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Carey Mulligan, Ed Oxenbould et Jake Gyllenhaal dans « Wildlife », de Paul Dano. COURTESY OF SUNDANCE INSTITUTE
L’avis du « Monde » – à voir
Le passage derrière la caméra d’un comédien est souvent l’occasion d’un renversement de perspective stimulant entre mise en scène et jeu d’acteur, ces deux pôles du cinéma de fiction qu’on a trop tendance à opposer. Celui de Paul Dano, acteur intense et éruptif du paysage hollywoodien, vu dans une série de seconds rôles marquants – de There Will Be Blood (2007), de Paul Thomas Anderson, à Okja (2016), de Bong Joon-ho –, donne lieu à un premier long-métrage sensible et intimiste, déjà révélé à Sundance puis à la Semaine de la critique de Cannes.
Adapté avec sa scénariste et compagne, Zoe Kazan, du roman Wildlife, de Richard Ford (1990, traduit en français sous le titre Une saison ardente, éditions de l’Olivier, 1991), le film emprunte une écriture modeste et limpide, toute dévouée à l’incarnation d’une petite galerie de personnages et à l’auscultation de leurs rapports.
Le récit nous projette en 1960, au sein de la famille Brinson, installée depuis peu dans une petite ville du Montana perdue au milieu de grandes étendues naturelles, où font rage d’importants feux de forêt. Joe (Ed Oxenbould), le fils unique du foyer, 14 ans, assiste, incrédule, à la désagrégation du couple que forment ses parents, depuis que son père, Jerry (Jake Gyllenhaal), a perdu son emploi. Une déconvenue qui entraîne une série de fissures imperceptibles : la mère, Jeanette (Carey Mulligan), trouve un travail de monitrice de natation et redécouvre un dehors à l’univers domestique où elle était jusque-là confinée, tandis que Jerry, déchu de sa stature symbolique, se morfond à la maison, perdant l’estime de lui-même.
Un jour, il se porte volontaire pour partir plusieurs mois combattre les incendies en montagne. Joe se retrouve seul avec sa mère, qui entreprend alors de se fabriquer une nouvelle existence.
Carey Mulligan est Jeanette, mère de famille dans l’Amérique d’Eisenhower, dans « Wildlife, une saison ardente », de Paul Dano. COURTESY OF SUNDANCE INSTITUT
Chronique sentimentale
Sur le ton d’une chronique sentimentale, effeuillant le passage du temps au gré des fluctuations affectives, Wildlife nous plonge à un moment charnière où la famille américaine et son mode de vie cessaient d’être éprouvés comme un modèle indépassable, pour entrer dans l’âge du doute, de la perplexité et de l’inquiétude. Cette transition amère se reflète dans le regard que Joe pose sur ses parents, passant du chromo familial figé (celui de l’enfance) à la conscience plus complexe des relations entre adultes, forcément imparfaites et toujours entropiques.
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