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Masahiro Higashide (de dos) et Erika Karata dans « Asako I & II », de Ryusuke Hamaguchi. ART HOUSE DISTRIBUTION
L’avis du « Monde » – chef-d’œuvre
Cinéaste en activité depuis une dizaine d’années sans qu’aucune œuvre de lui parvienne en France, le Japonais Ryusuke Hamaguchi, 40 ans, a finalement explosé au mois de mai. Avec la sortie de Senses d’abord, long-métrage de cinq heures, portrait croisé de quatre femmes dont l’une disparaît subitement. Puis avec la sélection consécutive de son nouveau film, Asako I & II, en compétition au Festival de Cannes. Cette sélection directe dans le saint des saints du cinéma d’auteur international n’est généralement pas sans cause. Elle signale une découverte notable, une envie de s’engager auprès d’un auteur dont on s’arroge en même temps le mérite de son accession à un niveau supérieur de notoriété.
Rien de volé ici, bien au contraire. Asako I & II, comme son titre l’indique, fait partie des films de doubles, généalogie fructueuse au cinéma, si l’on veut bien se souvenir, entre autres, de Vertigo (Hitchcock), L’Avventura (Antonioni), Body Double (De Palma) ou Mulholland Drive (Lynch). Cette modeste liste, qu’on pourrait sans mal décupler, désigne déjà une particularité essentielle du genre qui considère le fantasme passionnel et la cruauté du polar comme les deux faces réversibles d’un même tissu, celui-là même, cela va sans dire, dans lequel sont tissés nos rêves. La définition officielle du genre, pour chacun de ces films, dépend donc de la place du curseur. Vertigo est évidemment un polar, mais qui vaut toutes les analyses cinématographiques sur l’aliénation amoureuse. A rebours, L’Avventura est évidemment un drame psychologique, que la disparition brutale de son personnage principal entraîne dans les méandres d’une intrigue policière.
Epreuve mystique
Asako fait partie de la seconde catégorie, en étant consacré à l’indélébile empreinte qui marque une héroïne à peine sortie de l’adolescence à travers l’épreuve mystique de son premier grand amour. Le premier acte du film, Asako I, prend l’aspect d’une rencontre dans l’alignement des planètes, scintillante et elliptique, délibérément entachée par le cliché du coup de foudre. Asako, prototype de la jeune fille innocente et romantique, visite à Osaka une exposition intitulée « Soi et les autres », y croise un jeune homme bien fait de sa personne, le suit sans la moindre hésitation dans la rue, où ils tombent sans plus de façon dans les bras l’un de l’autre.
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