Au milieu de l’entretien, «So» a dit «pardon» pour décrocher. Au téléphone, son épouse lui signale qu’Affranchis, quelques jours après sa sortie, est déjà disque d’or. Il jubile mais pas trop, se met debout, ouvre grand la porte et reçoit l’accolade de camarades, qui mettent illico la séquence sur les réseaux. En revenant s’asseoir, il est déjà ailleurs :
«Tout ce que j’ai fait jusque-là, c’est pour impressionner mon père. A l’école, je n’étais pas bon. Alors je compensais par des victoires en sport. Boxe, musculation… Les trophées, c’était pour lui. Ça n’a pas toujours été facile entre nous. Mais je suis persuadé que s’il ne m’est rien arrivé dans la vie, malgré toutes mes conneries, c’est parce que Dieu ne voulait pas lui faire de mal.»
En juin, son paternel s’est retrouvé dans l’émission Sept à Huit, sur TF1. C’est le moment où la presse généraliste est emmerdée : la brute, qui met en musique les codes de truands, a ses bons côtés. Il œuvre dans l’humanitaire en Seine-Saint-Denis, s’intéresse au sort des orphelins (son père le fut très tôt) en Algérie et joue, en février 2017, le rôle de médiateur entre policiers et jeunes à l’issue d’une manifestation à Bobigny après l’affaire Théo L., du nom d’un habitant d’Aulnay-sous-Bois, gravement blessé après un contrôle des forces de l’ordre. A l’écran, on voit un artiste à l’aise au possible. Là où ses confrères se sont ratés sur le service public par conviction d’être illégitime, lui pourrait carrément présenter l’émission si on le lui proposait.
«Des gens ont été surpris de voir mon père, mais sur le moment, ça me paraissait normal. Par contre mon épouse, mes enfants… je ne peux pas. Je ne supporterais pas que des internautes fassent des montages avec leur visages, comme ça a pu se faire pour d’autres. Je ne le supporterais pas.»
A lire, notre portrait paru en février 2017 :
Sofiane, la voix désarme
Il vit avec sa famille dans un pavillon à Aulnay-sous-Bois. Sa maison est un investissement datant des années moins fastes, au cours desquelles il a ouvert, entre autres, trois studios d’enregistrement en banlieue parisienne.
«A l’époque, j’ai pensé prendre du recul et rester en périphérie du business. Dans les quartiers, certains ont passé leur jeunesse à réparer des voitures. Moi, j’ai appris un autre métier : le rap. Au fil du temps, je m’étais formé à l’édition, au management, au publishing. C’est une formation, comme l’écriture…
– Concernant l’écriture, justement, comment gère-t-on trois disques en un an ?
– Il y a toujours les titres qui viennent avec l’inspiration. Tu es là et tu sens qu’il y a quelque chose qui se passe dans ton cerveau. Il faut noter les rimes très vite : c’est une forme de respect car si tu ne le fais pas, crois-moi, elles ne reviendront pas quand tu les chercheras. Mais je sais écrire de façon mécanique quand il le faut. Les buteurs ne marquent pas toujours des chefs-d’œuvre. Ce n’est pas pour autant qu’ils ne la mettent pas au fond.
– Parmi des titres écrits mécaniquement, il y en a qui ont marché ?
– Oui, à ma grande surprise. Toka, par exemple. Le refrain est « Toka, ish ish ». Si tu m’avais dit il y a quelques années que je ferais un tube avec ça, je ne t’aurais pas cru… Les modes de consommation ont changé. Est-ce que les gens entrent aussi facilement dans de longs titres sans refrain, qui restent mon domaine de prédilection ? « Je suis passé chez So » a été une sorte de labo pour expérimenter des choses et gagner la confiance des auditeurs. Comme ça a fonctionné, je peux désormais leur montrer que je sais me positionner sur d’autres registres, comme dans le titre Lundi.»
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