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Seb Martel, des guitares en liberté au musée

Seb Martel. © Elodie Maillot / RFI

Après avoir joué avec Christine Salem, -M-, Camille, Femi Kuti ou Salif Keita, Seb Martel est entré au Musée de la musique à Paris. Il y a emprunté quelques guitares électriques pour enregistrer un superbe album solo, Saturn 63, composé uniquement avec ces guitares mythiques. Depuis, elles sont retournées dans les réserves du Musée…

Cet album tient à un fil : celui du temps. C’est l’histoire d’une rencontre entre passé, présent et futur. Une rencontre entre le guitariste Seb Martel et une dizaine de guitares électriques soigneusement conservées à l’abri du temps dans les réserves du Musée de la musique. Des Gibson, Gretsch, Fender, Epiphone, Hofner ou Saturn 63 que Seb Martel a pu sortir de leurs linceuls blancs en Tyvek (la toile qui les préserve) pour les ressusciter le temps d’un album qui projette leur son vers une autre époque…

« C’est un échange d’expériences. Le talent de Seb Martel et du label de musiques électroniques InFiné étaient les partenaires idéaux pour mener ce projet porté par la force magnétique de nos instruments » résume Marie-Pauline Martin, directrice du Musée de la musique qui avait déjà ouvert sa collection de clavecins au musicien Arandel (InBach paru en 2019 sur le label InFiné).

Entre deux séances d’enregistrement, ces pièces sont manipulées avec précaution et transportées sur des tables roulantes, un peu comme des grands malades immobiles qui reprennent vie entre les mains de Seb Martel. « Elles font désormais partie du patrimoine national, précise Alexandre Girard, conservateur de guitares électriques au musée. Il s’agit de biens inaliénables qui pourront être étudiés et joués dans 300 ans, d’où un protocole très strict qui exige qu’on les manipule avec des gants blancs. Mais Seb a eu toute liberté pour les faire vibrer. Et c’est très émouvant de les entendre sonner comme ça ! »

Fender, Hofner et Gibson

Les séances d’enregistrement ont débuté quand le temps s’est suspendu dans une France sous Covid avec des salles concert fermées depuis des mois. Quand Seb Martel est entré au Musée, avec l’ingénieur du son Martin Antiphon, il a fait sortir de la réserve une dizaine d’instruments dont une Fender couleur crème de 1957 « qui vaut le prix d’un petit appartement », deux Gibson « rouge coup de soleil », une Hofner « pas très flatteuse, mais tranchante » et la fameuse Saturne 63, son coup de cœur.

Son objectif était de faire un disque uniquement avec ces guitares. On est pourtant loin du folk, d’Hendrix ou des solos egotripés. Seb Martel emmène la guitare dans un univers à part, une expérience au-delà des mélodies, des époques et des genres musicaux. Avec ses impros improbables, ses superpositions et ses coups de génie à effets notoires, Seb Martel étire le son, il en extrait la poésie pure, il bricole une transe déconfinée, convoque les échos du King sur Blues Suede Shoes et laisse d’autres fantômes du passé digitalisés hanter ses propres compositions, celles de Benjamin Britten ou de la Mexicaine Chavela Vargas.

« J’y suis allé un peu timidement au début, explique Seb Martel. Il y a une lutherie d’exception, des grands musiciens sont venus ici. Mais l’équipe m’a très vite mis à l’aise. Dès que je posais mes doigts sur une guitare, je jouais ce qui me venait, je laissais le son parler ». Il en jaillit des textures, des rythmes, et toute une matière sonore que Seb Martel pu retravailler pendant de long mois.

Les amis et la famille

Les voix humaines sont les seuls « instruments » qui ne viennent pas du musée sur cet album. Il y a celle de Seb Martel, mais aussi Camille, Cindy Pooch, Sabrina Bellaouel, Nicolas Martel, Chocolate Genius, Vic Moan, et les échos de –M– et Mathieu Boogaerts, invités pour une « jam de Matt » dans les sous-sols du musée. Bref ! il n’y a que des intimes de Martel sur ce disque : les guitares que Seb a caressées et apprivoisées et des proches collaborateurs dont la présence raconte les différentes époques musicales que Seb a traversées en quelques décennies d’une carrière très riche et ouverte aux rencontres diverses.

« Quand Seb a commencé cet album, on ne se connaissait pas. Mais il y a quelque chose de presque familial entre nous, même si nos univers artistiques sont très différents. Très vite, on a décidé de travailler ensemble sur mon prochain album, et il m’a naturellement invité sur le sien. Tout était spontané. Seb a une ouverture et un soin incroyable pour la musique, ça crée un espace de créativité. Il y avait juste à laisser résonner et enregistrer » explique la jeune chanteuse d’origine camerounaise, Cindy Pooch, invitée sur deux titres, dont Future Talk, dont les paroles ont été écrites par Anita, la jeune fille de Seb Martel. « Elle avait été chopée en cours de math en train d’écrire des chansons sur son téléphone, alors, un peu comme une punition, je lui ai dit : écris ! Quand elle m’a rendu ce texte sur le futur, j’étais bluffé ! » explique son père.

Autre présence intime et familière sur ce disque, le violoncelliste Vincent Segal, « un frère musical » qui a, lui aussi, relevé un défi lancé par Seb : jouer de la guitare. « Il a un accordage très personnel, en do-sol-ré, proche du doigté du violoncelle qui lui permet de déployer des harmoniques très larges, c’est très beau » explique Seb Martel, qui malgré les défis, n’aspire qu’à secouer les libertés de chacun. Ça donne des sons authentiques et magnétiques au service d’une magie rare qui passera l’épreuve du temps.

Seb Martel Saturn 63 (InFiné) 2022
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