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Apple et l’iPhone : accident de parcours ou fin d’une ère glorieuse ?

Ce qui devait arriver arriva. Après des années à jouer à se faire peur sur les ventes d’iPhone en baisse, les marchés ont vu, ce mercredi soir, leurs craintes devenir réalité.  Apple a lancé un avertissement sur résultats , annonçant un chiffre d’affaires en baisse de 5 % à 10 % sur le trimestre allant d’octobre à fin décembre, par rapport à ce qui était attendu. Son premier depuis 2002.

Ces dernières semaines, les signaux négatifs se multipliaient  : prévisions de ventes d’iPhone revues à la baisse par les analystes, sous-traitants qui diminuent leur prévision financière sur le trimestre, promotions sur le smartphone vedette d’Apple alors que cela ne fait pas vraiment partie de la culture maison.

Wall Street n’a pas manqué de sanctionner le titre en Bourse. Depuis son pic historique début octobre à 1.121 milliards dollars, la capitalisation d’Apple a fondu de 372 milliards, soit une chute de 33 %.

L’ensemble des valeurs « tech » a chuté ces dernières semaines, sur fond de tensions commerciales entre Pékin et Washington, d’une correction globale des marchés et de crainte d’une récession globale. Mais le titre « AAPL » a plus souffert que ses comparses GAFAM à la Bourse américaine. Apple s’est ainsi fait doubler par Amazon et Microsoft ces dernières semaines.

A la mi-séance à Wall Street ce jeudi après-midi, l’action perd près de 9 %. Ce qui fait reculer la capitalisation à moins de 700 milliards. Apple vient ainsi de voir Google lui passer devant et n’est plus que la quatrième capitalisation boursière mondiale. Est-ce un simple accident de parcours ? Ou la fin d’une ère glorieuse qui doit amener Apple à repenser profondément son modèle ?

1) L’iPhone en perte de vitesse durable

Lors du dernier exercice fiscal d’Apple (clos en décalé à fin septembre), les ventes d’iPhone ont atteint un bon niveau en volume (217,7 millions d’unités). La firme californienne a écoulé plus d’exemplaires en 2018 que lors des deux précédentes années. Il s’agit de la deuxième meilleure performance historique de l’iPhone après l’année de 2015.

Surtout, les revenus générés par le smartphone se sont montés à 166,8 milliards de dollars l’an passé. Un record pour le groupe de Tim Cook.

Aujourd’hui, l’iPhone représente toujours près des deux tiers du chiffre d’affaires global d’Apple. Une force mais aussi une faiblesse ; quand les ventes du smartphone s’enrhument, c’est l’ensemble du groupe qui tousse.

Et les perspectives ne sont pas réjouissantes pour le groupe. En fin de semaine dernière, Citi Research a réduit de 29 % sa prévision de production d’iPhone par Apple au premier trimestre et a pratiquement réduit de moitié (48 %) les projections pour l’iPhone XS max, le plus onéreux de la gamme.

En cause : un taux de renouvellement faible dans certains pays développés où les fonctionnalités apportées aux  derniers modèles de la gamme n’incitent pas les consommateurs à se rééquiper. En sus, les relais de croissance sur lesquels Apple misait (la Chine tout particulièrement, mais aussi l’Inde) se révèlent moins porteurs qu’attendu, en raison aussi du contexte macroéconomique actuel.

Pour le groupe américain, il va être difficile de relancer la machine sur un marché global des smartphones  en fin de cycle où la croissance est désormais atone.  L’iPhone est loin d’être mort. Mais ses plus belles années semblent aujourd’hui derrière lui.

2) Quid du reste de la gamme hardware ?

Il n’y a pas que l’iPhone dans la gamme produit d’Apple. L’an passé, les revenus  de l’iPad ont poursuivi leur lente mais inexorable chute (à 18,8 milliards de dollars, soit – 2 % de baisse sur un an) sur un marché des tablettes dont la tendance est baissière depuis plusieurs années.

De leur côté, les Mac résistent toujours bien, à 25,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuels. Soit la deuxième meilleure performance historique de la gamme d’ordinateurs d’Apple après l’année 2017. Résilients, les iPad et les Mac ne représentent toutefois que 16,6 % des revenus globaux d’Apple. Ils ne feront pas office de remplaçants pour l’iPhone et ne constituent pas la solution pour Apple.

Quant aux autres produits (HomePod, Apple Watch, Apple TV, etc), il s’agit de l’activité à la plus forte croissance (+35 % sur un an en 2018) pour Apple. L’an passé, cette branche a généré 17,4 milliards de dollars de recettes et devrait faire mieux que l’iPad dès cette année.

Dans sa lettre envoyée aux actionnaires ce mercredi soir, Tim Cook avance que les « wearables » (Apple Watch, Airpods) ont vu leurs revenus grimper de 50 % sur un an. Mais cette activité n’est pas non plus à même de compenser la perdition de revenus inhérente au recul des ventes d’iPhone. Le profit warning – qui annonce une baisse du chiffre d’affaires de 5 % à 10 % par rapport à ce qui avait été annoncé lors du trimestre allant d’octobre à fin décembre -, en témoigne.

3) Les services, le grand pari de Tim Cook

50 milliards de dollars. C’est le niveau de revenus annuels que le patron d’Apple veut générer, via sa branche services (Apple Music, iTunes, App Store, Apple Pay, etc) à l’horizon 2020. Ce qui représenterait près de 20 % du chiffre d’affaires actuel global du groupe de Cupertino et lui permettrait de réduire sa très forte dépendance à l’iPhone.

Et la firme à la pomme croquée est clairement dans les temps de passage pour y parvenir. Tim Cook n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner  dans sa lettre aux actionnaires. « Les services ont généré 10,8 milliards de dollars (+27 % sur un an : NDLR) de revenus durant le trimestre […]. Nous sommes en bonne voie pour atteindre notre objectif de doubler la taille de ce business entre 2016 et 2020. »

Preuve de ses ambitions grandissantes, Apple pourrait lancer, cette année, un service premium d’abonnement payant qui donnerait accès à l’ensemble de ses contenus (séries télé, titres de presse, musique).

La raison de cette accélération ? Les services sont une activité particulièrement rentable pour Apple. Il y a un an et demi, l’analyste Toni Sacconaghi de Bernstein Research estimait ainsi que la marge brute se montait à 67 % dans les services, contre 24 % pour l’iPad. Et près de 40 % pour l’iPhone.

Mais le pari d’Apple repose sur un équilibre précaire. Pour vendre un maximum de services, le groupe est aussi contraint d’écouler ses propres appareils puisqu’il repose sur un écosystème essentiellement fermé. Une équation qui se corse forcément dès lors que les ventes de son produit phare reculent…

Reste que le groupe commence peu à peu à changer son fusil d’épaule. Ce qu’a récemment illustré  son partenariat avec Amazon.  Depuis début décembre, le service de streaming musical d’Apple est disponible sur l’ensemble de la gamme d’enceintes connectées (Echo) du géant de Seattle. Une brèche dans le dogme de l’écosystème fermé d’Apple qui n’a rien d’anodin et qui doit permettre au groupe de stimuler encore ses recettes dans les services.

4) Un matelas de cash sans équivalent et des méga-acquisitions en vue ?

Apple a de la ressource. Dans ses caisses, la société californienne possède actuellement une trésorerie plantureuse de 237 milliards de dollars. Un niveau sans équivalent dans le monde.

Cette cagnotte peut permettre au groupe d’envisager des méga-acquisitions. Tout particulièrement dans les services et les contenus. Activision, Netlix, Disney : les mêmes grands noms reviennent depuis plusieurs années. Sans qu’Apple ne passe à l’acte.

« Nous regardons de nombreuses sociétés, y compris de grosses entreprises. Jusqu’ici nous n’en avons pas trouvé une qui provoque un « waouh », mais je n’ai jamais exclu cette possibilité », a déclaré Tim Cook ce mercredi.

La croissance externe ne fait pas partie de l’ADN de l’entreprise dont le plus gros rachat demeure celui de Beats (3 milliards de dollars) en 2014. Un montant modeste au regard de la taille et des moyens dont dispose le groupe. Mais Apple va sans doute être contraint de virer sa cuti s’il veut demeurer un poids lourd mondial et récupérer sa couronne en Bourse. Il faut parfois que tout change pour que rien ne change.


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