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On vous explique comment la Serbie et le Kosovo se sont retrouvés « au bord du conflit armé » à cause de plaques d’immatriculation

Une politique sur les plaques minéralogiques de véhicules appartenant à quelques milliers de Serbes du Kosovo a mis le feu aux poudres. Si l’armée serbe a été placée en état d’alerte, lundi, la tension est retombée d’un cran ces dernières heures.

Alors que tous les regards sont tournés vers l’Ukraine, le Kosovo pourrait-il devenir le nouveau théâtre d’un conflit armé en Europe ? Ces derniers jours, les tensions se sont intensifiées entre la Serbie et son voisin, qui a déclaré en 2008 son indépendance, ce que Belgrade n’a jamais reconnu. Si des signes d’apaisement ont pu être observés jeudi 29 décembre, « la méfiance demeure », a expliqué le président serbe Aleksandar Vucic. Mais pourquoi cette situation ? 

Une politique sur les plaques minéralogiques a mis le feu aux poudres. Début novembre, Pristina a décidé de mettre en application son souhait d’interdire aux Serbes vivant au Kosovo de rouler dans des voitures dont les plaques d’immatriculation ont été délivrées par la Serbie. Environ 10 000 personnes devaient ainsi adopter les plaques de leur pays de résidence, selon un plan en plusieurs phases. Après une période d’avertissements, les autorités kosovares prévoyaient d’infliger aux contrevenants des amendes de 150 euros, avant une interdiction totale de rouler en avril. 

Cette décision a provoqué la fureur des intéressés, dont beaucoup ne reconnaissent pas la souveraineté du Kosovo, où vivent quelque 120 000 Serbes. En réaction, des centaines de policiers, juges, procureurs et autres fonctionnaires serbes des institutions kosovares ont quitté leur poste en novembre.

La politique du gouvernement kosovar concernant les plaques a finalement été abandonnée via un accord, le 23 novembre, sous l’égide de l’Union européenne. « La Serbie va cesser de délivrer des plaques d’immatriculation serbes portant des dénominations de villes kosovares et le Kosovo va cesser toute activité pour les remplacer », a annoncé Josep Borell, le chef de la diplomatie européenne.

Mais le feu de la contestation ne s’est pas pour autant éteint. Il a été alimenté par l’arrestation d’un ancien policier serbe, le 10 décembre. Dejan Pantic est soupçonné d’être impliqué dans des attaques contre la police kosovare. En réponse, des centaines de Serbes ont érigé des barricades sur une route, bloquant le trafic à deux importants points de passage à la frontière avec la Serbie. Plusieurs heures après la mise en place des blocages routiers, la police a affirmé avoir subi trois attaques successives avec des armes à feu sur l’une des routes menant à la frontière.

« Nous sommes vraiment au bord du conflit armé », a affirmé la Première ministre serbe, Ana Brnabic, le 21 décembre. L’armée serbe a été placée en état d’alerte lundi, tandis que le chef des armées, Milan Mojsilovic, a été dépêché à la frontière entre les deux pays. Quelques heures plus tard, le Kosovo a fermé son principal poste frontalier à Merdare face au blocage de la circulation par des dizaines de manifestants du côté serbe de la frontière. 

Pristina a alors appelé également les forces de maintien de la paix de l’Otan (Kfor) à dégager les barricades. Le ministre serbe de la Défense, Milos Vucevic, a de son côté affirmé mercredi que le blocage des routes était un moyen de protestation « démocratique et pacifique »

Les Etats-Unis et l’Union européenne ont appelé conjointement mercredi à une « désescalade sans condition », exhortant les deux parties à « s’abstenir de toute provocation, menaces ou intimidations ». Le même jour, un tribunal de Pristina a ordonné la remise en liberté et le placement en résidence surveillée du policier Dejan Pantic. Plus tard dans la soirée, le président serbe a annoncé le démantèlement des barrages installés depuis près de trois semaines par la minorité serbe, entraînant la réouverture du poste-frontière de Merdare jeudi.  

Les tensions, régulières dans la région, pourraient-elles aboutir un jour à un conflit armé ? Selon l’analyste politique serbe Aleksandar Popov, interrogée par l’AFP, « il suffirait d’une balle perdue » our renverser le cours des événements. Jean-Arnauld Derens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans, se montre moins inquiet. « Les menaces militaires mises en avant par la Serbie sont très peu sérieuses, quand on sait que l’Otan a toujours une mission déployée au Kosovo, analyse-t-il pour France 24. Ce tout petit secteur du Kosovo est devenu un théâtre symbolique où Pristina et Belgrade peuvent jouer leur affrontement à moindre coût. »


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