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Hatouma Sylla, la voix d’or du Noël Mandingue

Lorsqu’elle foule pour la première fois, à 19 ans, après avoir payé elle-même son billet, le sol de la terre natale de ses parents, le Mali, Hatouma Sylla reconnaît tout. Les odeurs. Les couleurs. Les sons. Les vibrations. Comme un pays déjà étrangement familier.

« Nous ne partions jamais en famille. Pour ma mère, femme de ménage, et mon père ouvrier, emmener huit enfants représentait une charge lourde. À chaque fois, ils choisissaient l’un de nous », raconte la jeune femme de 26 ans.

À Villejuif, où elle grandit et vit encore, le « pays » reste pourtant omniprésent. « À la maison, on regardait les chaînes de télé africaines. Papa et maman nous obligeaient à parler en soninké…, raconte-t-elle avec son léger accent de banlieue parisienne. On regardait des vidéos de mariage, pour apprendre des pas de danse. On fréquentait des tribus de cousin.e.s… Enfin, quand j’ai commencé à m’intéresser au chant, je me suis documentée, j’ai regardé des vidéos, je connaissais les paysages par cœur… À tel point, je crois, qu’enfant, je pensais sincèrement être déjà partie au Mali. »

Aujourd’hui, elle se ressource, chaque année, à Bamako, quartier de Fombabougou, à la frontière de Titibougou, des noms qu’elle prononce avec une gourmandise palpable.

Sur ses playlists ? Elle déroule uniquement des musiques mandingues, et surtout celles de ses idoles, les chanteuses maliennes Dialou Damba, Babani Koné, Tita Koné, Ami Koïta… « J’éprouve des émotions incroyables face à leurs techniques, leurs vibratos uniques, dit-elle. Pour moi, les sons maliens représentent l’origine-même de la musique… »

Au départ, cet amour fou était pourtant loin d’être gagné… « Mon père n’écoutait que des griottes, des chansons traditionnelles, se remémore-t-elle. Et moi, ado fan de r’n’b, qui ne jurait que par Rihanna, je détestais ça ! De la musique de blédards ! Un beau jour, pourtant, j’ai retrouvé mes racines. Finalement, aujourd’hui, c’est moi la blédarde, ahah ! »

Devenir soi-même

Sa passion pour le chant commence à la petite enfance. Affublée des habits de sa mère, armée d’un déodorant ou d’une brosse à cheveux en guise de micro, elle donne de la voix et du cœur. « J’étais persuadée de chanter ultra-bien, mais tout le monde à la maison me suppliait de me taire », rigole-t-elle.

Rebelote à la kermesse de l’école primaire, où elle ouvre large son gosier : « Là encore, j’avais l’impression d’avoir un don, mais personne ne m’en touchait mot. » Il faudra attendre le collège et les cours salutaires d’une prof de musique pour que tout change.

Lorsque des groupes musicaux se constituent, tout le monde se bat pour être à ses côtés, elle, l’élève timide, en manque de confiance. « Hatouma, tu chantes super bien ! », s’exclament-t-ils. Enfin la reconnaissance ! Après avoir assuré, au chant, toutes les fêtes du collège, sa grande sœur, membre du staff de Miss Mali France, lui demande, à 17 ans, de chanter pour la cérémonie.

« Dès les répétitions, elle est partie en pleurs, envahie par l’émotion » se rappelle Hatouma, qui prend conscience du pouvoir de sa voix puissante. Ce qui ne manque pas de subjuguer son public… « La plupart de ceux qui viennent me voir, n’arrivent pas à croire que je suis française ! Quand je chante, je me téléporte dans un autre monde, je deviens quelqu’un d’autre, ou plutôt complètement moi-même », dit-elle. 

Peu à peu, cette fan du griot et chanteur Kassé Mady Diabaté se professionnalise comme musicienne en parallèle de ses études. Elle chante dans les mariages, et se produit auprès des plus grands, comme Lansiné Kouyaté ou Ballaké Sissoko. Des collaborations dont elle n’osait même pas rêver… « Sur Spotify, je m’entraînais à chanter sur les musiques de Ballaké ! Et finalement, je me suis produit avec lui sur scène ! », s’émerveille-t-elle encore.

L’amitié d’un hippopotame

Dans son parcours, la jeune femme trouve également un mentor, un complice, en la personne du virtuose de la kora, Chérif Soumano. « Après l’avoir suivi sur les réseaux sociaux, je l’ai finalement rencontré à la Nuit du Mali, où je me produisais en 2019. Depuis, il est comme un tonton, qui a su rassurer mes parents, effrayés que j’emprunte la voie de la musique. Il me conseille, il m’aide à écrire mes chansons… « , explique-t-elle.

Et, peu à peu, son style évolue, en équilibre entre ses deux cultures, occidentale et africaine. « Au début, je chantais de façon traditionnelle, je réfléchissais beaucoup, j’avais peur de m’éloigner des modèles, dit-elle. Aujourd’hui, je me sens davantage libre, spontanée, plus personnelle… « 

Et c’est toute l’étendue de ce talent que révèlera Hatouma lors du fameux Noël Mandingue d’Africolor le 24 décembre au soir, en compagnie de Yacouba Koné à la guitare, Elisée Sangare à la basse, Bina Samaké à la batterie, Balakala Diabaté au balafon et Vincent Lassalle aux percussions, au kamalé n’goni et à la direction…  

Au menu ? Essentiellement des chansons traditionnelles, revues par Hatouma, dont Mali Sadio, son titre préféré. « Dans le village de Bafoulabé, un hippopotame et une femme étaient devenus les meilleurs amis du monde, décrit-elle. Les habitants voulaient tuer la bête, mais elle l’a farouchement défendu. Cette chanson sur l’amitié, je peux la chanter des heures durant sans m’arrêter. Moi-même, je me procure des frissons ! »

Soit un joli conte qui assurément provoquera aussi des émotions intenses sur le public de cette dernière soirée d’Africolor : un féérique Noël mandingue !  

Hatouma Sylla en concert le 24 décembre à Montreuil dans le cadre d’Africolor

Page Facebook d’Hatouma Sylla


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