Economieintelligence artificielle

Vinton Cerf : « L’IA est le cheval-vapeur de notre époque »

L’un des vice-présidents de Google, Vinton Cerf, était cette semaine à Lyon pour la « Web Conference 2018 ». Considéré comme l’un des pères fondateurs de l’internet pour avoir conçu avec Bob Khan le protocole TCP/IP, il a répondu aux questions des Echos.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle (IA) peut nous apporter selon vous ?

Je vois  l’IA comme un outil pour augmenter nos capacités humaines ou celles de l’ordinateur. Beaucoup de gens craignent que les robots prennent tous les emplois et il y aura très certainement des postes qui disparaîtront – je ne pense pas que quiconque soit en désaccord sur ce point. Mais d’un autre côté, de nouveaux emplois seront créés.

Dans la conférence que nous venons de terminer ici à Lyon, il y avait une réflexion intéressante : est-ce que les « skills » ou « actions » [petits programmes pour  enceintes connectées , NDLR] pour  Alexa ou pour  l’assistant de Google pourraient devenir des produits qu’un tiers serait capable de créer afin de rendre la vie plus facile à tout le monde ? Serait-il possible d’en faire un business et pourriez-vous créer une licence pour ces « skills » ?

Vous avez donc une vision plutôt positive de l’IA ? 

Je suis en effet plus positif que négatif à propos de l’IA. Il est clair qu’elle nous aide à analyser de larges quantités d’informations. Dans le champ médical par exemple, l’IA nous aide à diagnostiquer un cancer. On peut aussi l’utiliser pour analyser des séquences génétiques pour rechercher des combinaisons de gènes qui seraient dangereuses.

Et si on pense aux chevaux-vapeur, quand ils furent employés pour la première fois, ça voulait dire qu’on pouvait mettre la force des muscles dans la quantité dont nous avions besoin, où nous en avions besoin. Avec l’IA, on peut mettre de la puissance de pensée dans la quantité dont on a besoin, où nous en avons besoin.

Mais il y a des inquiétudes sur l’utilisation des données, notamment avec les enceintes connectées.

La première chose qui peut inquiéter est bien celle du respect de la vie privée, et cela n’a rien à voir avec l’IA, c’est plus une question de ce qui se passe quand vous dites quelque chose. Chez Google, nous ne capturons rien à moins que vous ne disiez « OK Google », et c’est pareil avec Alexa [assistant vocal de l’enceinte connectée Echo, NDLR]. Votre phrase va alors dans le cloud et est analysée afin de répondre à votre requête, mais nous ne retenons pas nécessairement ce qui a été dit. 

Il est clair toutefois que Google ou Amazon et les autres sont en train d’essayer de trouver comment retenir suffisamment de choses pour créer un dialogue plutôt qu’un échange en sens unique avec la machine.

Dans ce cas, il y aura de la mémoire en jeu, mais ça sera peut-être de la mémoire à très court terme, pour un échange. Ou bien ce sera quelque chose que vous demandez délibérément à la machine de se souvenir : « Rappelle-moi de faire ceci et cela à telle heure » ; « Programme un réveil dans 45 minutes », etc. Donc les gens seront soucieux de la confiance qu’ils peuvent accorder aux entreprises qui proposent ces services et de savoir qu’elles ne retiennent pas les informations plus longtemps que nécessaire.

Que pensez-vous du Règlement sur la protection des données (RGPD) qui entrera en vigueur en Europe le 25 mai ?

Je me pose une question à ce sujet : comment concilier le fait que  le RGPD soit appliqué uniquement à l’intérieur de l’Union européenne alors que d’autres pays sont en train d’adopter des lois similaires. La grande préoccupation des entreprises comme Google est que nous en arrivions à plusieurs centaines d’ensembles de lois différentes selon les pays, et que cela devienne difficile à implémenter.

Donc j’espère que le RGPD pourra stimuler une discussion plus large à l’international pour une réglementation des données qui soit plus partagée. Que ce soit une copie du RGPD ou une variation, la question reste ouverte.


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