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Lynda Lemay et son « projet plus grand que nature »

Lynda Lemay, 2023. © Sébastien Saint Jean

Le 11/11/2020, la chanteuse québécoise Lynda Lemay s’est lancée dans un Il était onze fois. Un projet titanesque, qui consiste à réaliser 11 albums en 1111 jours. De passage à Paris, nous l’avons rencontrée pour parler de ce projet atypique à l’occasion de la sortie du 6e disque, Il n’y a qu’un pas.

RFI Musique : On vous entendait peu depuis votre soixantième concert à l’Olympia en 2016. Qu’avez-vous fait pendant ce temps ?

Lynda Lemay : Cela a été une période sombre dans ma vie, il y avait beaucoup de choses à régler dans ma tête, ma famille et mon intimité. Ce temps d’arrêt était nécessaire pour me retrouver et faire un genre de « reset« . Mais je n’ai pas perdu mon temps, je ne peux pas m’empêcher de créer et ça a donné ce projet plus grand que nature : Il était onze fois.

Comment ce projet est-il né et pourquoi cette récurrence du chiffre 11 ?

En 2017, j’ai perdu mon « plus fort de papa ». Si vous connaissez ma chanson Le plus fort, c’est mon père, vous comprenez combien c’est difficile pour moi de passer cette épreuve !  Sa mort m’a rendue consciente que la vie peut basculer du jour au lendemain et que je ne serai peut-être pas capable de chanter comme ça toute ma vie… J’avais envie de me sentir libre, d’avoir de l’espace, je me sentais très inspirée. J’arrive à 56 ans et je suis très bavarde. C’est très stimulant ! J’étais dans un petit café près de l’école de la plus jeune de mes filles, mon papa était décédé pas longtemps avant, je lui avais promis de faire quelque chose de très gros… Le jour où j’ai eu cette idée le téléphone a sonné à 11h11 et c’était écrit « fais un rêve » alors je l’ai pris comme une vision et je n’ai eu aucun doute.

Il n’y a qu’un pas aborde souvent la violence, Entre la flamme et la suie, le suivant parlera beaucoup d’amour. Avancez-vous thématiquement sur ces albums ?

J’ai commencé à bâtir ce projet à peu près 1111 jours avant de sortir le premier des 11 albums et là, j’ai 1111 jours pour sortir les 11 albums. Au départ, c’était sur 11 thématiques, je voulais faire un album par thème, mais j’ai changé pour que ça ne soit pas lassant. Sur celui-ci, j’aborde des thématiques dures comme le deuil et la fin de vie, mais aussi l’humour avec par exemple, Tête de bouchon, qui est complètement déplacée mais si drôle (elle y chante une automobiliste qui menace d’écraser un cycliste, ndlr.) Il faut aussi de la légèreté.

Et une récurrence, Mon Drame, qui aborde la question du genre. Pourquoi la reprendre sur chacun des onze disques, dans une nouvelle version, avec un homme différent ?

Ça m’arrive souvent de faire plusieurs musiques sur un même texte pour parvenir à choisir la musique la plus efficace. Je trouvais intéressant de le faire découvrir à mon public. Quant à mêler ma voix à des voix masculines, cela correspond bien au combat intérieur du personnage de la chanson. La transidentité a tellement été passée sous silence que même si j’en parle onze fois dans mon projet, ça ne sera jamais trop !

Le premier à l’avoir chantée en France, c’est Charles Aznavour avec Comme ils disent. Vous lui dédiez L’Éternel embouteillage. Comment est née cette chanson mélancolique ?

Je l’ai écrite dans un débordement d’émotions. La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était après un de ses spectacles au Québec et il voulait que je lui dise ce que j’avais pensé d’une de ses dernières chansons qu’il n’avait pas jouée sur scène auparavant. Il était comme un petit gars de 16 ans qui disait « Hé qu’est-ce que t’as pensé ?« . Et d’un coup, je crois qu’il s’est rendu compte que ses repères, ses premiers amis du Québec, à qui il aurait posé cette question, il n’y en avait plus aucun vivant. J’ai vu ses larmes monter… Il est parti dans sa voiture et ça a été la dernière fois que je l’ai vu… Par ailleurs, depuis le début de ma carrière, je me projette dans la vieillesse, dans ce temps que j’espère connaître, la vieillesse, c’est un privilège.

Il y a beaucoup de collaborations sur ce nouvel album. Sanseverino mais aussi des actrices comme Ingrid Falaise, un humoriste, Jean-François Mercier, ou encore la journaliste féministe, Janette Bertrand. Pourquoi ce type d’invités ?

J’avais envie de m’ouvrir aux autres pour ce projet. Il m’offre beaucoup d’espace et de liberté et j’ai été surprise qu’on me dise oui. Sanseverino met un peu de sa folie et il y a des gens que j’admire énormément comme Janette Bertrand. C’est une femme exceptionnelle. Elle a accepté de me proposer deux textes, c’est un immense cadeau. Michel Jean lit un extrait de son best-seller Kukum et trois grandes chanteuses de chez nous m’accompagnent sur Le Bijou qui parle de l’excision. Qu’elles s’expriment sur ce sujet est très important.

Ces 11 albums, vous allez les chanter en 1111 dates ?

La tournée La vie est un conte de fous a débuté en 2021 et j’ai bien l’intention de la faire durer jusqu’au 1111e jour du projet en fin 2023. On le célébrera à l’Olympia en décembre 2023, avec ma 63e représentation dans cette salle, c’est complètement fou !

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