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Yves Saint Laurent dans le documentaire d’Olivier Meyrou, « Célébration ». NORTE DISTRIBUTION
L’avis du « Monde » – à voir
On ne saurait imaginer réalités plus différentes que celles représentées dans ces deux documentaires. Ici, dans Célébration, d’Olivier Meyrou, les ors de la maison de couture Yves Saint Laurent. Là, dans 8, avenue Lénine, de Valérie Mitteaux et Anna Pitoun, les caravanes d’un camp rom en banlieue parisienne. Ce n’est pourtant pas le goût du paradoxe qui nous incite à les rapprocher. Plutôt une méthode, celle du cinéma direct – caméra légère, son synchrone, effacement du commentaire, approche immersive –, qui a libéré le genre documentaire de la pesanteur et du didactisme voilà un demi-siècle.
Laquelle méthode – nonobstant les outrages que lui ont fait subir des kilomètres d’obscénités télévisuelles – a toujours la taille fine et le teint rose, dès lors qu’on s’en saisit dans l’esprit. La durée de la préparation et du tournage y joue son rôle, favorisant tout à la fois l’établissement d’une confiance mutuelle, la maîtrise du sujet, l’effacement progressif du filmeur dans le paysage. C’est bien ce qui se joue dans ces deux films.
Olivier Meyrou y a consacré trois ans de sa vie et plus encore, pour une raison sur laquelle on reviendra, pour le montrer. Valérie Mitteaux et Anna Pitoun ont régulièrement retrouvé leur personnage principal durant quinze ans. Ces films n’en procurent pas moins des sentiments contradictoires, surtout liés à l’effusion du direct : la joie dans 8, avenue Lénine, la cruauté dans Célébration.
Icône indéchiffrable
Lorsque Olivier Meyrou pénètre dans l’antre du 5, avenue Marceau, à Paris, en 1998, la maison de haute couture Saint Laurent est la dernière sur la place à être encore dirigée par son créateur. Elle n’en a d’ailleurs plus pour très longtemps avant d’être fermée.
Aussi bien, ce que filme Meyrou s’apparente à la chronique d’une fin du monde. Retiré dans son bureau en compagnie de son bouledogue, affaibli et frappé d’une sorte d’effroi sans nom, protégé du monde extérieur par une litanie d’interdits et de cérémoniaux, Yves Saint Laurent (1936-2008) en est l’icône indéchiffrable. Pierre Bergé (1930-2017), bâtisseur et grand ordonnateur de l’empire, protecteur jaloux du saint des saints, organise dans une ombre très relative les derniers fastes destinés à en perpétuer la légende. Les petites mains, les mannequins, les assistants sont les zélotes de ce drame feutré.
Tout cela, non dénué de grandeur, se révèle tout de même d’une préciosité burlesque, d’une étrangeté radicale
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