Cinéma

Steve McQueen : « Les gens voulaient nous cantonner aux marges, nous nous trouvons désormais au centre »

Article réservé aux abonnés

Depuis vingt ans, Steve McQueen vit à Amsterdam avec sa compagne et leurs deux enfants

Depuis vingt ans, Steve McQueen vit à Amsterdam avec sa compagne et leurs deux enfants TOM ORDOYNO POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

Steve McQueen en a longtemps été persuadé : pour un homme noir, comme lui, une carrière de réalisateur était inenvisageable. L’Anglais, né en 1969, avait beau être un artiste reconnu, vidéaste et photographe, lauréat du prix Turner, la plus haute distinction britannique attribuée à un artiste contemporain, et ses œuvres être exposées dans les musées les plus prestigieux, à commencer par le Guggenheim de New York, le monde du cinéma lui semblait inaccessible.

« Les gens voulaient nous cantonner aux marges, nous nous trouvons désormais au centre. Et, si vous voulez mon avis, nous sommes là pour un bon bout de temps. »

Une croyance héritée de son adolescence, dans le quartier modeste d’Ealing, à Londres. Dans ce faubourg multiculturel se côtoient des Iraniens, des Pakistanais, des Africains, des Italiens et des Caribéens comme lui. Sa mère est originaire de Grenade et son père de Trinité-et-Tobago. « Je ne dirais pas que mon environnement était raciste, je le qualifierais davantage de conservateur. Il y avait ce qu’un homme de ma couleur pouvait envisager dans la vie et les portes qui lui resteraient à tout jamais fermées. » Au fond de lui, pourtant, Steve McQueen sait qu’il parviendra à ses fins. « Je haussais les épaules en attendant que mon moment arrive. »

Ce jour est finalement arrivé en 2008 avec la réalisation de Hunger, sur la grève de la faim du militant nationaliste irlandais Bobby Sands. Un premier film qui lui a aussitôt valu une Caméra d’or à Cannes. Ont suivi Shame et 12 Years a Slave, pour lequel il a obtenu l’Oscar du meilleur film, faisant de lui le premier réalisateur noir à remporter la prestigieuse récompense. Un défricheur. Un pionnier. « Ce n’est pas un choix, assure-t-il. C’était le seul rôle que je pouvais prendre. »

Lire aussi « 12 Years a Slave » : l’esclavage, une infamie qui broie les corps

Son nouveau film, Les Veuves (en salle le 28 novembre), est une adaptation de Widows, une série télévisée britannique, diffusée au début des années 1980, sur quatre femmes, deux Blanches et deux Noires, qui, à la suite d’un braquage désastreux au cours duquel leurs maris ont perdu la vie, décident de finir leur travail pour payer les dettes de leurs compagnons. Steve McQueen a revu son film lors d’une projection au Festival de Toronto, début septembre. Il a su alors qu’il avait vu juste. La série mettait en scène le malaise des années Thatcher, lui a transposé l’histoire à Chicago durant les années Trump. Un arrière-plan qui lui permet d’aborder la question du métissage, des barrières raciales, sociales et religieuses.


Continuer à lire sur le site d’origine