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Izïa à pleine vitesse

RFI Musique : Où sommes-nous ?
Izïa : On est aux studios de La Frette. C’est là que j’ai écrit, composé et enregistré mon album.

Un lieu un peu hors du temps, à côté de la Seine, entouré d’arbres….
Oui, complètement. C’est un studio assez mythique qui existe depuis une trentaine d’années. Il y a énormément de groupes qui y sont passés. Cela répondait énormément à mes attentes : être dans un endroit entièrement immersif pour pouvoir créer, en même temps que produire, mon disque. Parce que je voulais faire un album dans une production continuelle, être dans un espace de création, mais aussi de production musicale.

C’est ici, par exemple, que Nick Cave a enregistré des albums, Arctic Monkeys également et vous maintenant ?
Plein d’autres artistes aussi. Et puis, c’est un endroit qui permet de dormir, manger sur place et c’était très agréable de pouvoir, ne pas soi-même aller à la création, mais de laisser la création venir à soi.

C’est en quelque sorte une vie en communauté, un peu hippie quand même…
Oui, ça m’a rappelé quand mon père pouvait aller à Hérouville. Et c’était mon fantasme depuis des années de faire un album dans ces conditions-là. J’ai mis cinq albums à me rendre compte que c’était vraiment la manière dont je voulais faire des disques dorénavant, exclusivement comme ça.

Alors justement, ce cinquième album, La vitesse, c’est du rock, de la pop, c’est aussi de l’électro. La vitesse sans limites…
Oui, c’est exactement ça. Et puis, de toute façon, j’ai l’impression d’être une artiste et un être humain assez multiple, avec énormément de goûts différents et énormément de facettes. Je ne me voyais pas me cantonner à un seul univers, une seule direction. J’ai pris plein de directions à pleine vitesse.

Vous éclatez les genres ?
Exactement. Et je pense que c’est important aujourd’hui, l’éclectisme dans la musique. C’est assez français finalement de ne faire qu’un seul style de chose. Alors qu’il y a plein d’artistes qu’on voit, ailleurs, qui se délectent de tous les styles musicaux possibles, inimaginables. Et de toute façon, avec ma voix et avec la musique que j’écoute, je ne me voyais pas faire une seule chose, du rock toute ma vie, ou alors passer directement à de la pop. Pour moi, la musique, c’est multiple.

On vous découvre autrement dans ce clip magnifique Mon cœur. Vous êtes vraiment très sexy, très féminine, …
Sur scène, j’ai toujours été très sexy, très sensuelle. Mais parce que pour moi, la scène, c’est animal. Donc, je dirais plus animale que sexy en fait. Et quand je suis sur scène, je ne me vois ni comme une femme ni comme un homme. Je me vois comme une énergie, comme une forme d’énergie, et c’est ce que j’avais envie de transmettre dans ce clip. En fait, c’était juste de l’énergie, de l’animalité, de la sensualité. Parce que j’ai un rapport très instinctif et très animal à la musique, à mon corps et au mouvement. Et pour moi, la nudité ou la « sexyness », ça fait partie intégrante de ma rage de musique.

C’est dans vos gènes, ce côté animal ? Votre père était comme ça, il a été beaucoup dans la théâtralité aussi sur scène ?
Oui, complètement. Je vois mon père, depuis que je suis gamine sur scène, être totalement offert au public. Lui aussi était très sexy, vraiment sensuel sur scène, un peu plus jeune, certes, mais même après…Il était toujours dans la sueur. Donc c’est ça aussi le grain, la dégaine animale.

Alors justement, cet album qu’on disait assez éclectique dans les genres : les thèmes varient énormément aussi. La vie, l’amour, la mort, l’étoile noire, c’est un disque un peu en clair-obscur, traversé par quelque chose de puissant…
Oui, ce sont des sujets qui me tiennent à cœur. C’est sûr que, même si c’est un album qui peut sembler parfois pop, il y a des sujets plus intimes, comme Tristesse. Je parle beaucoup de choses très, très personnelles et je parle beaucoup à la première personne alors qu’avant, je déguisais souvent mes propos par de la poésie ou des choses comme ça. J’avais vraiment envie d’être très « premier degré », et d’exprimer exactement ce que je ressentais, mes émotions, ce qui me traversait. C’est un album qui dit beaucoup de choses. Et en même temps, j’avais beaucoup de choses à dire après tout ce qui s’était passé. Donc, je suis extrêmement en accord avec tout ce que je dis. Pour la première fois, de mes trois albums en français – même si sur le précédent je parlais de choses très intimes -, j’ai l’impression de ne plus me cacher, d’être complètement sincère.

Vous vous appropriez aussi, comme votre père, la langue française. C’est important de l’affirmer, cette appropriation de la langue ?  
Oui, et puis surtout cette appropriation de moi en fait, parce que là, je m’assume dans ma langue. Alors que voilà, encore une fois, avant, je pouvais utiliser des petits stratagèmes pour dire des choses que j’avais envie de dire et que je ne disais pas vraiment. Là, j’ai l’impression d’être beaucoup plus frontale et de ce fait, de me rapprocher de ma vérité.

Je ne dis pas que c’est l’heure de la maturité parce que c’est un cliché. Mais c’est un album sur lequel vous vous sentez bien …
Oui, mais c’est quand même l’album… pas de la maturité, mais de l’affirmation. Oui, ça, c’est vrai. Je m’affirme et je m’assume. En fait, j’assume mon extravagance, mais aussi mes goûts, mes faiblesses, mes forces. Je dis beaucoup de choses dans ce disque.

Un exemple ?
Dans Folle : c’était quelque chose que j’avais envie de dire, depuis très longtemps, dans une chanson. De mes 20 à mes 30 ans, j’étais très exubérante sur scène. Je le suis toujours parce que encore une fois, c’est le côté animal que j’ai sur scène. Mais j’ai pu entendre les gens dire « folle » comme on caractérise les femmes en disant qu’elles sont folles ou ce genre de choses-là. Moi, je ne me sens pas du tout folle, bien au contraire. Je me sens totalement ancrée dans la vie. Mais pleine de vie, en fait, ce n’est pas de la folie, c’est l’énergie vitale. 

Féline ?
Une féline ! une « folline » ! (rires)

C’est quand même assez incroyable que ce soit pour vous un album d’affirmation. Parce que, vu votre parcours : à quinze ans, vous avez cartonné avec un album incroyable. À 18 ans, vous avez, de la même façon, retourné la scène et vous avez continué…
J’avais quinze ans et demi !

Et plus tard aussi dans le cinéma ( César du meilleur espoir féminin pour le film Mauvaise fille)...Il y a une quête de quelque chose ? C’est un parcours un peu éclectique…
Honnêtement, je me laisse vraiment porter par ma carrière, en fait par un parcours. Aujourd’hui, on a tendance à avoir toutes les informations sur un artiste immédiatement sur son premier album, avec une image, un truc. Alors que moi j’ai commencé, j’avais quinze ans. Évidemment, je me suis construite dans le temps. Mais mon parcours musical, mon parcours cinématographique, mon parcours humain, je pense que ça a été qu’une construction comme tout le monde. Et vu que j’ai commencé très jeune sous les yeux des gens, forcément que je ne suis pas la même personne qu’à l’âge de seize ans. Donc j’évolue au fil du temps. Je ne sais pas encore ce que la vie me réserve, mais je trouve ça hyper intéressant de grandir, d’apprendre. C’est mon cinquième album et pourtant j’ai l’impression que c’est le premier. C’est très drôle. C’est une évolution, c’est un apprentissage.

Alors la vitesse nous mène jusqu’où ? Jusqu’au crash comme le fait Cronenberg ?
Non, jusqu’à l’envol. C’est une prise d’élan, c’est une prise d’élan vers autre chose. Mais c’est la vitesse, parce que je suis allée vite, parce que je vais vite, parce que je n’ai plus envie de m’arrêter non plus. Là, c’était dur ces deux dernières années..Je me suis arrêtée à cause du contexte. La tournée s’est arrêtée très soudainement. Deux années sans rien faire. Donc là, je n’ai plus envie de m’arrêter, je ne veux plus qu’être sur scène et être en studio. J’ai envie de prendre un nouveau rythme. Comme j’ai trouvé cette manière de créer qui permet d’être tout le temps en production, je veux plus que tout finir une tournée, revenir ici, refaire un album et être tout le temps en effervescence.

Vous êtes sur une autoroute finalement ?
Exactement. Et il n’y aura pas de crash ! Maintenant, on ne s’arrête plus. 

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Izïa La vitesse (naïve/Believe) 2022


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