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Air France-KLM : AccorHotels convoite la participation de l’Etat

Et si Air France-KLM volait de ses propres ailes ? Officiellement, le sujet n’est pas d’actualité. L’Etat-actionnaire et les autres membres du conseil de la compagnie affirment n’avoir qu’une chose en tête : trouver un nouveau PDG pour reprendre les commandes du groupe franco néerlandais après le départ précipité de Jean-Marc Janaillac.

Une « chasse » a d’ailleurs été lancée au lendemain de l’assemblée générale du 15 mai pour trouver l’oiseau rare avec pour objectif de sortir dès que possible de la crise de gouvernance déclenchée par  le référendum salarial perdu à la surprise générale par l’ancien PDG début mai .

Un coup de tonnerre

Mais en coulisse, un scénario beaucoup plus ambitieux est à l’étude. Afin de régler le « cas Air France » une fois pour toutes, l’Etat envisagerait de se défaire de tout ou partie de ses 14,3 % au capital du groupe franco néerlandais. Selon nos informations, il en étudierait en tout cas sérieusement la possibilité, depuis que les dirigeants d’AccorHotels ont manifesté leur intérêt pour sa participation.

Ce processus alternatif ne fait que débuter, et côté Etat-actionnaire, on ne se serait pas encore fait une religion sur le sujet. Certains refusent en effet de s’engager dans cette voie sans l’accord du conseil d’Air France-KLM. Mais des discussions ont bel et bien été entamées pour définir la forme que pourrait prendre une opération. Dimanche soir, AccorHotels a d’ailleurs confirmé l’existence de « réflexions » sur une éventuelle «prise de participation minoritaire », tout en soulignant qu’il n’y avait « aucune certitude » sur le fait que cela débouche sur un accord.

Il faut dire que le dossier est extrêmement sensible. Depuis la naissance d’Air France, la puissance publique a toujours été l’actionnaire dominant de la compagnie nationale. Rien n’est encore fait, mais si les négociations en cours devaient aboutir, ce serait donc un véritable coup de tonnerre. Pour Air France-KLM, bien sûr.

Privé du parapluie public sous lequel s’abrite un certain nombre de ses salariés pour résister à toute réforme d’envergure, l’entreprise n’aurait plus d’autre choix que de s’adapter pour de bon à un environnement devenu hyperconcurrentiel. A l’échelle du pays, ensuite.  Dans la foulée de la réforme ferroviaire , cela confirmerait la volonté du gouvernement de montrer que ce n’est plus au contribuable de financer éternellement les déficits d’entreprises certes emblématiques mais insuffisamment compétitives.

Créer un champion français du voyage

Selon nos informations, trois options seraient aujourd’hui sur la table. La première consisterait en un rachat par Accor de la totalité des titres détenus de l’Etat. Elle présente l’avantage de couper le cordon ombilical dont l’existence rend si ambigu le statut de la compagnie. Mais le coût politique de ce qui pourrait être interprété comme le lâchage d’un fleuron en difficulté serait sans doute élevé.

La deuxième option, celle d’une cession partielle, réglerait ce point. Mais à l’inverse, elle maintiendrait le lien entre l’Etat et l’entreprise… C’est pourquoi une troisième option tiendrait actuellement la corde. Il s’agit d’un « swap » dans lequel l’Etat recevrait des actions AccorHotels en échange de ses titres Air France-KLM. Aux cours actuels, il récupérerait un peu plus de 3 % du capital du groupe dirigé par Sébastien Bazin.

Sur le papier, cette troisième solution présente plusieurs avantages. Pour l’Etat-actionnaire, d’abord. Puisqu’il pourrait espérer retrouver une partie de sa mise, alors que  la capitalisation boursière du transporteur aérien a fondu de moitié depuis le début de l’année . Pour les deux parties, ensuite. Puisqu’en restant actionnaire du nouvel ensemble, l’Etat ferait coup double. Il garderait un droit de regard sur l’avenir d’Air France-KLM, tout en sécurisant le tour de table d’AccorHotels, un champion français. De quoi revêtir l’opération des habits du patriotisme économique.

Quant au management d’Accor, il y trouverait un soutien actionnarial bienvenu, alors que le capital du groupe est loin d’être verrouillé, et qu’il doit faire face aux ambitions de son premier actionnaire, le Chinois Jin Jiang, par ailleurs l’un de ses grands concurrents.

Un intérêt stratégique pour AccorHotels

Mais pour le groupe hôtelier, l’intérêt de ce rapprochement est aussi et peut-être surtout industriel.  Engagé dans une profonde transformation depuis quelques années à l’initiative de son PDG Sébastien Bazin, le champion français ne cesse d’élargir son offre aux voyageurs. Dans ce cadre, une alliance capitalistique avec le transporteur aérien permettrait de compléter le dispositif. D’autant que  les deux groupes se connaissent bien . Lors de l’introduction en Bourse d’Air France en 1999, l’idée d’une entrée au capital d’Accor avait déjà été évoquée. Depuis, les deux opérateurs ont pris l’habitude de développer des partenariats commerciaux.

Mais à l’heure de la révolution digitale, cette prise de participation permettrait d’aller beaucoup plus loin dans l’échange de données, la connaissance des clients et l’enrichissement de l’offre des deux partenaires. De quoi concurrencer les Booking et autres Expedia en proposant par exemple des offres avions plus hôtels. Et de prétendre au titre de champion européen du voyage.

Avant d’en arriver là, de nombreux obstacles restent toutefois à franchir : politique, juridique, financier ou encore de gouvernance. Il faudra aussi convaincre le management de la compagnie aérienne, ce qui serait loin d’être acquis, selon certains. Pendant ce temps  Air France-KLM est en pilotage automatique…


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