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Réforme des retraites : le plan du gouvernement pour faire voter rapidement son projet au Parlement

La Première ministre a présenté mardi son texte très attendu. Pour tenir son calendrier, avec une mise en application début septembre, le gouvernement pourrait recourir à un article de la Constitution qui lui permet d’aller plus vite face aux parlementaires.

Le spectre d’un blocage politique s’éloigne-t-il ? Le gouvernement, qui a présenté mardi 10 janvier sa réforme des retraites, le texte majeur du second quinquennat Macron, devrait pouvoir s’appuyer sur la droite pour éviter de recourir au 49.3, cet article de la Constitution qui lui permet de passer en force. « Je me réjouis qu’il y ait une réforme et je souhaite pouvoir la voter », a affirmé mardi soir sur France 5 le patron des Républicains, Eric Ciotti.

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Les députés LR sont « prêts à soutenir [cette] réforme », à « quelques conditions » jugées « essentielles » sur les petites pensions et les carrières longues notamment, avait déclaré mardi matin leur chef de file. Olivier Marleix a ensuite confié sa satisfaction d’avoir été entendu sur ces sujets après les annonces d’Elisabeth Borne.

S’il reste encore des points de négociation avant de conclure un accord avec la droite, l’exécutif entend aller vite au Parlement pour une application de sa réforme dès septembre, promesse du candidat Macron. Le véhicule législatif trouvé et annoncé depuis plusieurs semaines a été confirmé par Elisabeth Borne : un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).

D’un point de vue politique, la méthode permet au camp présidentiel d’assurer ses arrières : si l’accord avec LR venait à capoter, il pourrait toujours recourir au 49.3 librement, sans griller sa cartouche. En dehors des textes budgétaires, le gouvernement ne peut dégainer cet article qu’une fois par session parlementaire. Surtout, l’exécutif pourrait se saisir, selon plusieurs sources concordantes à franceinfo, d’un autre article de la Constitution pour accélérer le débat parlementaire : l’article 47.1 de la Constitution.

Selon ce texte, « si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. » D’autre part, « si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ».

Concrètement, le projet de loi qui sera présenté le 23 janvier en Conseil des ministres doit arriver autour du 30 janvier à l’Assemblée nationale, selon une source parlementaire. Le délai d’examen des 20 jours débutera à cette date et non le 6 février, jour où les députés entameront l’examen du texte dans l’hémicycle. Les élus au Palais-Bourbon devront donc conclure leurs débats autour du 18 février. S’ils échouent à voter le texte en première lecture, les sénateurs seront saisis du texte du gouvernement.

« C’est la voie la plus sûre pour avoir une chance de voir le projet de loi voté », glisse un conseiller ministériel. Dans l’entourage de Franck Riester, on assure pourtant que le recours à cet article n’est pas encore tranché. « C’est une possibilité en cas d’obstruction, mais pas la seule », explique-t-on.

« On va examiner le texte normalement mais on va voir ce qui se passe en cas d’obstruction. »

L’entourage de Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement

à franceinfo

De l’avis de plusieurs sources de la majorité, le suspense n’est pas vraiment de mise. « C’est la piste privilégiée car c’est la seule arme qui existe pour mettre ceux qui veulent faire de l’obstruction face à leurs responsabilités », explique un fin connaisseur du ParlementDans son viseur : les milliers d’amendements que pourraient notamment déposer la France insoumise pour s’opposer au texte. Mathilde Panot, la cheffe de file des députés LFI, avait laissé entendre en octobre sur LCI que son groupe pourrait déposer 75 000 amendements. 

« Quand on nous dit que chaque député de la Nupes va déposer 1 000 amendements par principe, je ne pense pas que ce soit une volonté d’éclairer les débats », a opposé Elisabeth Borne lors de sa conférence de presse. « Nous essayerons, au mieux, au maximum, d’avoir des débats de fond. J’espère pour les autres parlementaires que les députés de la Nupes permettront que ces débats se tiennent. »

Si les parlementaires LFI ne lèvent pas le voile sur leur stratégie au Palais-Bourbon pour contrer la réforme des retraites, ces derniers sont vent debout contre le recours probable à l’article 47.1. Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis, dénonce ainsi « un déni démocratique ». 

« Avec le 47.1, le Parlement est écrasé. »

Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis

à franceinfo

« C’est un procédé anti-démocratique puisque normalement cette procédure est utilisée pour corriger ou rectifier un PLFSS, pas pour faire passer en force une loi de cette importance », s’insurge de son côté Eric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Mais, du côté de la majorité, on fait bloc, alors même que certains auraient préféré un projet de loi unique, plutôt qu’un PLFRSS. « J’aurais aimé avoir un texte de loi à part entière, mais en l’état, c’est la meilleure chose que l’on puisse avoir, c’est-à-dire un débat parlementaire et pas de 49.3. Je préfère le 47.1 au 49.3, on ne va pas se mentir », assure Ludovic Mendès, député de Moselle. « Je veux que le texte passe sans 49.3, il faut que tout soit fait pour éviter un passage en force via un 49.3 », appuie le patron des députés Horizons, Laurent Marcangeli. Le président de la commission des lois, Sacha Houlié, « salue » lui aussi la stratégie du gouvernement.

« C’est une manière de se donner le temps de l’examen parlementaire tout en faisant échec à l’obstruction annoncée par LFI. »

Sacha Houlié, président de la commission des lois

à franceinfo

Si l’exécutif tente coûte que coûte de maîtriser le débat parlementaire sur ce texte, ses marges de manœuvre s’annoncent beaucoup plus restreintes hors des institutions politiques. Que se passera-t-il dans la rue ? C’est la grande inconnue.

Les syndicats ont annoncé dans la foulée des annonces de la Première ministre une première journée de mobilisation le 19 janvier. Mais dans la majorité, certains s’inquiètent beaucoup plus de possibles contestations hors de tout cadre syndical ou politique. « Je crains davantage les mouvements qui naissent sur les réseaux sociaux que ceux des centrales syndicales », glisse un ponte de la majorité. Si c’était le cas, le plan du gouvernement pourrait être fortement contrecarré. 


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