien, par une calme et froide journée de janvier-février, en matinée ou en soirée, lorsque la demande d’électricité atteindra son pic, alors que les parcs éoliens et photovoltaïques ne produiront rien. Le scénario étant écrit à l’avance, les foyers concernés seraient prévenus plusieurs heures en amont.

Luminaire de camping et lampe frontale

Pas de quoi effrayer ceux qui ont connu les années 1970 ! À l’époque, le courant était coupé sans préavis plusieurs fois chaque hiver, pour une durée indéterminée. Le 19 décembre 1978 au matin, les trois quarts de la France se retrouvaient ainsi paralysés pendant quatre heures, trains et métros à l’arrêt, ascenseurs bloqués, hôpitaux en détresse, feux de signalisation en berne.

Une coupure programmée est beaucoup plus facile à gérer. Dans notre exercice de simulation, elle est intervenue un vendredi à 18 heures, par une température extérieure de 4 °C, dans une maison des années 1950, classe énergétique D, chauffée au gaz de ville.

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À 17 h 30, le stock de bougies de Noël et les plaids se trouvaient à portée de main. Les batteries des téléphones et des ordinateurs portables étaient chargées à 100 %. La lanterne de camping à led avait été sortie du placard, tout comme la lampe frontale habituellement réservée à la course à pied de nuit. Le stock de piles (taille A, AA et AAA) avait été inspecté. Tout risque semblait exclu, au moment d’abaisser le disjoncteur.

Pas de faux suspense, la soirée s’est déroulée sans le moindre incident. Elle avait même un petit parfum de fête aux chandelles plutôt agréable. Le réflexe d’appuyer sur l’interrupteur en passant d’une pièce à l’autre se perd rapidement. Avec des plaques de cuisson fonctionnant au gaz, il est possible de manger chaud, à condition d’avoir un briquet ou des allumettes sous la main, le système interne d’amorçage par étincelle étant évidemment inactif. Les téléphones fonctionnaient, car les antennes-relais étaient opérationnelles. Attention, en cas de vrais délestages, ce ne sera peut-être pas le cas.

Deux heures, ce n’est rien. Les batteries des outils connectés vont bien au-delà, tout comme l’autonomie des congélateurs. Partant de – 18 °C, un bon modèle restera en dessous de la température critique de décongélation pendant cinq ou six heures. Certes, le chauffage ne fonctionne plus car même à gaz, une chaudière est pilotée par une carte électrique, mais l’inertie d’un logement correctement isolé est telle qu’en deux heures, la température descend à peine (y compris dans l’aquarium des deux tortues d’eau douce, Michel et Charlotte, par ailleurs capables d’hiberner dans leur milieu naturel).

Attention aux volets électriques

En termes de luminaire de secours, s’il fallait ne garder qu’un équipement, ce serait la lampe frontale, sans la moindre hésitation. Elle coûte 20 à 40 euros, éclaire remarquablement et tient une nuit entière avec le même jeu de piles. Les bougies sont romantiques, mais peuvent rendre nerveux en présence de jeunes enfants.

Attention aux volets électriques roulants. Ils ne fonctionnent pas sans électricité ! Certains coffrets sont dotés d’une manivelle de secours, mais pas tous. Il y a un risque réel de s’enfermer chez soi. À La Faute-sur-Mer, en 2011, 29 personnes ont péri noyées dans des maisons de plain-pied, piégées par leurs volets électriques, lorsque l’eau qui montait a fait sauter les plombs. D’une manière générale, la domotique est un point critique. Attention à ne pas vous retrouver coincé chez vous en voiture un matin parce que le portail électrique ne fonctionne plus.

Moment de stress au moment de rétablir le courant. Rien ne se passe. L’usager se trouve face à un compteur noir à l’ancienne, complété par un compteur Linky vert pomme, délivrant des messages énigmatiques (« O VA PUISSANCE APP »), plus un tableau électrique comportant lui aussi des disjoncteurs. Après avoir activé tous les boutons au hasard, le courant est revenu. Vérification faite, il faut appuyer plusieurs secondes sur le bouton « + » du compteur Linky, après avoir mis les disjoncteurs sur « ON » pour rétablir le courant.

Le temps de tâtonner fébrilement à la cave à la lueur de la frontale, l’évidence s’est imposée : les deux heures étaient un jeu, mais la zone d’inconfort est vraiment toute proche. Au bout de six heures, huit maximum, la vie sans électricité deviendrait fort désagréable. Les batteries des portables lâcheraient les unes après les autres. Ce ne serait qu’un détail agaçant, comparé à l’impossibilité de se chauffer et de prendre une douche. Les frontales et autres lampes d’appoint peuvent résister 12 heures, mais elles aussi finiront par s’éteindre, laissant le citoyen, qui se croyait éclairé, face à cette interrogation : comment faisaient nos ancêtres ?


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