Hommage : Sergio Leone, à la recherche du cinéma perdu

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Sergio Leone sur le tournage de son film « Il était une fois la révolution », en 1971.

Sergio Leone sur le tournage de son film « Il était une fois la révolution », en 1971. FONDAZIONE CINETECA DI BOLOGNA / FONDO ANGELO NOVI

C’est l’un des nombreux apports de Sergio Leone. Quelque chose à voir avec la mort, la biographie de l’écrivain britannique Christopher Frayling, qui vient d’être traduite : le réalisateur italien, mort en 1989, n’est pas seulement l’homme qui a réinventé le western, genre américain par excellence, en le délocalisant en Espagne et en l’intégrant à une tradition européenne, entre la commedia dell’arte et A la recherche du temps perdu. Il est aussi ce cinéaste qui est parvenu à produire une œuvre au croisement de l’épique et de l’intime. Quand il met en scène la guerre de Sécession (Le Bon, la Brute et le Truand, 1966), l’édification du chemin de fer à travers le continent américain (Il était une fois dans l’Ouest, 1968) ou la révolution mexicaine (Il était une fois la révolution, 1971), Leone raconte aussi sa propre traversée du XXe siècle.

La vision de Sergio Leone devait beaucoup au peintre Giorgio De Chirico et à son utilisation de la perspective

Quand il s’impose sur la scène internationale avec son quatrième film – et premier western –, Pour une poignée de dollars, en septembre 1964, la perception était autre. Leone était d’abord ce metteur en scène qui avait créé une star, Clint Eastwood. « Ce que je ne comprenais pas, avoua Charles Bronson au moment de devenir l’homme à l’harmonica pour Il était une fois dans l’Ouest, c’était que le scénario n’était en rien original. C’était la façon dont Leone allait le mettre en scène qui ferait la différence. » C’est cette différence que l’on peut apprécier dans l’exposition et la rétrospective que La Cinémathèque française consacre au cinéaste jusqu’au 27 janvier.

La différence de style n’était pas la seule affichée par Leone. Dès Pour une poignée de dollars, il était parvenu à se forger un territoire distinct : des villes-frontières avec un décor en décomposition et des paysages proches d’un vide lunaire. Cette représentation devait tout à sa maîtrise de l’histoire de la peinture, sur laquelle l’exposition pose un regard des plus pertinent. La vision du cinéaste devait beaucoup à Giorgio De Chirico et la prédilection du peintre pour des arcades citadines dans un espace désert, son utilisation de la perspective, son goût pour l’illusion et le trompe-l’œil.

Désolation

Les personnages mis en scène par le réalisateur italien s’inscrivaient dans cette désolation : ils ont toujours besoin d’un bain et boivent leur bouteille de whisky au goulot. Les plaies bibliques – poussière, insectes, sécheresse – sont les signes apparents d’un univers où la violence fait loi. On sait que l’on entre en territoire léonien au moment où un visage mal rasé, suintant, à la peau vérolée, barre l’immense écran Cinémascope alors que retentit la musique d’Ennio Morricone, comme le signe avant-coureur du jugement dernier. L’utilisation de l’espace est si tonique chez Leone, la composition de ses plans si méticuleuse, au point où la moindre goutte de sueur prend une proportion dramatique incommensurable, que ses films restent irréductibles au petit écran.


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