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Crise de l’énergie : comment les fournisseurs justifient-ils la flambée de certaines factures d’électricité des professionnels ?

TotalEnergies explique avoir répercuté les hausses des prix du marché. Mais le gouvernement pointe des pratiques déloyales de certains opérateurs.

Des chiffres qui donnent le tournis. En Seine-et-Marne, la facture d’électricité d’une boulangère doit passer de 1 600 euros en décembre à environ 15 000 euros en janvier 2023, selon son opérateur. Dans l’Essonne, la facture d’un restaurateur a, elle, été multipliée par 22. Depuis quelques semaines, ces hausses spectaculaires du coût de l’énergie prolifèrent en France, touchant de plein fouet certains artisans et commerçants dont la consommation est particulièrement énergivore, comme les boulangers ou les bouchers. Mais comment en est-on arrivé à de telles envolées des prix ? Et quelles sont les explications données par les fournisseurs d’énergie ?

Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter au 1er janvier 2016, date à laquelle les entreprises n’ont plus eu accès à un tarif réglementé de l’électricité, contrairement aux particuliers qui peuvent toujours conserver cette offre encadrée par l’Etat. Les commerçants et artisans ont ainsi dû souscrire à un contrat avec EDF ou l’un des autres fournisseurs privés d’énergie désormais disponibles en France et dont les tarifs peuvent fluctuer, selon les cours du marché et les modalités du contrat.

Evolution du prix de l'électricité sur le marché de gros entre janvier 2021 et janvier 2023. (FLOURISH / FRANCEINFO)

Evolution du prix de l'électricité sur le marché de gros entre janvier 2021 et janvier 2023. (FLOURISH / FRANCEINFO)

Ces dernières années, ce changement de système n’a pas provoqué de fluctuations de prix très importantes pour les professionnels, à l’exception de quelques hausses passagères, explique Nicolas Goldberg, expert en énergie pour Colombus Consulting. Mais depuis l’été 2021, la situation a radicalement changé. Les prix de l’électricité ont commencé à fortement augmenter sur les marchés jusqu’à atteindre un pic extrêmement élevé à la fin de l’été 2022, quelques mois après le début du conflit en Ukraine.

Les nouveaux contrats signés ces derniers mois entre les entreprises et les opérateurs ont ainsi vu leur prix flamber, parfois de manière spectaculaire. « Les contrats de fourniture d’électricité sont établis en cohérence avec les prix observés sur les marchés et nos coûts d’approvisionnement au moment de la signature », explique TotalEnergies à franceinfo. L’opérateur assure qu’il a dû faire face à « des niveaux supérieurs à vingt fois les prix de marché historiques ». Des hausses répercutées sur les contrats avec les professionnels.

Dans ce contexte, certains artisans et commerçants ont été particulièrement touchés par ces fluctuations sur le marché. C’est le cas notamment de ceux qui avaient souscrit à un contrat avant l’été 2021 à un tarif alors très bas. « Quand on sort de ce contrat en 2022, on peut se retrouver devant des gros multiplicateurs », explique Nicolas Goldberg. « A titre d’exemple, un client qui bénéficiait d’un tarif moyen à 50 euros par MWh dans son contrat précédent et qui a souscrit à nouveau lors de la période durant laquelle les marchés ont dépassé le seuil des 1 000 euros par MWh a vu ses tarifs multipliés par un facteur 20 », assume TotalEnergies.

Une tendance encore accentuée lorsque le contrat avec le fournisseur est renouvelé sans négociation ou au dernier moment. « Si un professionnel a besoin d’un nouveau contrat du jour au lendemain, l’opérateur va lui proposer le prix d’approvisionnement au dernier moment sur le marché », alerte Nicolas Goldberg. Les marges de négociations sont alors extrêmement limitées.

Au-delà de cette tendance, certains professionnels affirment aussi que les nouveaux prix pratiqués par les opérateurs sont parfois bien plus élevés que les prix de l’électricité sur le marché, avec également des frais de résiliation de plusieurs milliers d’euros, les empêchant de faire jouer la concurrence pour trouver un tarif plus avantageux chez un autre opérateur. Des cas confirmés par le ministère de l’Economie. « Des entreprises ont refusé toute négociation des contrats. Vous avez des entreprises qui ont accepté de renégocier mais avec des frais de résiliation trop élevés », a tonné le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, mardi 3 janvier après une réunion avec les fournisseurs d’énergie.

« Certaines entreprises ont mis le couteau sous la gorge des PME. »

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Face à l’envolée des prix et aux dérives constatées de certains opérateurs, le gouvernement a donc décidé de hausser le ton. « Les fournisseurs n’aident pas suffisamment les boulangers et les PME », a martelé mardi Bruno Le Maire. Après la réunion à Bercy, les fournisseurs d’énergie se sont ainsi engagés à mettre en place des facilité de paiements pour les TPE et PME en difficulté de trésorerie et à accepter de résilier des contrats très désavantageux passés avec certains boulangers.

Les opérateurs devront également faire apparaître le bénéfice de l’amortisseur électricité sur la facture de janvier 2023. Ce mécanisme mis en place par le gouvernement, et effectif depuis le 1er janvier, doit permettre de réduire en moyenne de 20% les factures d’électricité des professionnels en 2023.

Si les fournisseurs ne respectent pas ces engagements, le gouvernement a promis de révéler les noms des mauvais élèves et de renforcer leur taxation. « On peut toujours prélever davantage sur les fournisseurs d’énergie que ce que nous faisons aujourd’hui », a menacé Bruno Le Maire. Les professionnels, eux, attendent avec inquiétude leur prochaine facture d’électricité.


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