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Ce sont les Français qui n’écoutent pas Macron

Le président de la République est accusé, depuis son élection et à longueur de colonnes, de ne pas écouter les Français. La vérité est que c’est l’inverse qui est vrai. Les Français n’écoutent pas Emmanuel Macron. Ses discours sur la France et ses explications sur sa politique passent à dix coudées au-dessus des oreilles de ses concitoyens. Ils n’écoutent pas parce que ce n’est pas ce qu’ils veulent entendre.

Epoque individualiste

Le premier propos présidentiel porte sur la France. Dans notre époque individualiste, où l’égoïsme est une menace de désagrégation, l’unité vient du dessus, de la nation française, de sa trace historique, de « son destin », pense Emmanuel Macron. Il l’a dit à maintes occasions, le pays est plus qu’une addition d’intérêts, et, actuellement qu’« une somme de colères », il a une histoire, il a inventé les Lumières et son devoir est de les porter haut dans le siècle troublé qui s’annonce. La France a une grandeur. Le président l’incarne, d’où sa posture verticale, d’où son regard au miroir des grands hommes, d’où  son goût pour les commémorations des pages douloureuses ou belles des siècles passés.

Hisser le niveau

On peut discuter du « destin » français. On peut moquer la prétention de cette moyenne puissance à éclairer le monde de sa devise liberté, égalité, fraternité. A quoi répond Emmanuel Macron qu’il faut justement la hisser au niveau de l’Europe pour que cet humanisme retrouve de la portée. On peut trouver que le collectif historique ne suffit pas à « faire société » et qu’il manque dans l’idéologie présidentielle un collectif social et, aujourd’hui, écologique et sociétal. La réponse « par en dessus » a besoin d’un complément « par en dessous », d’une mobilisation civile pour que les Français, réconciliés de la sorte avec l’avenir c’est-à-dire avec « la politique », puissent adhérer. De tout cela, on peut longuement débattre.

Opposition sans solutions

Mais les oreilles sont hermétiques à tout ce discours sur le « destin » de la France. Celles de l’opposition dont le seul horizon est platement électoral et la critique de principe. La récupération du mouvement des « gilets jaunes » par LR, le PS et LFI enterre le combat politique dans la boue des tranchées poujadistes. Quel destin de la France nous proposent ces partis ? Silence de mort. On n’entend rien.

Ressenti négatif

Les oreilles bouchées sont celles des Français eux-mêmes. Le discours présidentiel est-il trop haut ? Il n’embraye pas. Les Français sont devenus si pessimistes, sur leur travail, sur leur mode de vie, sur le futur de leurs enfants, qu’ils n’ont plus d’ambition que de préserver ce qu’ils ont avec, désormais, acharnement, voire avec violence. La méfiance est devenue la seule devise nationale et les réformes sont vécues comme des soustractions, des atteintes saignantes à leur pouvoir d’achat. Que ledit pouvoir d’achat soit préservé en France contrairement à la grande majorité des autres pays occidentaux est une preuve du danger et retourné contre le gouvernement. Et puis qu’importent les chiffres ; dans l’ère de l’émotion, le « ressenti » est toujours négatif. De quoi nous parle-t-il avec son « humanisme » ? Il nous enfume pour nous prendre le peu qu’il nous reste.

Surdité économique

L’autre sujet de surdité est l’économie. Là encore, c’est depuis son élection qu’Emmanuel Macron se heurte au mur de l’incompréhension. Le président a rompu avec trente ans de politique en promettant non pas la baisse du chômage comme tous ses prédécesseurs mais le retour au travail. Ce n’est pas une nuance, c’est une philosophie. Le travail seul moteur justement de liberté, d’égalité, de fraternité, tout se tient chez lui. Le travail, c’est-à-dire concrètement une politique de compétitivité et un effort massif sur l’enseignement et la formation. Le discours sur l’école passe parce que son état alarmant est compris de tous, mais celui sur la politique de l’offre ne passe pas. Les Français n’y croient pas. Trente ans d’échec les ont rendus rétifs à supporter des efforts pour des réformes longues à porter leurs fruits. Le keynésianisme abâtardi qui domine les esprits empêche encore d’admettre qu’il y a un arbitrage entre emploi et coût du travail (le pouvoir d’achat). Enfin, le discours sur la fin du travail et le prêchi-prêcha des néosocialistes sur « la vraie vie est ailleurs », discrédite le credo présidentiel. De quoi nous parle-t-il avec sa politique de l’offre ? D’un autre enfumage pour une politique faite « pour les riches ».

Mais au fond du fond, ce que les Français ne veulent pas entendre dans la bouche de ce président est très simple : le macronisme est un optimisme.


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