« Amanda » : le réalisateur Mikhaël Hers, un solitaire tourné vers les paysages intérieurs

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Le réalisateur Mikhaël Hers.

Le réalisateur Mikhaël Hers. ALLOCINÉ

Rarement aura-t-on rencontré cinéaste aussi peu soucieux de séduire que Mikhaël Hers. La chose n’est pas insignifiante s’agissant d’un milieu où l’art de plaire se pratique comme celui de respirer. Ses trois longs-métrages réalisés à ce jour – Memory Lane (2010), Ce sentiment de l’été (2015) et Amanda (2018) – témoignent pourtant, loin du pudique retrait de leur auteur, d’une délicatesse de sentiment et d’une science des émotions portées à un très haut degré d’intensité.

Lire la critique d’« Amanda » : Chronique de la vie d’après

Des jeunes gens au seuil de l’âge adulte s’y confrontent ­mélancoliquement à la perte de leur jeunesse et de leurs amours, se préparent en un mot à vivre ­vraiment, c’est-à-dire à faire de la mort qui vient à leur rencontre l’incessante condition de leur survie.

L’idée est de n’être jamais tout à fait là où on l’attend. Selon ses mots : « Atteindre la vérité en passant par la périphérie »

Il y a donc, d’emblée, la manifestation d’un paradoxe entre la sensibilité à fleur de peau de cet artiste et le refus d’en rien laisser paraître qui accueille ceux qui viennent à lui. Par quoi Mikhaël Hers livre sans doute inconsciemment la clé qui mène à lui, comme cinéaste en premier lieu, et – si ça se trouve ! – comme homme aussi bien. L’idée est de n’être jamais tout à fait là où on l’attend. Selon ses mots : « Atteindre la vérité en passant par la périphérie. » C’est vrai de l’amour dans ses films, qui s’en va toujours pour mieux se chercher. De la manifestation circonvolutive des affects. De la pâleur vaporeuse de ses lumières. De la topographie tapie dans les lisières parisiennes (le bois de Boulogne dans Memory Lane, le bois de Vincennes et le 12arrondissement dans Amanda, la fugue des métropoles dans Ce sentiment de l’été).

En termes existentiels, cela donne ceci. Naissance le 6 février 1975 à Paris. Elevé dans l’Ouest parisien, à Sèvres (Hauts-de-Seine), et rapidement dans la cinéphilie classique américaine de ses parents, cultivée au Quartier latin. « L’amour du cinéma vient de loin », dit-il, rappelant en même temps, on croirait presque à une fierté, qu’il n’a « rien mis en place pour faire ce métier ». Sur la foi de quoi, en âge de choisir, il s’engage dans un cursus universitaire complet en économie. Au débouché duquel, cinq ans plus tard, en 2000, il passe directement, selon la logique hersienne, le concours de la Fémis. Naturellement, il y choisit le département production, naturellement il y devient réalisateur. Du moins y aura-t-il cultivé sa cinéphilie, pense-t-on. Non plus. La musique reste, sans doute, sa plus authentique passion. On n’en doute pas en écoutant la bande-son de ses films, qui marque une prédilection pour une délicate pop anglaise des eighties. Du moins sera-t-il peut-être sorti de l’école nanti d’un solide réseau. Pas davantage.


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