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Hugo, Manon et Tessa (de gauche à droite), élèves au lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, filmés dans « Premières solitudes » (2018), de Claire Simon. SOPHIE DULAC PRODUCTIONS / CARTHAGE FILMS
L’avis du « Monde » – à ne pas manquer
Le cinéma, ce peut être aussi simple que cela. Une caméra, une poignée de lycéens, les recoins et détours de leur établissement et, surtout, des conversations à bâtons rompus, auxquelles le dernier documentaire de Claire Simon, Premières solitudes, puise toute sa matière. Ce pari d’un documentaire entièrement constitué d’échanges verbaux, l’Espagnol José Luis Guerin l’avait tenu, il y a peu, avec L’Académie des muses (2015), où il suivait une expérience de philologie menée à l’université de Barcelone.
Le film de Claire Simon rend compte, lui aussi, en quelque sorte, d’une expérience en milieu scolaire, mais d’un tout autre type. C’est sur l’invitation de Sarah Logereau, professeure de lycée engagée dans l’enseignement artistique (on lui doit déjà le projet pédagogique à l’origine du film Swagger, d’Olivier Babinet en 2016), que la réalisatrice est intervenue au lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) en vue de tourner, dans le cadre d’un atelier artistique, un court-métrage avec les élèves de première en spécialité cinéma. Le court est devenu un long, fabriqué avec l’assistance technique des lycéens, qui se sont retrouvés à la fois derrière et devant la caméra.
Premières solitudes, tout comme le film de Guerin, part d’une idée forte : la parole suffit à habiter tout un film car elle constitue un monde en soi où se reflète la réalité extérieure. Dans l’enceinte du lycée, mais parfois aussi ailleurs (dans la rue, le bus, au café, à Paris), les élèves, filles et garçons, se réunissent, souvent à deux ou trois, plus rarement avec un adulte (parent ou personnel de l’établissement), et discutent, sur un registre de confidence ou d’aveu, de leurs doutes et de leurs blessures intimes.
Imaginaire « généalogique »
Chaque scène se conçoit selon un dispositif de dialogue, ouvert dans les lieux ordinaires du lycée ou sur les trajets usuels des élèves, comme autant de petites poches d’intimité et d’épanchements, blotties ici ou là dans les coulisses du temps scolaire (un temps qui reste majoritairement hors champ). Au fil des conversations se dessine quelque chose de l’imaginaire « généalogique » de l’adolescence, cet âge de l’entre-deux par excellence, sans cesse tendu entre ses origines et son devenir.
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