James Ivory, jeune cinéaste de 90 ans

Par Clémentine Goldszal

Il a reçu, en mars, son premier Oscar pour le scénario de « Call Me by Your Name ». Un sacre pour le réalisateur américain qui n’a rien perdu de sa liberté de penser et d’agir.

James Ivory chez lui, à Claverack, dans l’Etat de New York, le 13 décembre 2018.

James Ivory chez lui, à Claverack, dans l’Etat de New York, le 13 décembre 2018. YOSHIYUKI MATSUMURA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

« Le train est parfois un peu capricieux. Appelez-moi quinze minutes avant, je viendrai vous chercher à la gare de Hudson », écrivait James Ivory, mi-décembre, dans un e-mail. Quelques jours plus tard, attablé devant une soupe de poulet et une limonade, dans le diner local de cette petite ville de campagne repeuplée depuis quelques années par de jeunes couples nantis de Brooklyn, le cinéaste explique : « Nous avons eu un appartement à Paris, vécu en Italie, nous sommes souvent allés en Inde, et j’ai aussi un appartement à Manhattan, mais cette maison, ça a toujours été chez nous. »

« Nous », c’est lui et le producteur indien Ismail Merchant, qui fut son compagnon pendant quarante-six ans, jusqu’à sa mort, en 2005. En 1975, le couple achète cette grande bâtisse blanche à Claverack, dans l’est de l’État de New York et y installe son quartier général informel, travaillant sans relâche aux multiples projets estampillés Merchant Ivory Productions, à l’image de Retour à Howards End, ressorti en salle le 26 décembre, ou de Quartet, qui sera montré en mars 2019 à la Cinémathèque.

Un style joyeusement iconoclaste

Ici aussi que James Ivory a fêté, en juin, son quatre-vingt-dixième anniversaire. Pour l’occasion, il a demandé à l’une de ses voisines de réquisitionner sa maison pour héberger ses amis. Elle a bien sûr accepté, à condition qu’il lui montre son Oscar. Voilà pourquoi, explique-t-il, la statuette rutilante trône sur une table du rez-de-chaussée, au milieu du courrier ouvert et de livres annotés, non loin d’un ordinateur portable en veille.

En mars, l’Académie a fait de James Ivory l’oscarisé le plus âgé de son histoire, en lui décernant le prix du Meilleur scénario adapté pour Call Me by Your Name (d’après le roman d’André Aciman). Le film de l’Italien Luca Guadagnino raconte l’éveil aux sens et aux sentiments d’un garçon de bonne famille qui tombe amoureux d’un jeune collaborateur de son père. Sur la scène du Dolby Theater, le doyen est allé chercher son trophée en smoking noir sur chemise blanche, décorée d’un portrait romantique de la jeune star du film, Timothée Chalamet. L’illustration parfaite de son style, joyeusement iconoclaste sous des atours traditionnels.


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