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Le périple mauve et poétique de Pierre Lapointe

Pierre Lapointe aux Francofolies de La Rochelle, en juillet 2022. © Edmond Sadaka / RFI

Le chanteur québécois Pierre Lapointe est une immense vedette dans son pays depuis son premier album sorti il y a une vingtaine d’années. Il était à la mi-juillet à l’affiche des Francofolies de la Rochelle pour présenter son dernier disque L’Heure mauve. Il y reprend notamment quelques grands classiques de la chanson francophone. 

RFI : L’heure mauve n’était pas destiné à être commercialisé initialement. C’est un disque « imprévu » en quelque sorte ?

Pierre Lapointe : Les 14 chansons qu’il contient (sept reprises et autant de compositions originales) devaient en effet à l’origine servir de trame musicale à l’exposition d’un artiste suisse qui s’appelle Nicolas Party. Il présente ses œuvres jusqu’au 16 octobre prochain au MBAM, le Musée des beaux-arts de Montréal. Le directeur de ce musée m’a demandé d’illustrer en chansons l’exposition qui est elle-même intitulée « L’heure Mauve ».

L’idée de départ était donc d’inciter le public à se rendre au musée pour écouter l’album ?

Les chansons avaient été pensées en effet pour interagir avec les tableaux et les mises en scène de Nicolas Party. C’est dans cet environnement seulement qu’elles devaient être entendues. Il a bien été question de presser un vinyle, mais pas d’en faire un disque que l’on peut acheter et écouter chez soi. Je trouvais l’idée originale à une époque où les musiques du monde entier sont facilement accessibles sur un téléphone. C’était une sorte de pied de nez à toutes ces évolutions technologiques.

Vous avez adopté la même démarche que Nicolas Party en élaborant cet album.

Nicolas Party a créé un dialogue entre des œuvres du MBAM et ses créations. Ma démarche a été similaire. Pour chacune des salles du musée, j’ai choisi une reprise de chanson faisant partie des grands classiques et j’ai à chaque fois écrit une chanson inédite en réponse à ce « standard ». Sur l’album, on peut donc écouter ce standard (québécois ou international) suivi de la chanson inédite à laquelle il a donné naissance. Cela étant dit, avec la pandémie, il a été trop compliqué de produire un tel projet nécessitant pour le public de se rendre au musée. Il a fallu réviser nos ambitions : malheureusement, ou plutôt heureusement (rires) l’album L’heure Mauve est maintenant disponible partout sur les plateformes de téléchargement.

Comment avez-vous sélectionné les chansons et les interprètes de ces grands standards ?

Je suis allé chercher un répertoire qui n’a pas été interprété depuis très longtemps, voire jamais interprété. J’ai voulu le ramener dans un univers plus moderne, mais en respectant les versions originales. Les arrangements misent sur les violons et les guitares classiques avec ici et là une touche de cuivres. J’ai notamment choisi des morceaux signés Aznavour, Kurt Weill, Félix Leclerc, Edith Piaf, Gilles Vigneault, Léo Ferré ou encore Claude Léveillée. Par exemple, en écho à L’hymne au printemps, de Félix Leclerc, je propose son Hymne à l’automne, un hommage musical au regretté auteur compositeur québécois Michel Robidoux (il a écrit pour Robert Charlebois, Renée Claude, etc…). J’ai surtout privilégié des airs qui ont passé l’épreuve du temps, qui sont indémodables. La plus récente a 50 ans, il s’agit de Non, je n’ai rien oublié d’Aznavour.

Tous ces anciens à qui vous rendez hommage ont un peu le même univers que le vôtre. Vous y ajoutez une touche pop, mais vous faites partie de la même famille…

Je suis un petit enfant de Barbara, de Charlebois, de Vigneault, de Leclerc et de tant d’autres. Je ne me compare pas du tout à eux parce que nous sommes aujourd’hui à une autre époque. Je n’ai d’ailleurs pas leurs capacités, ni l’aura qu’ils ont eue. Peut-être qu’un jour, j’arriverai à quelque chose de comparable, mais je dois pour cela continuer à travailler, à beaucoup travailler. En réalité, je me suis toujours fait un devoir de les interpréter, de les ramener constamment sur le devant de la scène. J’estime que leur travail est extrêmement important dans l’histoire de la chanson et dans l’histoire aussi de la culture francophone, de la culture mondiale. Ils ont réussi à écrire des œuvres qui vieillissent bien. Cet hommage, c’est une façon aussi de leur dire merci parce que sans ces monuments de la chanson, je ne serai pas l’artiste que je suis aujourd’hui.

Sur scène, comme ce fut le cas notamment aux Francofolies de la Rochelle en juillet dernier, on passe de séquences très sombres à d’autres très drôles, notamment quand vous parlez entre les chansons ?

Mon univers est plutôt introspectif et cela s’entend clairement à travers mes chansons. Sur scène, j’aime en effet passer d’une séquence triste à une autre beaucoup plus légère. C’est un peu la même chose lorsqu’on écrit des paroles tristes sur une musique gaie et entraînante. L’intérêt se trouve dans le contraste. Un texte triste sur une mélodie triste s’avère souvent être un pléonasme. Par contre, raconter quelque chose de sombre en essayant de faire rire, cela donne du relief au travail et cela garde le spectateur ou l’auditeur attentif. Je m’aperçois heureusement que je suis assez efficace pour arriver à capter l’attention du public. Cela est peut-être dû en partie aux cours de théâtre que j’ai pris au tout début de ma carrière et qui m’ont finalement mené tout droit vers la chanson.

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Pierre Lapointe L’heure mauve (Bonsound) 2022


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