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Douzi, le raï à la conquête du monde

Célèbre dès ses huit ans dans son Maroc natal, Douzi n’a jamais cessé d’adapter son raï en fonction des styles musicaux à la mode et de ses rencontres à travers le monde. Après 28 ans de carrière, il souhaite poursuivre ses expérimentations, accompagné de son frère, ami, compositeur et manager.

En cette fin d’octobre, le froid s’installe à Montréal. Le rendez-vous a changé : plutôt qu’en extérieur, l’entrevue aura lieu dans un café chauffé, au cœur du centre-ville. Douzi est de passage à Montréal pour un show privé. Le chanteur de raï dépose sa légère veste en cuir et son bonnet en frissonnant, un grand sourire sur son visage, la barbe taillée au micron près.

Son frère et manager Kader s’assit à ses côtés, discret : il ne répondra à aucune question, préférant laisser parler celui qu’il accompagne depuis des années. Abdelhafid Douzi se tourne naturellement vers le micro, hausse le ton, et fait un test son. « Ça fait 28 ans que je fais ça, je commence à connaître », s’esclaffe le chanteur.

Business familial

Vingt-huit années de carrière à 37 ans. Douzi a été un enfant star au Maroc, écumant les plateaux TV dès ses cinq ans. Pourtant, jusqu’à Kader, la musique ne faisait pas vraiment partie de la vie de famille. Son père était maçon, sa mère femme au foyer, gérant ses sept enfants. « Il n’y avait que mon frère qui faisait de la musique. C’était la star de la famille. Et un jour, il s’est dit : « On peut faire quelque chose de Douzi ». Il a misé sur moi, a arrêté sa carrière de chanteur et puis voilà, on a commencé à travailler ensemble », explique Douzi, reconnaissant.

Par manque de moyens, le petit frère ne peut pas s’inscrire au conservatoire et n’apprend pas à jouer d’un instrument. Kader lui donne des cours de chant, écrit ses textes, trouve des compositions et fait jouer son petit réseau.

D’où les premiers thèmes de ses musiques, très sages, contrairement aux autres chanteurs de raï plus âgés. La première chanson qui le fait connaître est écrite par son frère et s’intitule La lilharb, (« Non à la guerre »), en pleine guerre du Golfe. Puis, dans son premier album, des chansons « pour les mamans », qu’il sort à huit ans. Une façon de rassurer la sienne : elle n’était clairement pas très enthousiaste à l’idée que son fils se lance, se souvient Douzi. « Elle voulait que je sois médecin. Pour elle, le chant, c’était un endroit de drogue et de l’alcool, où il y a du shit, tout ce qui est mauvais. Moi, j’étais petit, je lui disais : « Môman, fais-moi confiance, je ne ferai jamais ça ! » Et j’ai 37 ans, je n’ai jamais fumé de ma vie, jamais bu d’alcool, je ne me suis jamais drogué ! ».

Une longévité sous la marque de l’innovation

Le raï s’est imposé à lui naturellement. À l’époque, le genre explose au Maroc, comme en Algérie ou en France, avec des chanteurs comme Khaled, ou encore le regretté Cheb Hasni. Douzi est né et a grandi à l’Est, à Oujda, à onze kilomètres de la frontière algérienne. Mais pas question de prendre position sur les origines du raï, il botte en touche : « Le raï, ça reste un style en commun entre l’Algérie et le Maroc. Il est né à l’époque où il n’y avait pas la frontière. Et puis quand elle a été tracée après l’indépendance, on a commencé à se battre sur l’origine du raï. Certains disent qu’il est marocain, d’autre qu’il est algérien, pour moi, il est des deux côtés ».

Loin de se cantonner au raï classique, Douzi passe son temps à évoluer, à modifier les chants : « J’avais toujours en tête que toute matière qui n’évolue pas meurt et revient au néant. La population évolue, l’oreille musicale évolue, la jeunesse évolue. » Chacune de ses chansons navigue donc adroitement d’une culture à une autre. Un chant résolument raï, et des sonorités venues de tous les coins de la terre. Si Douzi parle arabe, français et anglais, il sait aussi chanter en hindi. « Les premières chansons que je chantais quand j’étais gamin, c’était du reggae ! Alpha Blondy, Bob Marley… puis j’ai commencé à chanter un peu d’indien, un peu d’anglais, de français », se rappelle-t-il. Le chanteur multiplie les collaborations avec des artistes étrangers, turcs comme américains.

Sa longévité tient à sa capacité à s’adapter au niveau musical, mais aussi au marketing. Depuis quelques années, il ne fait plus d’albums. « Il vaut mieux travailler et se concentrer sur un seul single, où tu mets toute ton énergie, tu tournes le clip. Il n’y a pas besoin de faire 14 titres pour qu’à la fin un seul titre réussisse : tu économises le temps, l’énergie et aussi l’argent », conseille Douzi. Les chiffres lui donnent raison : ses titres atteignent des scores démesurés sur YouTube et les plateformes de streaming.   

Aujourd’hui, fidèle à ses habitudes, Douzi commence à regarder du côté de la musique latino, pour accomplir son dernier objectif. « Je rêve d’avoir un morceau qui cartonne un peu partout et en ce moment, le reggaeton marche bien : plein de chanteurs américains qui chantaient en anglais, chantent en espagnol, comme le font Ricky Martin, Enrique Iglesias, Shakira… » Une attirance qui sonne comme un énième mélange des genres à venir pour le chanteur, en attendant, qu’un jour, la langue arabe soit aussi reconnue à travers le monde musical que l’espagnol ou l’anglais.

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