A la Une

Brésil : ce que l’on sait de l’invasion des lieux de pouvoir à Brasilia par des partisans de Jair Bolsonaro

Plusieurs milliers de manifestants ont pris d’assaut, dimanche, la place des Trois Pouvoirs, un lieu réunissant les bâtiments du Congrès, de la Cour suprême et du palais présidentiel brésiliens, qu’ils ont envahis.

Des images qui rappellent l’invasion du Capitole par des partisans de Donald Trump, le 6 janvier 2021 à Washington. Plusieurs milliers de sympathisants de l’ancien président d’extrême droite brésilien, Jair Bolsonaro, ont envahi le Congrès, le palais présidentiel ainsi que le Tribunal suprême fédéral à Brasilia, la capitale fédérale du Brésil, dimanche 8 janvier, une semaine après l’investiture du nouveau président, Luiz Inácio Lula da Silva, dont ces partisans refusent l’élection

Dans la lignée de son élection, des manifestants pro-Bolsonaro avaient bloqué certains axes routiers, puis des partisans avaient manifesté devant des casernes militaires afin de contester la victoire de l’ancien président de gauche. Ils appelaient à une intervention militaire afin de l’empêcher de revenir au pouvoir. Le 1er janvier, son investiture avait toutefois eu lieu sans incident majeur. 

Que s’est-il passé dimanche ? Quelles sont les premières réponses apportées à cette invasion ? Franceinfo revient sur ce que l’on sait, à ce stade, de ces événements. 

Trois lieux de pouvoir pris d’assaut 

Selon l’agence Associated Press (en anglais), les partisans de Jair Bolsonaro étaient dimanche plusieurs milliers, vêtus de jaune et de vert – les couleurs du Brésil reprises comme symbole du bolsonarisme – sur la place des Trois Pouvoirs à Brasilia, un lieu réunissant les bâtiments du Congrès, de la Cour suprême et du palais présidentiel brésiliens. Ces manifestants ont envahi les trois institutions, brisant des fenêtres, montant sur les toits et contournant les barricades de sécurité. 

Des images partagées sur les réseaux sociaux ont montré des manifestants entrant dans l’enceinte du Tribunal suprême fédéral et du palais présidentiel, dégradant le mobilier. Des vidéos faisaient également état de bureaux de parlementaires détériorés ou de manifestants debout sur les sièges de l’hémicycle du Sénat, selon Globo (en portugais). Les dégâts s’annoncent considérables, d’après ces premières images diffusées sur les réseaux sociaux.

D’autres images diffusées par la chaîne Globo News ont montré des bolsonaristes à l’intérieur du palais présidentiel. Lula était toutefois absent de la capitale dimanche. Il s’est rendu à Araraquara, dans l’Etat de Sao Paulo, une ville dévastée par des inondations en fin d’année. Députés et sénateurs étaient également absents lors de l’assaut.

Des heurts ont éclaté entre certains manifestants et les forces de l’ordre sur la place des Trois Pouvoirs. Comme le montrent ces images diffusées par Globo (en portugais), un policier à cheval a été attaqué par un groupe de partisans de Jair Bolsonaro, qui l’ont frappé avec des bâtons. Des grenades assourdissantes ont été lancées par les forces de l’ordre depuis un hélicoptère, en direction des partisans occupant le toit du Congrès. Selon un syndicat de presse local, cinq journalistes ont été agressés, dont un photographe de l’AFP qui a été frappé et s’est fait voler son matériel. 

Selon Globo (en portugais), les forces de l’ordre étaient en train de reprendre le contrôle de la Cour suprême, du palais présidentiel puis du Congrès dimanche en fin de journée (23 heures, heure de Paris). Au moins 150 manifestants ont été arrêtés, selon plusieurs médias brésiliens.

Une réponse sécuritaire qui interroge 

La zone autour de la place des Trois Pouvoirs avait été bouclée par les autorités, mais les manifestants ont réussi à rompre les cordons de sécurité. Les forces de l’ordre ont tenté, en vain, de les repousser avec du gaz lacrymogène. 

« Cette tentative absurde d’imposer une volonté par la force ne va pas prévaloir. Le gouvernement du District fédéral (de Brasilia) va envoyer des renforts et les forces dont nous disposons sont en train d’agir », a réagi sur Twitter le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Flávio Dino. Celui-ci avait autorisé samedi le déploiement d’agents de la Force nationale, une force spéciale de police déployée en cas de menace contre la loi et l’ordre. Le président du Sénat, Rodrigo Pacheca, a également déclaré être en contact constant avec le gouverneur de Brasilia Ibaneis Rocha, et que les forces de l’ordre étaient pleinement mobilisées face à ces événements, précise Associated Press. 

La réponse des forces de l’ordre a toutefois interrogé les journalistes au Brésil. Comme l’a constaté une journaliste de Globo, certains membres de la police militaire du District fédéral (Brasilia) ont été filmés en train de prendre des photos ou de discuter avec des manifestants, au moment même où les lieux de pouvoir étaient envahis. 

« Le PT (parti des travailleurs, mouvement de Lula) jette la responsabilité sur Ibaneis Richa, gouverneur de Brasilia, ex-allié de Bolsonaro, qui a sous ses ordres les bataillons de la police militaire du district fédéral (DF) », a également souligné sur Twitter le correspondant du Monde au Brésil. 

Le gouverneur de Brasilia, Ibaneis Rocha, a finalement annoncé qu’il limogeait le secrétaire à la sécurité du District fédéral, un soutien de Jair Bolsonaro, selon un journaliste d’Associated Press« Je mets toutes les forces de sécurité dans la rue, avec la détermination d’arrêter et de punir les responsables. J’ai aussi sollicité le soutien du gouvernement fédéral », a ajouté le gouverneur.

Lula dénonce un assaut de « vandales fascistes » 

Le nouveau président brésilien s’est réuni en urgence en visioconférence avec plusieurs ministres, à l’annonce de cet assaut, selon le correspondant du Monde au Brésil. Le dirigeant de gauche s’est ensuite exprimé, évoquant des « vandales fascistes » et « la barbarie à Brasilia aujourd’hui ». « Ces gens que nous appelons les fascistes, la chose la plus abominable en politique, ont envahi le palais et le Congrès. Nous pensons qu’il y avait un manque de sécurité. Ceux qui ont fait cela seront retrouvés et punis », a-t-il déclaré. « La démocratie garantit le droit à la liberté d’expression, mais elle exige aussi que les gens respectent les institutions. Il n’y a pas de précédent dans l’histoire du pays à ce qu’ils ont fait aujourd’hui. Pour cela, ils doivent être punis. » 

Le chef de l’Etat a également décrété une « intervention fédérale », permettant de reprendre en main la sécurité dans la région de Brasilia. Le président de la Chambre des députés brésiliens, Arthur Lira, a également annoncé la tenue d’une réunion des chefs des trois pouvoirs « afin de rendre absolument incontestable que les trois pouvoirs sont plus unis que jamais en faveur de la démocratie »

La communauté internationale réagit 

L’invasion de ces lieux de pouvoir au Brésil a rapidement été condamnée par la communauté internationale. Le président français, Emmanuel Macron, a appelé au « respect des institutions démocratiques » au Brésil et a souligné le « soutien indéfectible de la France » au président Lula. « Tout mon soutien au président Lula et aux institutions élues librement et démocratiquement par le peuple brésilien. Nous condamnons fermement l’assaut contre le Congrès brésilien et appelons à un retour immédiat à la normalité démocratique », a également déclaré le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a quant à lui exprimé sa « condamnation absolue ».

Le président de gauche du Chili, Gabriel Boric, a également apporté son soutien au gouvernement Lula « face à cette attaque lâche contre la démocratie ». Son homologue colombien, Gustavo Petro, a condamné pour sa part une « attaque fasciste ».

« Les Etats-Unis condamnent toute tentative d’ébranler la démocratie au Brésil. Le président Biden (depuis le sud des Etats-Unis où il se trouvait dimanche, avant une visite au Mexique) suit la situation de près et notre soutien aux institutions démocratiques du Brésil est inébranlable », a de son côté déclaré sur Twitter Jake Sullivan, conseiller de la Maison Blanche.


Continuer à lire sur le site France Info