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Retraites : les injustices auxquelles le gouvernement veut s’attaquer

C’est un bon résumé des travers du système de retraite français. Le Haut Commissariat à la réforme des retraites  vient de transmettre aux partenaires sociaux un document qui met en lumière les principales injustices nées de la juxtaposition de 42 régimes différents.

Lever le frein aux mobilités professionnelles

Le système n’est pas adapté à la mobilité professionnelle, critique le Haut Commissariat. Chaque assuré cotise en moyenne à 3,1 régimes différents durant sa carrière, en comptant la retraite de base, complémentaire et additionnelle et un tiers des Français cotise à au moins 4 régimes. Les règles de calcul des droits étant différentes entre régimes, certains y perdent.

Ainsi, à salaire et durée de carrière égale, mieux vaut effectuer la première moitié de sa carrière dans le privé et la deuxième dans la fonction publique que le contraire. Quelqu’un qui débute au smic et termine à 1,5 smic touchera 1.151 euros de pension dans le premier cas, et 1.074 dans le deuxième cas. Car dans la fonction publique, on calcule les droits en fonction du salaire des six derniers mois, et non des vingt-cinq meilleures années.

Autre injustice flagrante : un assuré qui cotise en une année 4.000 euros à la Cipav (professions libérales) et 2.000 euros au régime général (salariés) ne valide que trois trimestres, contre quatre trimestres si toutes ces cotisations avaient atterri au régime général.

Rendre la solidarité plus lisible et moins inégale

Comme l’a souligné le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans ses travaux récents, le système est très redistributif, puisque les écarts de revenus entre actifs sont plus faibles qu’entre pensionnés. Mais la tuyauterie pour parvenir à ce résultat est incroyablement compliquée. Et parfois, les dispositifs solidaires ne sont pas de taille face aux effets anti-redistributifs du coeur du système. Ainsi, les femmes, les chômeurs, les petits salaires souffrent plus que les autres des réformes qui ont allongé la durée d’assurance à bientôt 43 ans et étiré la période de référence pour le calcul des droits à 25 ans.

De plus, les assurés ne bénéficient pas tous autant de la solidarité, accuse le Haut Commissariat. Une salariée du privé qui a deux enfants aura droit à quatre ans de majoration de durée d’assurance et pourra partir plus tôt à la retraite. Si elle avait été fonctionnaire, elle n’aurait eu qu’un an de majoration, et aurait pu partir au même moment, mais avec une décote de 15 % sur sa pension. Les mêmes injustices se retrouvent en matière de réversion, encore plus flagrantes pour les concubins par rapport aux mariés.

La méfiance des partenaires sociaux

Le courrier du Haut Commissariat a été accueilli fraîchement par certains syndicats. « Le constat de ce qui ne marche pas est objectif. Mais on dirait que le gouvernement découvre le sujet ! », raille Philippe Pihet, qui va négocier la réforme au nom du syndicat FO.

« Ce n’est pas le système actuel qui est en cause, mais les réformes des retraites, qui ont changé les paramètres de calcul et creusé les injustices ! », dénonce Mijo Isabey, à la CGT, en citant la règle des 25 meilleures années ou l’allongement de la durée de cotisation. Le but affiché est certes d’avoir un système plus juste, mais « un régime en annuités peut être plus redistributif et solidaire qu’un régime par points », estime-t-elle.

Dans le document communiqué aux partenaires sociaux, le Haut Commissariat ébauche les grandes questions à débattre dans les mois à venir dans le cadre de la réforme des retraites.

Que devient la notion de « carrière », sans calcul d’annuités ? Elle se définit par une durée d’assurance et un salaire de référence. A l’avenir, on se moquera de la carrière, puisque tous les salaires serviront pour établir la pension, et non les 25 meilleures années. Mais on peut en avoir besoin pour, par exemple, attribuer ou non des minima de pension.

Autre question, quel effort contributif faut-il exiger de chacun ? Les indépendants les moins bien rémunérés ont des taux de cotisation particulièrement élevés, pour ne pas se retrouver avec une retraite de 800 euros par mois. La courbe des cotisations est dégressive en fonction des revenus, contrairement à celle des salariés du privé, qui s’éloigne peu de 28 % quel que soit le revenu. Les fonctionnaires bénéficient quant à eux d’une cotisation patronale d’équilibre de l’Etat de 74 %.

Comment réintégrer la solidarité dans un système où chaque euro cotisé donne les mêmes droits à chacun ? Ces dispositifs pèsent environ 20 % des pensions versées. Conserver ce poids suppose de les unifier, mais aussi de les transcrire dans le nouveau système, ce qui peut aller jusqu’à redéfinir leurs objectifs. Le Haut commissariat insiste sur la nécessité de clarifier leur périmètre et leur financement. Aujourd’hui, tout le monde paie pour la solidarité, avec des dispositifs liés aux cotisations, et d’autres à l’impôt.

Faut-il conserver le même niveau de répartition, ou bien introduire une dose de capitalisation dans le système ? Le Haut Commissariat ne pose pas la question aussi clairement, mais montre dans une comparaison internationale que la France fait figure d’exception, avec des retraites complémentaires qui sont elles aussi en répartition.


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