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Prime défiscalisée : ce qu’en disent les patrons de PME

« Chiche ? Si la mesure est votée et mise en application, je verse une prime de 300 euros à tous mes collaborateurs ». C’est par ce tweet que Louis-Philippe Blervacque, dirigeant du bureau d’études et de conseil Auddicé, à Douai, a accueilli  l’invitation faite lundi soir par Emmanuel Macron  à « tous les employeurs qui le peuvent à verser une prime de fin d’année ». Il entend la mettre en oeuvre rapidement auprès de ses 80 salariés… « Ce n’est pas un effet d’aubaine, car nous avons déjà un dispositif de part variable sur les résultats et d’intéressement », ajoute-t-il.

Dans un contexte de plusieurs mois de polémique sur des opérations de cession de Mc Donald’s à Marseille, le franchisé de la chaîne de restauration a décidé de verser 200 euros, dès ce lundi, à ses 650 employés. Son gérant Serge Melniczuk a aussitôt affiché son engagement dans ses neuf restaurants. « Il est temps de vous faire plaisir […] je vous invite à aller dépenser cet argent auprès des commerçants de notre ville […] », peut-on y lire. Pour 80 % de ses salariés à temps partiel, cela peut représenter jusqu’à 10 % ou plus de la fiche de paye. L’opération va coûter 130.000 euros au franchisé qui réalise 30 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Attachée depuis quatre ans à révolutionner le marché de l’intérim, la plateforme Staffmatch vient de décider de verser 100 euros à ses intérimaires qui effectuent un minimum de 150 heures par mois. Dans un contexte de concurrence rude pour attirer un public habitué à travailler avec plusieurs agences, le patron Brice Cornut cherche à améliorer l’image de son entreprise et à « démontrer que la flexisécurité cela peut marcher ».

Interrogation sur les détails

Tous se posent des questions sur les conditions d’application. L’OTRE, l’organisation professionnelle qui regroupe des PME du transport routier, a vu remonter beaucoup de questions. « La mesure suscite un réel intérêt mais nous attendons d’avoir des informations complètes, note Laure Dubois, secrétaire générale adjointe de l’organisation. Le Premier ministre, Edouard Philippe a répondu à cette demande en précisant ce vendredi après-midi les conditions de mise en oeuvre la prime: elle sera totalement exonérée de prélèvement jusqu’à 1.000 euros pour les personnes gagnant moins de 3.600 euros net par mois; elle pourra être versée jusqu’au 31 mars. 

Dans un tout autre secteur, à Amiens, les six salariés du cabinet d’assurances De Jenlis-Defrance auront une prime. Le codirigeant de l’entreprise, Hubert de Jenlis appelle de ses voeux une fiscalité permettant de moins taxer ce type de revenus exceptionnels.

Mais la mesure elle-même ne fait pas l’unanimité. « Il est un peu dommage que ces mesures soient annoncées pour éteindre le feu, car les primes doivent correspondre avant tout à un système incitatif », considère William Wafo, patron de STIA, une PME nantaise spécialisée dans la tuyauterie. « Cela peut renforcer de façon significative le revenu net des salariés. Il y a de grandes chances pour que chez STIA, cela vienne augmenter l’enveloppe prévue », ajoute-t-il.

Vincent Lebreton, PDG d’Atlantique ouvertures, estime de son côté que la mesure est alléchante… surtout pour ceux qui n’ont pas l’habitude de verser des primes. Dans sa société de menuiserie industrielle, elles pèsent un demi à un mois de salaire et sont un élément d’attractivité dans un secteur qui peine à recruter. « Mais on ne décide pas en quinze jours si l’on peut verser 200.000 euros de primes », ajoute-t-il.

Interférence avec la NAO

Le timing n’est pas simple non plus. « Notre prime de Noël décidée de longue date a été versée jeudi au personnel », regrette le directeur général de Cristel, le fabricant de casseroles. Si les décrets d’application permettent une rétroactivité, il verra s’il est possible de faire un deuxième versement.

« Nous sommes actuellement en pleine NAO et nous ne voulons pas prendre d’initiative tant que ces négociations ne sont pas terminées », ajoute un porte-parole de l’éditeur de logiciel de gestion EBP.

Jean-Guy Le Floch, patron d’Armor Lux considère que ce n’est pas le moment. A cause des manifestations, sa société a perdu 20 % de chiffre d’affaires au cours des dernières semaines. A quelques jours de Noël, il pense que ce sera difficile à rattraper car les achats des ménages se sont reportés sur les sites Internet. Une prime coûterait 600.000 euros à son entreprise qui verse déjà un treizième mois à ses 600 collaborateurs.

L’idée de prime en période difficile est mise en cause. « Nous distribuons des primes quand l’année ou la saison a été bonne », martèle Christophe Durand, patron de la société nantaise Transporturgent.com qui considère que cette demande est un report des responsabilités du gouvernement sur les entreprises. Après l’été, il avait distribué plusieurs centaines d’euros de primes au personnel roulant de l’entreprise.


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