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Livraison de chars à l’Ukraine: la réunion de Ramstein, une première étape?

Publié le : 21/01/2023 – 05:02

Les chars de fabrication allemande Leopard, que veulent donner à Kiev la Pologne et d’autres pays européens, n’ont toujours pas pris la direction de l’Ukraine. Le camp occidental, réuni à Ramstein, vendredi 20 janvier, a multiplié les déclarations pour envoyer du matériel sur place, mais pas ces véhicules réclamés par le président Zelensky pour la suite du conflit en cours contre la Russie.

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Vendredi soir, les réactions ukrainiennes étaient très amères, après les déclarations alambiquées des dirigeants allemands, sur l’opportunité de livrer des chars lourds Leopard 2 à l’Ukraine.

Volodymyr Zelensky a fait bonne figure, rappelant que les entretiens de Ramstein devaient rester de l’ordre du confidentiel, explique notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan.

Plusieurs officiels estiment que la pression d’autres pays européens, comme la Pologne, les Baltes et la République tchèque, arriveront à faire plier l’Allemagne, où ont été fabriqués ces véhicules. Mais en réalité, les Ukrainiens en veulent aux Allemands, et en particulier à leur chancelier, Olaf Scholz.

Même s’ils savent qu’en termes d’aide financière, Berlin est aux côtés de Kiev, les Ukrainiens sont désormais suffisamment au fait des questions militaires pour savoir que c’est l’Allemagne, principal producteur de chars d’assaut européens ces dernières décennies, qui détient la clé de la bataille dans les plaines ukrainiennes.

En Ukraine, pour beaucoup, la question est de savoir si, malgré sa culpabilité pour ses actes sur le front de l’est pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est, en 2023, capable en tant que force politique de faire un choix moral entre une puissance d’invasion et un pays qui se défend de l’agression.

Impatience du côté polonais

Pour l’heure, la Pologne, qui fait pression sur le chancelier Olaf Scholz depuis le début de l’année pour envoyer ses chars lourds de l’autre côté de la frontière, devra attendre.

Varsovie va devoir continuer de négocier pour envoyer ses propres chars Leopard, commente notre correspondant sur place, Martin Chabal. Du moins si l’objectif demeure de le faire avec l’approbation de l’Allemagne.

Alors que la Pologne espérait une décision forte de Berlin en la matière, pendant la réunion de vendredi organisée sur le site de la base américaine de Ramstein, en Allemagne justement, la question a simplement révélé certaines divisions au sein de l’Otan, observe-t-on.

Mais la situation s’est éclaircie. Si Olaf Scholz n’a pas donné son feu vert pour envoyer ces chars qui, selon de nombreux analystes également, donneraient un avantage considérable à l’armée ukrainienne, les quinze pays en possession de Leopard, dont l’Allemagne, discutent pour trouver une solution convenable. Une réunion est d’ailleurs prévue dans les prochains jours.

La Pologne espère un dénouement rapide dans le cadre de cette coalition. Parce que dans le cas contraire, le gouvernement menace d’envoyer des chars sans l’accord de l’Allemagne.

Les signaux sont en faveur de Varsovie ; lors de la réunion de Ramstein, de nombreuses décisions ont été prises pour fournir de l’aide militaire à l’Ukraine. L’Allemagne avait peur de faire cavalier seul en autorisant l’envoi de ses chars Leopard, désormais de nombreux pays ont déjà fait un pas et Olaf Scholz pourrait suivre.

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, après sa conférence de presse à l'issue de la réunion de Ramstein, en Allemagne, vendredi 20 janvier 2023.
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, après sa conférence de presse à l’issue de la réunion de Ramstein, en Allemagne, vendredi 20 janvier 2023. AP – Michael Probst

L’opinion allemande tergiverse

D’autant qu’en Allemagne même, les réticences du chancelier à autoriser ces livraisons sont diversement ressenties par la population, observe notre correspondante à Berlin, Nathalie Versieux.

Les sondages ont beaucoup évolué au cours des derniers mois. Le nombre de personnes favorables aux livraisons augmente dans le pays. Dans une récente enquête pour la chaîne de télévision publique ARD, 46% des sondés y sont favorables, et 43% sont contre.

Katrin, 63 ans, fait partie des nombreux Allemands qui, pour leur part, hésitent. « Je crois que je suis plutôt contre, parce que je suis convaincue qu’il faudra négocier. Mais je suis indécise », confie-t-elle.

S’il y avait une chance que les chars lourds permettent aux Ukrainiens d’avoir une meilleure position de négociation, en chassant les Russes d’Ukraine… Mais j’en doute. Et ils tuent. Beaucoup de gens.

Sur l’échiquier politique allemand, ce sont les électeurs des Verts qui soutiennent le plus massivement l’envoi de chars à l’Ukraine : 63% y sont favorables, suivis par les conservateurs, tandis que les sociaux-démocrates du SPD approuvent mollement, à 51%.

Daniele, un étudiant de 37 ans, vote pour les écologistes. « Je suis pour les livraisons, dit-il. De mon point de vue, soit on arrête complètement les livraisons d’armes, soit on le fait vraiment. » Il comprend mal les hésitations du chef du gouvernement, convaincu que ce dernier donnera son feu vert dès qu’une majorité plus claire se prononcera.

►À relire : Réunion de Ramstein: pas d’avancée sur les chars demandés par Kiev


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