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Le réalisateur Jean-Gabriel Périot lors du Festival du film romantique de Cabourg en juin 2017. CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Le montage d’images d’archives, comme opération de mise à distance de l’histoire officielle, est la matrice de Jean-Gabriel Périot, quadragénaire perplexe qui fabrique ses films tout en affûtant sa pensée critique. C’est un choc politique, dit-il, qui a déclenché son choix de faire du cinéma : le fameux 21 avril 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen se qualifia pour le second tour de l’élection présidentielle. Désormais familier des grands festivals de documentaires, Périot est l’auteur d’une trentaine de vidéos et courts-métrages détonants, dont la dextérité technique, parfois vertigineuse, est au service du fond et de l’analyse. Il a également signé deux longs-métrages, Une jeunesse allemande (2015), au sujet de la Fraction armée rouge, et Lumières d’été (2016), autour des survivants japonais de la bombe atomique.
L’édition par Potemkine d’un coffret de courts-métrages permet de mesurer la diversité de ses recherches : qu’il s’agisse des femmes tondues de la Libération (Eût-elle été criminelle, 2006), de l’après-Hiroshima (200 000 fantômes, 2007), des militants des Black Panthers (The Devil, 2012), de la dénonciation de la fièvre médicamenteuse (Médicalement, 2005), sans oublier son coming out faussement anodin en deux minutes chrono (Gay ?, 2000).
Engagée, son œuvre ne cherche pas simplement à conforter le spectateur « de gauche » dans ses convictions. Ce qui force l’admiration, c’est le regard décalé que porte Périot sans dire un mot, par la force du montage, la place de la musique, très importante dans son œuvre, et le temps long consacré à ses recherches historiques.
Il était presque fatal qu’il croise la route du philosophe Alain Brossat, lequel travaille sur des terrains communs – il est, entre autres, l’auteur des Tondues, un carnaval moche (Manya, 1992). Les deux auteurs ont commencé à correspondre sur leurs travaux : quand Périot envoyait à Brossat son DVD sur Hiroshima, ce dernier lui faisait parvenir son journal de voyage à travers le Japon (De l’autre côté de la terre, L’insulaire, 2007). Ces échanges ont fini par se formaliser dans le livre paru aux éditions de La Découverte en septembre 2018, Ce que peut le cinéma. Périot et Brossat y confrontent leurs points de vue sur l’ambivalence du cinéma dit « politique », sur l’utilisation des archives, ou encore la fabrication d’images sérielles, dont Périot est coutumier.
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