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Coupe du monde 2022 : après l’épopée des Bleus au Qatar, les clubs amateurs français ne veulent pas être oubliés

La Fifa va verser au moins 30 millions d’euros à la Fédération française de football, et même 40 millions en cas de titre mondial. Le foot amateur espère toucher sa part.

La Fédération française de football a des étoiles (et quelques billets) plein les yeux. Le superbe parcours de l’équipe de France en Coupe du monde assure un pactole à la FFF, qui touchera de la Fifa au moins 28 millions d’euros à l’issue de la compétition au Qatar. Il faut ajouter à l’addition une indemnité de quelque 1,4 million d’euros pour couvrir les coûts de préparation du tournoi.

En cas de victoire finale face à l’Argentine, dimanche 18 décembre, l’institution présidée par Noël Le Graët repartira même avec 40 millions d’euros. La récompense est encore plus élevée que lors du titre décroché en Russie en 2018, qui avait rapporté 32,5 millions d’euros à l’instance du foot français. Noël avant l’heure.

La FFF sortira donc gagnante financièrement, quoi qu’il arrive, du voyage qatarien. Dans son budget prévisionnel pour l’exercice 2022-2023, la fédération avait intégré une élimination des Bleus en quarts de finale. Un scénario qui lui assurait déjà, selon ses projections, un résultat financier positif. 

Selon les accords fixés entre l’instance et les joueurs, 30% de la dotation Fifa doivent être également répartis équitablement entre les joueurs et les quatre membres du staff technique, soit un peu moins de 400 000 euros par personne en cas de nouveau titre mondial.

En bout de chaîne, les restes permettront notamment à la FFF d’aider les petits clubs un peu partout en France. « Il a été dit qu’au-delà des quarts de finale, il y aurait des retombées pour le foot amateur, mais cela reste à confirmer », confie à franceinfo Stéphane Basq, président du district de la Vienne. Selon L’Equipe, la FFF prévoit de reverser cette saison un total historique de 101 millions d’euros au « foot d’en bas ». « C’est faux ! On confond tout, avec les aides aux ligues, aux districts… Les petits clubs amateurs n’en voient pas la couleur », s’agace Eric Thomas, président de l’Association française de football amateur (Affa).

« Avec de telles sommes, il n’y aurait pas environ 5 000 clubs amateurs qui ont mis la clé sous la porte ces dernières années, surtout en zone rurale. »

Eric Thomas, président de l’Association française de football amateur

à franceinfo

Selon cet ex-candidat à la présidence de la « 3F », les 14 000 clubs amateurs ne peuvent actuellement compter que sur le Fonds d’aide au football amateur, qui dispose d’une enveloppe de 17 millions d’euros, selon la FFF. « Alors que, dans le même temps, les clubs amateurs sont ponctionnés de 150 millions d’euros chaque année à travers les frais d’inscription aux championnats, les frais d’arbitrage, les amendes disciplinaires », estime cet ancien dirigeant de club. « Le foot amateur est en train de mourir à petit feu, sous les radars. »

Eric Thomas plaide aussi pour que 50% de la dotation Fifa de la Coupe du monde termine dans la poche des clubs d’en bas, en supprimant la part des joueurs et du staff des Bleus. « Il ne devrait pas y avoir de primes pour jouer en équipe de France. On devrait jouer pour l’honneur et la fierté du maillot, et ça nous permettrait d’obtenir un vrai budget, juge Eric Thomas. On ne demande pas des ballons ou des jeux de maillot, mais une véritable reconnaissance du travail des dirigeants, des formateurs au sein des clubs. »

Après l’événement qatarien, l’aide pour le monde amateur prendra essentiellement la forme d’un apport en matériel. En 2018, après avoir accroché une deuxième étoile au maillot bleu, la FFF avait décidé « d’octroyer une enveloppe de dix millions d’euros sur deux saisons en matériel aux petits clubs (de moins de 100 licenciés), aux équipes pourvues d’une école de football et aux associations ayant une section féminine, rappelle Stéphane Basq. Cette dotation s’est ajoutée aux 86 millions d’euros reversés pour la saison 2018-2019. »

« On avait bénéficié en 2018 d’une dotation de vêtements de l’équipementier Nike et de matériel (ballons, des petits buts, des coupelles) », se souvient Sébastien Duport, président du club de Chevannes (Yonne). « Via le site de Nike, on avait eu des maillots, des shorts, des chaussettes et des ballons », raconte aussi Claude Brunet, président de l’Association sportive amicale des Couronneries, à Poitiers (Vienne). « Pour cette année, ils ont évoqué une paire de mini-buts pour les écoles de foot. »

« Ce petit geste, cette aide, c’est du bonus. Cela nous permet de rebasculer de l’argent ailleurs », se félicite Frédéric Lapasset, président de l’Union sportive de Bandol (Var). « Ensuite, il faut aussi se rappeler que la fédération fonctionne grâce à nous. » Pour Guy Massaloux, président du club d’Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), il faut relativiser l’apport de la FFF : « Oui, la fédération alloue un budget, mais ça reste une somme générale. Et plusieurs millions d’euros répartis sur l’ensemble du foot amateur, on n’en voit pas forcément la couleur. »

Après la Coupe du monde, les clubs misent aussi sur un effet « licences ». Les mois de Covid-19 ont créé une hémorragie dans certains clubs et le beau parcours des Bleus doit permettre d’attirer sur les terrains de nouveaux joueurs. « En 1998, la Coupe du monde nous avait apportés entre 30 et 40% de licenciés en plus ! Par contre, en 2018, on n’a pas ressenti plus d’engouement que ça », témoigne Frédéric Lapasset.

« En 2018, on a vu une augmentation de 10 à 12%. Mais sur 200 licenciés, ce n’est pas le bout du monde, ajoute Sébastien Duport. Et surtout, c’était éphémère. Il n’y pas eu une augmentation régulière après. » « La Coupe du monde, c’est la vitrine du foot. Il y a toujours des répercussions avec ce type d’événements pour les sports médiatisés. Mais là, en milieu de saison, je ne suis pas sûr que ça joue », s’inquiète Guy Massaloux.

L’arrivée du froid n’aide par ailleurs pas les clubs à recruter. « Si le Mondial s’était déroulé en juin, nul doute que nous aurions connu un impact sur les inscriptions. Pour le moment, il n’y a pas de signaux en ce sens », assure Fabien Desmet, de l’US Tourcoing (Nord). « Avec les demandes de boycott, ça a été une Coupe du monde très particulière, observe également Sébastien Duport. Il n’y a pas de fan zone, pas cette euphorie. Les gens ont vécu ça à travers la télé, donc ce n’est pas le même effet. Et puis en janvier, il fait froid, les terrains sont gelés. Je ne crois pas à un retour de licenciés. »


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