Economie

« Nous ne sommes plus loin de gagner le monde du commerce physique »

Près de trois ans après avoir quitté le giron de eBay, son ancienne maison mère, PayPal affiche une capitalisation en hausse de 120 % à 90,5 milliards de dollars, qui se rapproche de celle de Goldman Sachs (95 milliards de dollars). Avec près de 7,6 milliards de transactions traitées dans le monde en 2017, soit une progression de 24 % en un an, le géant du paiement numérique qui compte 8,5 millions de clients actifs en France, surfe sur la numérisation de l’économie et les nouveaux modes de consommation en passe de brouiller la frontière entre univers du e-commerce et boutiques. Longtemps tenu à l’écart des transactions en magasin, qui représentent encore près de 90 % des paiements, Dan Schulman, le PDG de PayPal, compte bien profiter de cette convergence pour devenir incontournable dans le quotidien des consommateurs de la planète.

Comment définiriez-vous la transformation de PayPal depuis sa séparation de E-Bay ?

Ce n’est plus du tout la même entreprise ! De simple bouton de paiement sur les sites d’e-commerce, PayPal est devenu dans l’univers du commerce digital l’équivalent d’un système d’exploitation pour le mobile. Nous avons en effet considérablement renforcé notre palette de services afin que les commerçants puissent, en se connectant à notre plate-forme, vendre en toute sécurité leurs produits quels que soient les moyens de paiement utilisés par les consommateurs mais aussi intégrer leurs propres systèmes de gratification. Cette proposition de valeur renforcée nous a fait gagner 70 millions de clients en trois ans et accru de 20 % le taux d’utilisation moyen de PayPal. Du côté des consommateurs, nous avons aussi complètement transformé notre modèle en multipliant  les partenariats avec les banques et acteurs du système financier afin de démocratiser l’accès aux services financiers traditionnels. Il n’est pas normal que près de 2 milliards de personnes dans le monde en soient exclues alors que les nouvelles technologies permettent d’abaisser drastiquement les coûts liés à la gestion et l’utilisation de son argent.  Démocratiser les services financiers , c’est la mission que s’est donnée PayPal.

C’est surtout un levier de pouvoir d’achat de nature à alimenter les ventes de vos clients commerçants…

Il n’y a pas de dichotomie philosophique entre vouloir améliorer le monde dans lequel on vit et retourner de la valeur à ses actionnaires. Les grandes marques doivent donner un sens à leur action pour se différencier auprès de leurs clients et des talents qu’elles ont besoin de recruter pour se développer. S’attaquer à l’exclusion bancaire nous donne un avantage compétitif.

D’autant qu’il ne s’agit pas juste des populations les plus déshéritées : aux Etats-Unis, 40 % de la population n’a pas d’épargne et plus de 50 % a moins de 400 dollars de côté alors même que les Américains dépensent 140 milliards de dollars chaque année en commissions et taux d’intérêt. Baisser ce coût de seulement 10 % représenterait un gain de pouvoir d’achat de 14 milliards ! Nous y travaillons : la gratuité de notre service de transfert d’argent de personne à personne en est une illustration et nous allons lancer dans les prochains mois d’autres services liés à l’utilisation de son argent au quotidien.

Vous avez déjà mobilisé près d’un milliard de dollars pour faire des acquisitions au cours des trois dernières années : quels actifs pourraient encore vous manquer ?

Nous avons en parallèle massivement investi dans notre plateforme pour en renforcer l’agilité : nous déployons désormais 20.000 applications logicielles par trimestre contre 20 par an il y a cinq ans ! Cette capacité démultipliée d’innover en interne réduit notre besoin d’acheter des expertises. Notre modèle de plateforme ouverte auxquels d’autres acteurs peuvent se connecter nous permet en outre de capitaliser sur les compétences de partenaires que nous pouvons mettre à disposition de nos propres utilisateurs. Nous allons par exemple bientôt proposer aux banques, aux Etats-Unis dans un premier temps, de loger les points de fidélité et promotions de leurs clients dans le portefeuille PayPal pour que ces derniers puissent les monétiser auprès de nos 18 millions de commerçants. Cela étant, nous aurons dans notre bilan à la fin de l’année près de 15 milliards de dollars mobilisables pour d’éventuelles acquisitions, si elles nous permettent d’accélérer notre stratégie. Nous restons un consolidateur naturel de fintech et nous pourrions nous renforcer en Europe et en Asie-Pacifique.

PayPal reste essentiellement un géant du e-commerce : le monde des boutiques lui résiste encore…

Nous ne sommes plus très loin de gagner le monde du commerce physique. Le développement de partenariats avec les banques et les grands réseaux de paiement nous a permis de passer un cap essentiel car nous bénéficions désormais de leur système de tokenisation utilisé dans le paiement mobile pour sécuriser les transactions. PayPal peut ainsi être utilisé dans un smartphone Android pour payer en sans contact. ce sera bientôt le cas dans SamsungPay. Nous allons aussi déployer d’ici la fin de l’année notre propre application de paiement mobile. Dans la même logique, nous comptons étendre dans les prochains mois le paiement de personne à personne aux transactions en magasin grâce à l’émission d’un QR Code. Comme en Chine, les plus petits commerçants pourront ainsi grâce à cette technologie accepter PayPal sans avoir à investir dans de nouveaux matériels coûteux.

Le scandal Cambridge Analytica qui secoue Facebook nourrit la défiance des consommateurs à l’égard de l’utilisation de leurs données. Est-ce un sujet de préoccupation pour vous ?

Contrairement aux réseaux sociaux, nous n’utilisons pas les données de nos clients pour vendre des services. Nous les utilisons exclusivement pour lutter contre la fraude ou pour respecter nos obligations réglementaires afin de renforcer un modèle fondé sur la confiance et la sécurité.


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