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Retraites, assurance-chômage : les signaux d’Elisabeth Borne pour tenter de faire passer les réformes

Invitée de franceinfo, mardi, au moment de recevoir les partenaires sociaux, Elisabeth Borne a ajusté la position du gouvernement sur deux réformes en cours, celle de l’assurance-chômage et celle des retraites.

Elisabeth Borne lance des signes d’apaisement alors qu’elle reçoit, mardi 2 et mercredi 3 janvier, les partenaires sociaux. Paradoxalement, le signe le plus immédiat, ce n’est pas sur la réforme des retraites elle-même, c’est sur le projet de décret qui concerne l’assurance-chômage qu’elle a donné, mardi sur franceinfo, en annonçant que la partie la plus controversée en était « retirée ».

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Ce projet de décret qui prévoyait de réduire de 40% la durée d’indemnisation des chômeurs si le taux de chômage passe sous la barre des 6% avait exaspéré les syndicats, la veille de Noël. Exaspération qui a enflé toute la semaine dernière. Même si en petit comité, Elisabeth Borne juge qu’ils ont un peu surjoué la surprise, elle concède publiquement qu’il est prématuré de consigner noir sur blanc une clause qui ne produit que de la crispation. Cela évite au moins de parasiter les échanges.

Et puis, sur le projet de réforme des retraites, dire que « 65 ans, ce n’est pas un totem », ce n’est pas anodin. Même si elle l’avait déjà dit. Mais au moment d’attaquer l’année, elle se repositionne là où Emmanuel Macron avait laissé les Français avant d’être réélu. En campagne de la présidentielle, entre les deux tours, il avait lui-même déclaré que les 65 ans n’étaient pas un dogme, que rassembler et écouter, c’était aussi accepter de bouger. 

Or, depuis la rentrée, le cap des 65 ans ne cessait pourtant d’être confirmé et reconfirmé, présenté comme « le » programme sur lequel Emmanuel Macron a été reconduit à l’Élysée. Quitte à oublier là encore les déclarations du nouveau président lui-même le soir de sa victoire : « Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême-droite », avait-il déclaré, concluant d’un « ce vote m’oblige pour les années à venir« .

Ceci dit, tous les syndicats, même la CFDT, sont opposés à une mesure d’âge. Quand Elisabeth Borne explique que d’autres solutions permettent d’atteindre l’objectif, elle fait surtout un signe à la droite. Les sénateurs LR ont de nouveau voté cette année un mix « report de l’âge de départ à 64 ans + accélération vers les 43 ans de cotisation ». Cela ne permet pas d’éviter une mobilisation contre la réforme, mais cela permet de la faire passer alors qu’Emmanuel Macron a répété lors de ses vœux que cette réforme, il la veut.

Et pour la faire passer, la Première ministre n’hésite pas à simplifier le message du président. Le risque de l’ambiguïté qu’a installée Emmanuel Macron en expliquant qu’il fallait la réforme des retraites pour en financer d’autres, c’est de laisser penser qu’en fait, elle n’est pas si nécessaire d’un point de vue budgétaire. C’est d’ailleurs bien ce que lui reprochent ses adversaires. Elisabeth Borne reconnaît en privé que le raccourci du Président est sans doute un peu difficile à suivre. Donc elle se concentre sur l’argument principal : sauver le système par répartition. « Il faut être très clair, a-t-elle insisté mardi : le système est en déficit. Tout ce qu’on demande comme effort aux Français servira à financer le système de retraite. »

En resserrant l’argumentaire ; en montrant qu’elle sait reculer en cas d’erreur (ce qu’elle fait sur le décret assurance-chômage ; en affichant de la souplesse sur les 65 ans ; en rassurant (il n’est pas question d’aller au-delà des 43 ans de cotisations) ; en laissant entendre – sans fermer définitivement la porte – que les parlementaires pourront amender le texte pour que la pension minimale à 1 200 euros concerne aussi les retraités actuels et pas seulement les nouveaux, Elisabeth Borne ne s’adresse en fait pas tant aux syndicats ou aux parlementaires de droite : elle tâche de parler d’abord aux Français. Elle s’efforce de travailler l’acceptabilité de la réforme. 

Elle joue déjà le coup d’après : la solidité ou la fragilité du soutien de l’opinion publique à une mobilisation qui semble inévitable. Car si elle affirme ne pas se poser la question, elle joue aussi sa place à Matignon.


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