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Alexandre Saubot : « Le Medef mourra s’il ne se transforme pas »

J’ai décidé de me présenter à la présidence du Medef parce que je suis convaincu que nous vivons un moment crucial, à la fois pour notre pays qui a un besoin profond de transformation, et pour notre organisation elle-même. Nous avons un gouvernement pro-business mais qui questionne aussi largement le rôle des partenaires sociaux. Certains disent que le Medef est déjà mort, et je ne suis pas loin de le penser. En tout cas, il mourra certainement s’il ne se transforme pas. Le Medef doit reprendre la main. Fini le Medef qui subit et cautionne. Je veux bâtir un Medef qui agit et qui s’engage.

Redonner de la compétitivité aux entreprises et reprendre la main sur l’agenda social et réglementaire. Sur le volet compétitivité, nous devons choisir nos combats pour obtenir des résultats. J’en aurai deux. Le premier : la baisse des impôts de production tels que la CVAE, la CFE, le versement transport… Nous avons quatre à huit fois plus d’impôts de production en volume que nos voisins européens.

Le second : la baisse du coût du travail, à travers une baisse des cotisations sur tous les salaires. Nous souffrons encore d’un décalage important qui pénalise les entreprises françaises. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a installé un groupe de travail sur ces sujets, mais c’est tout. Nous n’avons aucune assurance pour le moment.

Le dialogue social tel qu’on l’a connu a vécu. Signer de grands accords interprofessionnels qui entraînent de nouvelles contraintes pour les entreprises, comme le temps partiel minimum ou la complémentaire santé pour tous les salariés, ce n’est plus possible. Sur les sujets qui concernent le quotidien des entreprises, c’est la négociation sur le terrain, par branche ou par entreprise, qui doit primer. Le Medef doit refuser les négociations encadrées où l’aboutissement des discussions est déjà décidé en amont par le gouvernement.

Reprendre la main sur l’agenda social, c’est aussi en finir avec le Medef présent dans des dizaines d’organismes paritaires et c’est ne rester que là où nous avons du pouvoir. L’assurance-chômage si le gouvernement nous laisse les rênes, les retraites complémentaires aussi, la branche des accidents du travail et maladies professionnelles. En revanche, sur l’assurance-maladie, les caisses d’allocations familiales ou l’assurance-vieillesse, nos milliers de mandataires, faute de se voir confier de véritables responsabilités, sont réduits au rôle de commentateurs. Cela n’a pas de sens de continuer à y siéger.

Les Français ont une bonne image de leur propre entreprise, mais pas de l’entreprise en général. C’est pour cela que je souhaite réconcilier la France et l’entreprise en bâtissant un Medef qui s’engage sur les sujets que nous maîtrisons comme  l’apprentissage – je propose d’ailleurs d’augmenter de 50 % le nombre d’apprentis d’ici à cinq ans.

Nous devons montrer qu’on n’a pas besoin de contraintes nouvelles pour agir. C’est comme cela que nous reprendrons la main sur l’agenda réglementaire. Proposer et réclamer, ce n’est pas suffisant, il faut agir par nous-mêmes. Avec un Medef grognon, les chances d’aboutir sont proches de zéro. Je propose, par ailleurs, de revoir la durée du mandat du président du Medef à trois ans, renouvelable une fois, afin de redonner du poids aux chefs d’entreprise qui auront désormais la possibilité de valider ou invalider son action.

La SNCF ne peut pas durablement vivre au XXIe siècle avec des règles sociales imaginées juste après 1945. La concurrence, la polyvalence, la souplesse de fonctionnement : les enjeux de l’entreprise exigent qu’elle se réforme. Le gouvernement doit aller jusqu’au bout. Les entreprises jugent insupportables les blocages qui pénalisent l’économie et elles condamnent la défense des seuls intérêts catégoriels.

Quand quelques dizaines de personnes empêchent des milliers d’étudiants de passer leurs examens, ce n’est pas acceptable. Cela va au-delà de la seule liberté d’expression. Nous insistons suffisamment sur l’importance de la formation pour pouvoir le dire.

Si le gouvernement est convaincu que le service rendu sera meilleur et à meilleur coût avec une entreprise privée plutôt que publique, il a raison d’aller dans cette voie. Dans le cas d’ADP, il faudra cependant voir si l’opération est financièrement rentable pour l’Etat, qui encaisse actuellement de confortables dividendes.

Je juge inutile toute nouvelle obligation, la question ne se pose pas ainsi. Les entreprises se préoccupent déjà de ces sujets, ce n’est pas à la loi, qui nous impose déjà beaucoup de choses, de rajouter des contraintes. Mon entreprise, Haulotte, a une raison d’être : « assurer une meilleure sécurité à tous ceux qui travaillent en hauteur ». Ai-je besoin du Code civil pour me l’imposer ? Non.

Ne passons pas trop de temps à critiquer notre système économique : il est largement préférable à ceux choisis par Cuba ou le Venezuela ! Pour le reste, bien sûr des régulations sont nécessaires et les entreprises doivent essayer d’inscrire leur action dans le temps long et s’éloigner de la dictature des comptes trimestriels.

C’est effectivement un problème majeur dont tous les chefs d’entreprise me parlent. C’est l’enjeu de  la réforme du système de formation professionnelle qui est absolument essentielle. Il serait impensable que la reprise économique bute sur l’incapacité à recruter avec un taux de chômage de 9 %.

Cela va dans le bon sens et on ne peut que s’en réjouir. En tant que président du Medef, je saluerai d’ailleurs tous les progrès accomplis en matière de réduction des charges sociales.

Je crois que mon parcours de patron d’une entreprise de taille intermédiaire, qui a été durement frappée par la crise mais que nous avons su relever, et qui réussit aujourd’hui avec 1.700 salariés, un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros et 8 % de résultat d’exploitation, ainsi que mon bilan à la tête de l’UIMM, où j’ai remporté le combat de la pénibilité, me donnent une crédibilité forte et témoignent de ma détermination.


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