Tout ce qu’on sait sur Megalopolis, de Francis Ford Coppola

Le cinéaste s’apprête enfin à tourner le film de ses rêves, avec un casting impressionnant et un budget important.

Si la dernière réalisation de Francis Ford Coppola remonte à plus de dix ans (c’était Twixt, avec Elle Fanning, sorti en 2011 au cinéma), le cinéaste s’apprête à revenir derrière la caméra pour Megalopolis, une histoire se déroulant dans un New York utopique qu’il a commencé à écrire dans les années 1980, mais qu’il n’a jamais pu monter, faute de financements conséquents. En 2019, au moment de fêter son 80e anniversaire, le réalisateur du Parrain a décidé qu’il était temps de relancer ce projet qui lui tient visiblement beaucoup à coeur. Expliquant ses ambitions dans la presse à plusieurs reprises, il a depuis décidé d’investir personnellement plus de 100 millions de dollars dans ce projet, via sa société American Zoetrope, ce qui lui a permis de réunir un casting cinq étoiles pour incarner à l’écran les personnages clés : Adam Driver, Nathalie Emmanuel, Forest Whitaker, Dustin Hoffman, Laurence Fishburne…

Le film devrait entrer en tournage au sein des studios Trilith, dans l’Etat de Géorgie, aux Etats-Unis, dès le mois prochain, pour sortir au cinéma en 2024 ou 2025. Alors qu’il finalise ce projet de longue haleine, voici tout ce qu’on sait sur Megalopolis.

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« L’utopie, ce n’est pas un endroit… »

De quoi parlera précisément Megalopolis ? Au fil des interviews, Francis Ford Coppola a livré de nombreux détails sur son histoire, résumée par Deadline dans un « pitch » simple : « Le sort de Rome hante le monde moderne, qui est incapable de résoudre ses propres problèmes sociaux, dans cette oeuvre épique parlant d’ambitions politiques, de génie et d’amour dangereux. » 

A l’été 2021, le cinéaste expliquait au même magazine de cinéma que son film se déroulerait dans une cité moderne inspirée par la Rome antique : « C’est un péplum, dans le style traditionnel de Cecile B. DeMille ou Ben-Hur, mais situé de nos jours et centré en Amérique. C’est basé sur la conjuration de Catilina (un complot politique qui a marqué l’histoire de Rome, NDLR), qui vient de la Rome antique. C’était un duel fameux entre un patricien, rôle qui sera tenu par Oscar Isaac, et le fameux Cicéron, qui sera joué par Forest Whitaker. Il sera le maire acculé de New York, en pleine crise financière. » Son personnage sera inspiré de David Dinkins, qui fut maire de la Grosse Pomme au début des années 1990, détaille encore Coppola. « L’histoire ne se déroule pas une époque précise, c’est une vision du New York moderne, que j’appelle New Rome« . 

Depuis, Oscar Isaac a quitté le projet, remplacé par Adam Driver (lire plus bas le paragraphe consacré au casting), mais le concept est resté le même. Coppola a détaillé qu’il voulait avec ce film réfléchir à l’idée d’utopie, laissant entendre qu’à 83 ans, il s’agirait peut-être de sa dernière réalisation : « Quelle est la pire chose qui pourrait m’arriver ? Je vais mourir en étant fauché ? Non, je ne serai pas fauché. Mes enfants ont beaucoup de succès. Ils hériteront de cet endroit magnifique… vous avez vu Inglenook (la propriété de la famille Coppola, en Californie, ndlr). Ils auront cela. J’ai confiance dans le fait que si vous tournez un film qui pourra toucher les gens dans 10 ans, 20 ans ou plus, vous n’y perdrez pas d’argent. Quand je regarde mes films, ils sont encore vus 50 ans après. Outsiders, Dracula… ils ont encore du succès. Mes films, plus ils sont bizarres, plus ils semblent durer. Je ne sais pas pourquoi. Ce qui me rendrait vraiment heureux ? Pas de gagner des tas d’Oscars, car j’en ai déjà un paquet, sans doute plus que ce que je ne mérite. Ce n’est pas non plus de gagner beaucoup d’argent, même si je pense que dans le temps, ce film rentrera dans ses frais, car tous ceux que les gens revoient pour y trouver de nouvelles choses, ils finissent par faire de l’argent. Donc en y réfléchissant bien, longtemps après ma mort, tout ce que j’aimerais c’est que les gens continuent de discuter de Megalopolis, qu’ils se demandent : la société dans laquelle on vit est-elle la seule possible ? Ou peut-on la rendre meilleure ? L’éducation, la santé mentale… Ce que ce film propose, c’est l’idée que l’utopie, ce n’est pas un endroit. C’est la manière dont on peut rendre le monde meilleur. Chaque année, on trouve trois ou quatre inventions qui sont capables de l’améliorer. Je sourirai dans ma tombe si je pensais que cela pouvait arriver, car les gens continuent de parler des films qui ont vraiment du sens, qui leur apporte quelque-chose. Si vous les encouragez à parler du mariage, de l’éducation, de la santé, de la justice, des opportunité, de la liberté et de toutes ces choses conçues par l’esprit humain… et de se poser cette question : comment peut-on les améliorer ? Ce serait bien. Car je prends le pari que le monde serai meilleur s’ils avaient tous ces conversations. »

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Gros budget et technologie de pointe

Le réalisateur d’Apocalypse Now et du Parrain a déjà essayé de monter Megalopolis par le passé à Hollywood, mais aucun studio n’a voulu financer cette histoire réclamant de gros moyens : la reconstitution de la ville demande un certain budget, tout comme ses effets visuels importants. Sans compter que Coppola veut depuis le début réunir un casting rempli de comédiens populaires, ce qui peut logiquement faire gonfler sa mise de départ. En août 2021, surprise ! Il annonce dans la presse vouloir investir lui-même jusqu’à 120 millions de dollars dans Megalopolis« C’est devenu une sorte de guerre de religion, dans le sens où ça ne repose sur rien de logique. Je pense que l’information importante, c’est que je suis toujours le même qu’il y a 20 ans ou 40 ans. J’ai toujours envie de faire un film de rêve, même si je dois miser mon propre argent, je suis capable de sortir 100 millions de dollars s’il le faut. Je ne le souhaite pas, mais s’il faut je le ferai. Je me suis engagé à faire ce film, je voudrais le tourner à l’automne 2022. Tout mon casting n’est pas validé, mais j’en ai assez pour être confiant que ça sera une distribution excitante. Le film coûtera entre 100 et 120 millions de dollars. Mais évidemment je préférerai que ce soit plus proche de 100Tout le monde veut faire le prochain Marvel, mais personne ne veut faire un film qui redonne vraiment de l’espoir à la jeunesse, que nous sommes prêts à nous réunir et résoudre tous les problèmes qui se présentent à nousC’est ce que je crois et ce sera le véritable thème du film (…) Il est temps pour nous de réaliser que la société dans laquelle nous vivons n’est pas la seule alternative à notre disposition. » 

Si la distribution a effectivement évolué depuis cette annonce, Coppola a tenu bon, confirmant en février dernier qu’il produirait lui-même Megalopolis. Les prises de vue sont effectivement prévues de novembre 2022 à mars 2023. Un tournage conséquent, donc. Associée à Prysm, la société Trilith met à disposition des réalisateurs une technologie révolutionnaire : le « Volume ». Un système d’écran gigantesque, composé de LED, qui est capable de projeter des décors tout autour des comédiens pour qu’ils soient davantage immergés dans l’ambiance des scènes à tourner. Contrôlé par ordinateur, ce procédé permet de mettre en mouvement ces décors, tout en les associant à des éclairages et des caméras spécialement conçus pour créer des univers les plus réalistes possibles. « J’adore travailler avec Prysm et Trilith« , commente Coppola en septembre 2022, précisant qu’il utilisera aussi des effets visuels plus classiques. « Comme ça, j’aurai un pied dans le passé et un dans le futur », s’amuse le cinéaste à présent âgé de 83 ans. Cette technologie du Volume est de plus en plus utilisée à Hollywood, notamment par Disney pour les séries Star Wars (The Mandalorian, Obi-Wan Kenobi…).

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Un casting emballé

Coppola a su convaincre des dizaines d’acteurs de le suivre dans cette ambitieuse aventure. Des personnalités déjà proches de lui, avec qui il partageait une histoire commune, mais aussi des artistes populaires qu’il a rencontré spécialement pour l’occasion. En 2021, c’est Oscar Isaac qui devait être la star de Megalopolis, mais l’interprète de Poe Dameron dans Star Wars a dû laisser sa place, engagé sur d’autres projets entre temps. En mai 2022, le réalisateur a choisi Adam Driver, son collègue dans la saga de George Lucas (mais aussi génial récemment dans House of Gucci, Le Dernier Duel ou Annette), pour le remplacer. Nathalie Emmanuel (Game of Thrones) tiendra elle aussi l’un des rôles principaux du film, tout comme Forest Whitaker. Ils seront entourés de Jon Voight, qui a déjà été dirigé par le cinéaste dans L’idéaliste, en 1997, Laurence Fishburne, que le réalisateur avait révélé au grand public grâce à Apocalypse Now, en 1979, James Remar, déjà dans Cotton Club (1984), ainsi que sa propre soeur, Talia Shire et le fils de cette dernière (le neveu du metteur en scène, donc), Jason Schwartzman, célèbre notamment pour ses collaborations avec Wes Anderson. Shia LaBeouf (vu récemment dans Pieces of a Woman), Kathryn Hunter (All or Nothing), la chanteuse et musicienne Grace Vanderwaal (Stargirl), Aubrey Plaza (Legion) ou encore Madeleine Gardella (Crushed) ont ensuite rejoint l’équipe au compte-gouttes. Les derniers noms à avoir été annoncés sont à l’image de ce casting composé à la fois de stars et d’inconnus : Dustin Hoffman (oscarisé pour Kramer contre Kramer et Rain Man), Chloe Fineman (connue pour ses sketchs au SNL), Isabelle Kusman (Licorice Pizza), D.B. Sweeney (Captive State) et la nouvelle venue Bailey Ives.

Notez enfin que Jessica Chastain, Cate Blanchett, Michelle Pfeiffer, Zendaya et Jessica Lange, précédemment annoncées, ne sont plus mentionnés au casting de Megalopolis.

Parmi toutes ces personnalités, certaines ont évoqué le film dans la presse. Jon Voight, qui a le même âge que le cinéaste et qui le connaît depuis plusieurs décennies, l’a par exemple présenté en mars 2022 comme « une vision extraordinaire. Je veux dire, c’est vraiment audacieux et courageux. (…) L’histoire est très dynamique et surprenante. Ce sera un film extraordinaire, avec des acteurs très, très talentueux. Il abat vraiment toutes ses cartes. »  A la même période, Talia Shire a de son côté expliqué : « Il fait quelque chose de grand et d’important ». Quant à Oscar Isaac, même s’il a finalement dû refuser le premier rôle pour une question d’emploi du temps (tout comme un autre projet lié à Coppola, un film racontant les coulisses du Parrain), il expliquait dans Première en avril 2022 espérer que « cela se concrétise. Travailler avec un tel visionnaire, ce serait un rêve. J’ai eu quelques conversations merveilleuses avec lui… »

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