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Terrorisme : Lafarge mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité

L’annonce était attendue, mais la lourdeur des charges retenues a stupéfié : Lafarge SA a été mis en examen ce jeudi en tant que personne morale pour « complicité de crimes contre l’humanité » et « financement d’une entreprise terroriste en vue de commettre un crime ». Les juges d’instruction parisiens, Charlotte Bilger et Renaud Van Ruymbeke, ont également retenu les chefs de « violation d’un embargo » et de « mise en danger de la vie d’autrui ». Le cimentier français est soumis à un contrôle judiciaire qui comprend une caution de 30 millions d’euros. La filiale syrienne Lafarge Cement Syria a aussi été mise en examen.

C’est la première fois qu’une entreprise française est aussi sévèrement mise en cause. Mais  les faits et l’implication de Lafarge SA, s’ils s’avèrent exacts, sont hors norme .

Plus de 5 millions de dollars versés

La justice, qui enquête  depuis juin 2017, suspecte le cimentier d’avoir financé des groupes djihadistes en Syrie, dont l’organisation Etat islamique (EI), pour maintenir son activité durant la guerre entre 2013 et 2014.

Selon le rapport établi par les avocats de Baker & McKenzie lors d’un contrôle interne, plus de 5 millions de dollars auraient ainsi été versés à des factions locales dont celle d’Abou Bakr Al Baghdadi, à l’origine des attentats les plus meurtriers commis en France ces dernières années. Depuis, les magistrats instructeurs ont fait grimper la note : « De 2001 à 2015, le total serait de 15,3 millions de dollars soit l’équivalent de 12,9 millions d’euros » , a souligné en décembre 2017 Marie Dosé, l’avocate de l’association Sherpa, qui s’est portée partie civile dans ce dossier.

Huit ex-dirigeants mis en examen

Aussitôt connue la mise en examen de Lafarge SA, Lafarge-Holcim a annoncé son intention de déposer une requête en nullité : «  Lafarge SA reconnaît que le système de supervision de sa filiale syrienne ne lui a pas permis d’identifier les manquements survenus à la suite d’une violation sans précédent des règlements et des règles de conformité internes par quelques personnes qui ont quitté le groupe. Cependant, l’entreprise fera appel des infractions reprochées qui ne reflètent pas équitablement les responsabilités de Lafarge SA ».

Huit anciens dirigeants et cadres de Lafarge ont déjà été mis en examen dans cette affaire. Parmi eux : l’ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, l’ancien directeur général Eric Olsen et l’ancien directeur général adjoint Chistian Herrault. Ce dernier avait reconnu début 2017 que le groupe avait été victime d’une « économie de racket ». Plusieurs d’entre eux ont également déposé une requête en nullité de leur mise en examen.

Questions juridiques

La mise en examen de Lafarge SA pour des crimes aussi lourds soulève cependant quelques questions juridiques. Notamment la « complicité » de crime contre l’humanité exige qu’il y ait un auteur principal – une personne physique ou morale. Mais les magistrats ne précisent nulle part de qui il s’agit. L’EI – ou des personnes en son sein – semble implicitement désigné sans que l’organisation ait une reconnaissance juridique.


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